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Ivan Van de Cloot : « Il est où, le rapport qualité/prix de nos dépenses publiques ? »

par Lode Goukens
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Les dépenses publiques belges figurent à l’agenda de la formation du gouvernement fédéral. On a l’impression que les circonstances les ont imposées. Mais est-ce vraiment le cas ? Parlons-en avec le spécialiste flamand le plus redouté : Ivan Van de Cloot.

L’économiste flamand Ivan Van de Cloot dirige un groupe de réflexion appelé Merito. Les lecteurs de L’Écho le connaissent probablement depuis de nombreuses années. En Flandre, il est considéré comme l’une des voix les plus respectées concernant les dépenses publiques. Une expertise qui remonte à son expérience en tant qu’économiste à la banque BBL, puis à ING, et enfin au think tank Itinera. Depuis un peu plus d’un an, il gère son groupe de réflexion, Merito.
Pour 21 News, il a exposé son analyse durant quelques heures, dont voici un premier compte rendu.

Le fil rouge de ses exposés pourrait se résumer ainsi : les économies des gouvernements belges, tous confondus, se limitaient et continuent à se limiter à un travail sur la croissance des dépenses publiques. « En pourcentage du produit intérieur brut (PIB), cela ne signifie guère grand-chose et, par la suite, il y a toujours un sursaut des dépenses avant de revenir aux mauvaises habitudes. »

Allergie aux économies

« Le système semble immunisé contre les économies. Cela s’explique. Il y a une différence importante entre une politique et la politique », explique Van de Cloot. Car la politique change de temps en temps. Après les élections, certains politiciens quittent la scène et d’autres les remplacent. « Les discours changent, les priorités et les objectifs changent également, mais la gestion reste immuable. Cette gestion, en français, s’appelle politique. En néerlandais, on fait la distinction entre politiek et beleid. En français, il n’y a qu’un mot : la politique. »

Selon l’économiste, un manque d’alternance en est la cause. Il donne l’exemple britannique, où, lors d’un changement électoral, on passe les politiques au peigne fin. Les mesures favorables sont introduites, tandis que celles jugées défavorables sont écartées selon le programme politique du gouvernement. Le système de coalitions belges, où certains partis partagent le pouvoir pendant des décennies, se révèle très résistant à un tel exercice.

La difficile réforme de la fonction publique

« Le meilleur exemple est sans doute la santé publique », dit Van de Cloot. « Dans la supernote du formateur, une certaine alternance s’était dessinée grâce à l’éviction du PS. Une promesse était sur la table : les pensions, bloquées par le PS, allaient être réformées. » L’économiste reste néanmoins prudent face à la supernote. « Une harmonisation des pensions des fonctionnaires pourrait générer des dizaines de millions [d’économies] si on les basait sur la carrière entière, et non pas sur les dix dernières années de travail. »

La logique de l’alternance s’impose parce qu’elle met fin aux tabous, selon Van de Cloot. Des tabous comme la durée du chômage ou la liberté pour employeurs et employés de négocier librement les salaires. « L’administration publique et les fonctionnaires sont beaucoup plus difficiles à réformer », poursuit Van de Cloot dans son analyse. « En Flandre, j’ai assisté à la “Vlaamse Brede Heroverweging” en 2021. C’était un audit des dépenses publiques avec l’objectif de les rendre plus efficaces et plus efficientes. » Les nombreux rapports produits lors de cet exercice ne sont cependant qu’un point de départ.

Ivan de Cloot se pose la question : « Pourquoi y a-t-il si peu d’innovation ? » Et il fournit la réponse : « À cause du manque d’alternance et du fonctionnariat. Le citoyen peut voter pendant des décennies pour un changement… pour constater que rien ne change. Une évolution fort dangereuse. » L’économiste ajoute qu’il perçoit « une dynamique malsaine entre la majorité et l’opposition. »

La parabole du troisième rail

Cette dynamique n’est peut-être que le moindre des problèmes, car l’économiste observe aussi « une allergie au choix » au sein de la classe politique. Le facteur médiatique joue un rôle important dans cette allergie. « Trop de temps politique est investi dans des questions peu importantes », explique Van de Cloot. « J’aime la comparaison avec ce que les Américains appellent le third rail. Une notion du métro new-yorkais. Un des trois rails transporte un courant mortel. Aborder certains sujets équivaut à toucher ce troisième rail : c’est du suicide politique. »

La parabole du troisième rail ramène la discussion sur les tabous politiques. « Il faut transformer ces tabous en positions politiques. Même pour les pensions, la santé publique et d’autres questions. Hélas, qu’observons-nous ? La santé publique redevient un tabou politique affranchi des économies à réaliser. Et, de surcroît, ce n’était pas le PS, mais le CD&V qui a introduit cette exception. »

« Se limiter à économiser 320 millions d’euros sur la santé publique n’est pas normal. Nous parlons de gros budgets. Environ 60 milliards d’euros pour les pensions et une quarantaine de milliards pour la santé publique. C’est frustrant pour tous ceux qui souhaitent mener un débat de fond. Les politiciens ne souhaitent réfléchir qu’à la norme de croissance, surtout pas aux réformes. Les vraies réformes sont mises au frigo. »

Van de Cloot a l’avantage de l’analyse historique. Au cours de sa carrière, il a produit de nombreuses études sur les dépenses publiques et les politiques d’austérité. Cette vision historique et panoramique laisse un goût amer. « Les factures n’ont été que reportées. Même sous Dehaene. »

Lode Goukens

(Photo : I. Van De Cloot)

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