Si la candidature de la Démocrate est portée par une importante vague d’enthousiasme depuis le retrait de Joe Biden et la présentation de son colistier Tim Waltz, Kamala Harris peine à présenter un programme percutant, car elle doit rassembler sur un large spectre politique.
Jusqu’au 21 juillet 2024 et le retrait de Joe Biden de la campagne présidentielle, Kamala Harris était confinée à un rôle de l’ombre, peu en vue du grand public américain. La même chose vaut pour son colistier Tim Waltz qui, s’il a pu convaincre à la convention démocrate, est encore peu connu des Américains. La paire n’est pas aidée par la définition d’un programme clair ou incisif, comme en témoigne l’interview que le ticket démocrate a menée sur CNN le 29 août dernier.
Un programme économique orienté vers la classe moyenne
Dans le fond, Kamala Harris l’affirme, sa principale préoccupation consiste à revaloriser le pouvoir d’achat des Américains, principalement ceux issus de la classe moyenne. Ce souhait se construit autour de trois mesures principales : aide pour l’achat d’un premier bien immobilier, des exemptions de taxe pour les parents dans l’attente d’un enfant, ainsi qu’un ensemble de lois destinées à empêcher des prix rendus anormalement élevés par des situations quasi-monopolistiques dans le domaine de la grande distribution. La candidate s’est par ailleurs déclarée favorable à une augmentation du taux d’imposition des entreprises et a promis de ne pas augmenter les taxes des ménages gagnant moins de 400.000 dollars (360.000 euros) annuels.
Un second point concerne le droit à l’avortement. Il s’agit là d’un sujet de contentieux majeur entre les deux partis. La décision de juin 2022 de la Cour Suprême de renvoyer aux États fédérés la possibilité de légiférer en la matière, si elle a ravi nombre de partisans Républicains, constitue plutôt un avantage pour les Démocrates en vue du scrutin général, car le sujet est de nature à mobiliser les électrices vers le camp des « progressistes ». Kamala Harris a en tout cas prévu de pousser à ce que soit adoptée par le Congrès une législation fédérale de protection du droit à l’IVG. Il faudrait pour ce faire que les Démocrates reprennent le contrôle du législatif début novembre, ce qui n’est pas garanti.
Une ligne internationaliste « classique »
Au plan international, contrairement à Donald Trump, l’actuelle vice-présidente n’entend pas ménager la Russie dans son conflit l’opposant à l’Ukraine. La poursuite de l’aide financière et militaire à destination de cette dernière est actée. Concernant le conflit faisant rage à Gaza, la Démocrate s’affiche en tant que « défenseur inaliénable du droit d’Israël à sa défendre », ce qui ne l’empêche pas d’appeler régulièrement à un cessez-le-feu entre les deux parties. Elle a tout de même posé un geste fort en matière de soutien à Israël en refusant que la faction pro-palestinienne de ses partisans prenne la parole lors de la convention nationale démocrate en août dernier.
En matière de soins de santé, la candidate démocrate peut se targuer d’un bilan marqué par une réelle volonté de réformes ; elle a notamment œuvré à réduire le coût des médicaments en prescription, a participé à limiter le prix de l’insuline sur le marché américain (il était six fois moins cher au Canada). Bien qu’elle n’entende pas pousser à un élargissement de la prise de charge fédérale de polices de soins de santé, Kamala Harris désire tout de même participer à effacer une partie de la dette médicale accumulée par des millions d’Américains.
Une « dure » en matière de délits ?
Son passé de procureure général de Californie, avant qu’elle ne soit sénatrice puis vice-présidente, plaide plutôt pour elle en matière de rigueur contre la criminalité – ceci même si les Républicains entendent pousser la logique de « la loi et de l’ordre » bien plus loin qu’elle. Ses services ont en tout cas œuvré à l’époque à pousser vers le haut les taux de condamnation ferme dans les différents dossiers dont elle s’est occupée.
Du côté des politiques migratoires, dont elle a été en charge pendant ces quatre dernières années, la Démocrate cultive un certain flou sur ses intentions. En tant que vice-présidente, elle a été à l’initiative d’une tentative de législation bipartisane sur la question, mais cette dernière a été torpillée par les alliés de Donald Trump, qui ne la trouvait pas assez rigoureuse. Lors de son discours à la convention nationale démocrate, elle a, au travers de l’exemple de sa mère venue d’Inde et qui s’est accompli professionnellement aux États-Unis, insisté sur les vertus du pays en tant que terre d’accueil. Elle tente donc apparemment de trouver un juste milieu entre accès à la citoyenneté pour une frange des migrants déjà présents sur le territoire américain et sécurisation de la frontière.
Enfin, en matière de changement climatique, elle entend maintenir les efforts des États-Unis même si, sur certains dossiers, elle a choisi de renoncer à quelques-unes de ses convictions, notamment sur le dossier de l’extraction du gaz de schiste. Cette industrie, particulièrement développée dans l’État-clé de Pennsylvanie, est par trop importante économiquement que pour prendre le risque de s’aliéner sur place certains électeurs encore indécis.
Demain : les grands points du programme de Donald Trump
M.D.
(Photo Belga)