Giorgia Meloni accédait au pouvoir le 22 octobre 2022. Avec un budget approuvé et une immigration illégale en baisse, elle se positionne en leader d’un groupe européen qui oscille entre libéralisme économique et conservatisme.
Cela fait deux ans que Giorgia Meloni a pris la tête du Conseil des ministres en Italie. Cette « dame de fer » italienne avait, lors de son arrivée au pouvoir, une réputation de néo fasciste, admiratrice de Benito Mussolini. Deux ans plus tard, elle s’est imposée notamment au sein de l’Union européenne, comme une leader politique réaliste sur le plan international et financier, tout en maintenant son cap sur les valeurs sociétales, soit un conservatisme social et une fermeté à l’égard de l’immigration. Même le correspondant du journal Le Monde l’a reconnu.
Une politique étrangère et financière compatible avec Bruxelles
Alors qu’elle était accusée de proximité avec Vladimir Poutine pendant sa campagne, Giorgia Meloni a rapidement rejoint la position des pays de l’Union européenne dans leur soutien à l’Ukraine. En ce sens, elle s’est montrée fidèle à l’atlantisme historique de l’Italie et a poussé à l’approbation de nouveaux investissements militaires. Dès le 7 octobre 2023, elle a affirmé son soutien à Israël, en prenant de front la tradition pro-palestinienne de l’Italie, tout en insistant sur la nécessité d’un cessez le feu et d’une augmentation de l’aide à la population civile à Gaza. Réaliste, Giorgia Meloni ne pouvait se permettre de perdre le soutien de l’Union européenne et la bienveillance des marchés. En formant son gouvernement, elle a d’ailleurs nommé des ministres compatibles avec Bruxelles à des postes clés, dont Giancarlo Giorgetti, numéro deux de la Ligue du Nord, membre du gouvernement précédent de Mario Draghi.
Sa politique économique s’inscrit au fond dans la ligne de son prédécesseur, avec quelques mesures audacieuses et marquantes, telles que la suppression pour les personnes jugées employables du revenu citoyen, – un revenu universel créé par le Mouvement 5 étoiles en 2019. Le budget 2025 prévoit de maintenir l’équilibre entre la réduction du déficit et le respect de certaines promesses électorales. Parmi les mesures phares de son budget, son gouvernement prévoit une baisse des impôts pour les revenus les plus modestes. Pour financer cet allègement, il annonce des recettes fiscales prélevées sur les compagnies d’assurances et sur les banques, mais aussi une réduction des dépenses de certains ministères, à l’exception de la Santé et de la Défense. Des efforts qui visent à répondre aux exigences de l’Europe et donnent au marché un signal rassurant. L’agence de notation Fitch a d’ailleurs annoncé qu’elle maintiendrait la notation de la dette publique italienne à l’échelon «BBB», tout en la plaçant dans une perspective de « stable » à « positive » grâce au respect des engagements européens.
Une droitisation sociétale
Mais la cheffe du gouvernement italien s’était surtout distinguée durant sa campagne électorale par ses positions sociétales. Au nom de la défense du modèle traditionnel familial, elle a ainsi interdit aux autorités locales d’enregistrer à l’état-civil les enfants de couples gays et lesbiens, qui en Italie ne sont pas autorisés à adopter ou à recourir à des mères porteuses. Elle poursuit une politique qui encourage la natalité en Italie qui a un des taux les plus bas d’Europe, en diminuant notamment la TVA sur les articles et services pour la petite enfance.
Mais les électeurs de Giorgia Meloni l’attendaient surtout sur sa politique à l’égard de l’immigration et ont voté pour une plus grande fermeté dans la lutte contre l’immigration illégale. Pour réaliser cette promesse électorale, Meloni a signé un accord avec la Tunisie, sur le modèle des accords signés entre l’Union européenne et la Turquie. En contrepartie d’une lutte des autorités tunisiennes contre le passage des migrants de l’Afrique subsaharienne vers l’Italie, l’accord prévoit une aide financière à la Tunisie et l’octroi de visas de travail légaux. Ce premier accord a engendré des conséquences dramatiques pour les migrants sub-sahariens mais il a contribué à faire baisser l’immigration clandestine depuis 2024 de plus de 65 %. Giorgia Meloni poursuit cette politique d’accords avec les pays de la Méditerranée, mais elle est à présent en pleine polémique sur l’accord qu’elle a signé avec l’Albanie, un accord de délocalisation du traitement des demandes d’asile des migrants récupérés en mer.
L’incarnation d’un nouveau postpopulisme ?
Dans son dernier ouvrage, le politologue Thibault Muzerges* place Giorgia Meloni en chef de file d’un mouvement idéologique qu’il appelle un « postpopulisme ». « C’est un mouvement qui se caractérise par un conservatisme sociétal assumé, une fermeté à l’égard de l’immigration et un soutien au libéralisme économique et à l’Union européenne. » Un positionnement qui la distingue de La Lega de Matteo Salvini, ou encore du Vlaams Belang de Tom Van Grieken. En juin 2024, lors des élections européennes, Giorgia Meloni est l’une des seules dirigeantes européennes à s’être retrouvée confortée par le résultat des urnes.
- Thibault Muzergues, Post-populisme, la nouvelle vague qui va secouer l’Occident, Editions de l’Observatoire, 2024, 252 pages
M.V.
(Photo Belga : Giorgia Meloni)