Alors que le scrutin s’annonce serré comme jamais, les candidats à la présidentielle américaine rivalisent d’énergie pour tenter de mobiliser leurs électeurs sur certains thèmes-clés. Qu’est-ce qui mobilise l’électorat dans ces États-pivots ? Pour qui vont-ils basculer ? Voici les dernières tendances.
L’enjeu principal, pour les deux candidats à la présidentielle du 5 novembre prochain, consiste à rassembler derrière eux 270 grands électeurs sur un total de 538 répartis sur cinquante États (plus le district fédéral de Washigton qui en compte trois, à l’instar des États les moins peuplés comme le Wyoming ou le Delaware). En revanche, certains territoires comme la Californie ou le Texas, les deux plus peuplés de l’Union, comptent considérablement – respectivement pour 54 et 40 grands électeurs.
Ils sont par contre relativement peu disputés. Dans le système prévaut le « winner takes all » ; c’est-à-dire que le parti qui convainc la majorité des électeurs d’un État remporte tous ses grands électeurs. En conséquence, il est possible pour un candidat d’investir le Bureau ovale sans remporter le vote populaire. C’est arrivé cinq fois dans l’histoire du pays, et le plus récemment en 2016, lorsque Donald Trump a triomphé d’Hillary Clinton.
Quelle tendance dans ces États indécis ?
On estime généralement à une demi-douzaine le nombre d’États réellement disputés – au sens d’être instables électoralement, ce qui justifie que les candidats s’y rendent plus qu’à la normale pour tenter d’y rafler la mise. Lors de ce cycle d’élections, il ressort que sept d’entre eux, au total, sont encore, à une semaine du scrutin, indécis, bien qu’il semble que l’Arizona soit acquis à Donald Trump.
En voici une liste, complétée de leur poids électoral et des derniers sondages les concernant issu du site 5.38, réputé le plus fiable en la matière.
Pennsylvanie (19 votes au Collège électoral) : Trump +0,3%
Cet État du Nord-Est américain, ancienne terre d’industrie, dispose en Philadelphie – qui n’en est pas la capitale –, de la ville où a été signée en 1776 la Déclaration d’indépendance des États-Unis. Si cette dernière penche démocrate, comme la majorité des villes de l’État (Pittsburgh et la capitale Harrisburg), les campagnes, de leur côté, sont plutôt acquises aux républicains. Une des préoccupations principales des habitants de la Pennsylvanie consiste en le maintien des activités d’extraction de gaz de schiste, réputées polluantes et non conformes à certains objectifs écologiques. Les républicains se sont toujours engagés à les protéger, quant à Kamala Harris, elle a fait volte-face sur la question, pour d’évidentes raisons électoralistes, les enjeux en Pennsylvanie pesant trop lourd.
Nevada (6 votes au Collège électoral) : Trump +0,2%
Cet État est, comme le Texas et l’Arizona, en première ligne en ce qui concerne l’immigration illégale, bien qu’il ne soit pas directement frontalier avec le Mexique. L’immigration illégale, qui représente aux États-Unis plus de 2,5 millions d’arrivées par an, constitue le sujet de préoccupation numéro un des électeurs américains. À noter que la communauté hispanophone, qui représente presque 15% des électeurs aux États-Unis – pour quelque 29% au Nevada –, se range de plus en plus derrière les républicains, alors qu’elle était autrefois acquise aux démocrates. Il semble que plus les arrivants s’installent dans la durée, plus leur comportement électoral a tendance à évoluer vers un positionnement plus conservateur.
Caroline du Nord (16 votes au Collège électoral) : Trump +1,3%
Cet État côtier du centre, anciennement sudiste, est en ballotage depuis quelques dizaines d’années, bien qu’il ait voté républicain aux présidentielles depuis 1980 – à l’exception de Barack Obama en 2008. Aux rangs des préoccupations locales, l’avortement et le port d’arme dominent. Le premier est supposé avantager les démocrates, le second les républicains. Les conservateurs devraient toutefois émerger une nouvelle fois sur place mardi prochain.
Michigan (15 votes au Collège électoral) : Harris +0,4%
Le Michigan, État du Midwest américain, est également systématiquement imprévisible et constitue, avec ses 15 grands électeurs, un des « swing states » les plus convoités. Et les plus instables. Les candidats des deux grands partis s’y rendent régulièrement (ils y étaient encore tous deux le week-end dernier). À Detroit, berceau américain de l’automobile, les syndicats du secteur se sont rangés sans surprise derrière Joe Biden. Lors des quatre dernières élections présidentielles, le candidat qui a triomphé sur place a systématiquement emporté le présidentielle. À noter que le Michigan possède une importante minorité musulmane, de l’ordre d’un quart de million d’individus. Alors qu’ils sont traditionnellement démocrates, ces électeurs musulmans pourraient s’abstenir ; sorte de vote-sanction contre Kamala Harris pour une posture qu’ils ont jugé par trop « laxiste » envers Israël dans le contexte de la guerre qui fait rage à Gaza. Cette abstention, qui pourrait atteindre 10% des électeurs, pourrait peser lourd dans cet État où chaque voix compte. Joe Biden avait remporté le Michigan avec 160.000 voix d’avance en 2020.
Géorgie (16 votes au Collège électoral) : Trump +1,5%
Cet État, perdu par Donald Trump pour quelque 12.000 voix en 2020 (s’en était suivi un coup de fil lunaire de l’intéressé au responsable des élections locales Brad Raffensperger lui intimant de « trouver 12.000 votes »), risque fort de tomber dans l’escarcelle républicaine, malgré les casseroles du principal intéressé sur place, qui se débat avec un procès diligenté par la procureure Fani Willis (qui elle-même s’est compromise dans une relation avec un de ses subordonnés en charge de l’enquête). La Géorgie illustre comme peu d’États aux USA la problématique liée au droit de vote des minorités raciales, dont l’exercice est depuis 2020 encadré d’une manière rigoureuse par la législature locale, et pour franchement parler, beaucoup plus restrictive. En cause : le vote par correspondance (abstentee ballot), procédure qui favorise statistiquement les démocrates et que les républicains tentent de décourager. Le nombre d’urnes mobiles a également été revu drastiquement à la baisse, sans que jamais des preuves tangibles aient pu être apportées, laissant supposer des irrégularités manifestes.
Wisconsin (10 votes au Collège électoral) : Trump +1,5 %
Autre État du Midwest américain, le Wisconsin a aussi vu une diminution significative des urnes mobiles lors des quatre dernières années, après que la Cour Suprême locale, un temps dominée par les républicains, eut interdit leur utilisation. Cette interdiction a été cassée par la nouvelle majorité démocrate, mais leur nombre ne constitue plus qu’une petite fraction de ce qu’il était autrefois. Trump se rendra encore sur place avant le 5 novembre, pour consolider sa position désormais favorable.
Maxence Dozin
(Photo Belgaimage : meeting de Kamala Harris dans le Michigan)