Dans quelques jours, Dan Jørgensen, ancien ministre danois de l’Énergie, va être auditionné par le Parlement européen. De cette audition dépend sa nomination définitive comme Commissaire européen en charge de l’Énergie. Or, le Danois s’est souvent exprimé de manière extrêmement critique envers l’énergie nucléaire, pourtant une des solutions à la transition énergétique européenne décarbonée. Il n’évoque que mollement le caractère intermittent du solaire et de l’éolien. Certains craignent que l’agenda fatal de l’Allemagne soit derrière cette nomination.
Jørgensen a toujours souligné le risque de sécurité et de coût du nucléaire : il insiste sur les dangers liés aux déchets et aux incidents potentiels dans les centrales, en vantant les renouvelables comme une alternative plus sûre et économiquement viable. À ses yeux, les investissements devraient se concentrer sur l’éolien et le solaire, car moins risqués et déployables rapidement. Ce discours masque une réalité : le nucléaire fournit une énergie stable et sans émission de CO₂, essentielle pour décarboner l’UE.
Il affirme que le solaire et l’éolien réduisent les émissions sans générer de déchets à long terme, une critique récurrente contre le nucléaire en Europe. Cette opposition omet toutefois l’efficience du nucléaire pour compléter les renouvelables et répondre à la demande énergétique croissante. Ce n’est pas tant l’impact environnemental du nucléaire qui est en cause que des choix politiques influencés par les voisins de l’UE.
Le prétexte des délais pour éviter le nucléaire
Jørgensen fustige le nucléaire pour ses délais de mise en œuvre, estimant qu’il n’apporte pas de réponse immédiate aux besoins climatiques. Selon lui, éolien et solaire sont déployables plus vite, bien qu’il refuse de reconnaître les faiblesses d’une énergie intermittente. Mais à l’horizon de 2035 et de l’électrification massive, seule une énergie fiable comme le nucléaire peut compenser la variabilité des renouvelables. Ignorer cette réalité pourrait fragiliser le réseau énergétique de l’UE et entraîner des pénuries.
Dan Jørgensen admet timidement l’intermittence du solaire et de l’éolien, qui dépendent des conditions climatiques. Cela exige des solutions de stockage pour maintenir la stabilité du réseau. Cependant, il rejette l’idée que cette intermittence puisse limiter sérieusement le déploiement des renouvelables, alors même que la nécessité de technologie de stockage à grande échelle devient inévitable mais balbutiante pour l’heure.
Arguments des opposants
Des oppositions se feront forcément jour au Parlement européen. En résumé :
- Incohérence avec la neutralité technologique
La lettre de mission de la Présidente von der Leyen évoque la “neutralité technologique” tout en favorisant les énergies renouvelables. Le plan « RepowerEU » exclut pratiquement le nucléaire, une décision perçue comme un masque stratégique, compromettant les vraies solutions bas carbone. - Une position anti-nucléaire sous couvert de SMR
L’intégration des petits réacteurs modulaires (SMR) d’ici 2030 n’est qu’un prétexte pour marginaliser le nucléaire. Ces SMR, encore en phase de recherche, ne remplaceront pas les réacteurs vieillissants actuels. Pendant ce temps, la demande augmente, surtout avec l’objectif de 100% de véhicules électriques en 2035 et l’électrification totale de l’économie. Pour les pro-nucléaires, il est impératif de construire de nouveaux réacteurs EPR pour garantir un réseau stable, mais cette urgence est ignorée[1]. - Une nomination influencée par Berlin
Cette nomination, imposée par l’Allemagne, trahit une hostilité nette au nucléaire, sous couvert de “neutralité”. De plus, la lettre de mission fait l’impasse sur le rôle du gaz naturel pour les besoins thermiques, cruciaux pour l’industrie et le résidentiel. L’UE risque de se retrouver dans des situations de carence énergétique, faute de solutions stables.
Ces points mettent en lumière une nomination façonnée par des intérêts politiques, dont les conséquences risquent de compromettre la sécurité énergétique de l’Europe.
[1] Serait nécessaire, d’emblée, la production d’au moins 100 gigawatts via de nouveaux gros réacteurs pour remplacer la même capacité actuellement en fonctionnement. Et bien plus encore si on électrise complètement l’économie européenne.
A. G.
(Photo : Belgaimage)