Accueil » « En Belgique, la situation budgétaire ne fait pas encore assez mal » (Georges Ugeux)

« En Belgique, la situation budgétaire ne fait pas encore assez mal » (Georges Ugeux)

par Martine Maelschalck
0 commentaires

Les négociations pour la formation d’un gouvernement fédéral, formule « Arizona », se sont crashées sur les questions socio-économiques. En cause, notamment, la taxation du capital, vieille pomme de discorde entre la gauche et la droite. Pourquoi une telle crispation autour de ce thème ? En marge d’une interview à propos de l’élection présidentielle américaine, nous avions posé la question à Georges Ugeux, Belgo-américain actif dans la finance aux Etats-Unis et toujours attentif à la situation économique belge.

« La Belgique est pratiquement le seul pays d’Europe qui ne taxe pas les plus-values sur actifs financiers. Je trouve cela très surprenant », constate Georges Ugeux. Parce que, s’il est vrai que, pour des particuliers fortunés, des richesses se créent grâce à cette exemption fiscale, « ce ne sont pas des richesses qui font tourner le pays », dit-il.

La hausse de la fiscalité sera, selon lui, indispensable pour redresser les finances publiques belges. « Pendant des années, on a considéré l’augmentation des impôts comme une vache sacrée. Mais la politique budgétaire, ce n’est pas seulement diminuer les dépenses. Il faut travailler sur les dépenses publiques et les coûts qui sont trop élevés évidemment, mais il faut aussi travailler sur les recettes. On ne s’en sortira pas uniquement avec une baisse des dépenses ». Il fait d’ailleurs remarquer que c’est la tendance actuelle en Europe, en France ou au Royaume-Uni. 

« On ne peut pas se faire élire là-dessus »

« Pourquoi est-il impossible de dire aux gens : maintenant on a atteint la limite, il faut agir, ce sera dur pendant quelques années mais c’est pour un mieux? Vous savez ce qu’une personnalité politique de premier plan m’a un jour répondu ? ‘Parce qu’on ne peut pas se faire élire là-dessus’. Evidemment, il faut voir ce qu’on a vendu à la population avant les élections. Mais il y a un moment où c’est une question de courage politique », affirme Georges Ugeux. 

La prise de décision est évidemment entravée par la nécessité de construire des accords de coalition entre partis qui ne partagent pas la même vision à propos de la politique budgétaire et fiscale. Mais les négociateurs ont-ils vraiment une vision ? « La première question, répond le Belgo-américain, est de voir s’il y a un accord sur le diagnostic. Et ensuite, il faut transformer le diagnostic analytique en diagnostic politique. C’est comme en médecine : si on doit trouver une thérapie, autant savoir d’abord de quoi souffre le patient. » 

Georges Ugeux se demande si l’on pourra « faire l’économie d’une crise. C’est souvent à ce moment que le politique trouve les ressources nécessaires pour agir. Voyez la situation en France : le Premier ministre Michel Barnier reconnaît que pour s’en sortir, il faudra augmenter les impôts. » 

Selon notre interlocuteur, en Belgique, on n’en est pas encore là. Même la procédure de déficit excessif entamée par l’Europe à l’encontre de la Belgique ne semble pas servir de déclic. « La situation actuelle ne fait pas assez mal. Globalement, la population belge vit plutôt bien. La rigueur n’est pas facile à vendre dans ces circonstances. » 

Danger de gangrène

« La Belgique n’a pas été si mal gérée mais elle vit au-dessus de ses moyens, notamment en raison de ses structures institutionnelles, avec ses nombreux gouvernements et entités publiques ». Nous y voilà. S’il faudra sans doute se résoudre à augmenter les recettes fiscales, il faudra aussi toucher aux dépenses publiques.

« On n’a jamais mesuré le coût des réformes institutionnelles ! Le coût des structures pour un pays de quelque 12 millions d’habitants… c’est un non-sens. Cela limite la capacité de l’État à soutenir le financement de l’économie. La Belgique a une capacité de croissance mais elle a perdu beaucoup de ressources dans les finances publiques. Il y a un réel danger de gangrène. On ne résoudra pas le problème des finances publiques sans réformes. On en revient toujours à la question de la volonté politique. »

Absence de sens de l’urgence

Et Georges Ugeux ajoute : « le prochain gouvernement devrait s’attaquer à certains problèmes et essayer de faire avancer les choses avant qu’il n’y ait une crise. Il ne peut plus se montrer complaisant. Aujourd’hui, je vois encore et toujours une absence de sens de l’urgence ». Ces problèmes, non seulement pour la Belgique mais pour toute l’Europe, sont selon lui « l’immigration, le changement climatique et la guerre. Ce ne sont pas des problèmes pour dans 20 ans. Pendant des décennies, nous avons par exemple dépensé trop peu en matière de défense. Il a fallu que les Russes envahissent l’Ukraine pour qu’on se mobilise.  C’est une parfaite illustration de la gestion par les crises. »

Martine Maelschalck

(Photo Belgaimage)

You may also like

21News est un média belge francophone qui promeut la liberté, l’entrepreneuriat et la pluralité d’opinions.

Sélections de la rédaction

Derniers articles

Êtes-vous sûr de vouloir débloquer cet article ?
Déblocages restants : 0
Êtes-vous sûr de vouloir annuler l'abonnement ?