Juste avant le sommet de la COP29 à Bakou, le Service public fédéral « Environnement » a publié un rapport intitulé « Baromètre de la Transition ». Le sous-titre pose la question : « Où en est la Belgique dans sa transition vers la neutralité climatique en 2050 ? » Petit spoiler : c’est dramatique, du moins selon l’auteur. Mais quelle est la force probante du rapport ? Analyse.
Le Baromètre de Transition a pour objectif d’« évaluer effectivement les progrès de notre pays dans la transition vers une société neutre en carbone ». Ce projet a deux buts principaux : premièrement, dresser un état des lieux de la situation actuelle et, deuxièmement, souligner les progrès, les retards, les risques et les points d’attention pour guider les actions futures de manière efficace.
Pour cela, la Belgique dispose d’une véritable administration climatique. La DG Environnement, service Changement climatique, est en charge de la participation aux différents sommets climatiques. Ce lundi, une délégation de 150 personnes, dont des ministres, est partie pour la COP29 à Bakou pour affirmer publiquement l’engagement de la Belgique envers les objectifs climatiques.
Un état des lieux et des objectifs très politiques
Le baromètre doit souligner l’urgence de la politique climatique et dégager une certaine rigueur scientifique. Un extrait du communiqué de presse sur le baromètre indique : « Il va au-delà des émissions de gaz à effet de serre et de la consommation énergétique en intégrant une série d’indicateurs concrets qui mettent en lumière les mécanismes sous-jacents de la transition en cours : ventes de voitures électriques, ventes de pompes à chaleur et de chaudières fossiles, capacités installées d’énergies renouvelables, etc. »
En effet, « Pour la première fois, la Belgique dispose donc d’un état des lieux permettant d’analyser pourquoi le rythme actuel de réduction des émissions ne permet pas d’atteindre la neutralité climatique d’ici 2050. »
En résumé, le « rythme actuel » ne permet pas d’atteindre la neutralité climatique en 2050. Les progrès sont trop lents et, dans deux cas, la situation se détériore complètement : le transport international et l’utilisation des terres. Quant à l’agriculture, la situation est incertaine. Selon le communiqué :
- Trois secteurs évoluent trop lentement : l’industrie, la transformation énergétique (électricité et raffinage) et les bâtiments ;
- Deux secteurs évoluent dans la mauvaise direction : l’utilisation des terres et le transport international ;
- Deux secteurs ont une tendance moins claire : le transport domestique et l’agriculture.
Ce ne sont pas des secteurs choisis au hasard, car ils sont souvent sous le feu des critiques des militants climatiques. En somme, le communiqué se lit comme un manifeste de militants écologistes. La question est alors : est-ce explicitement énoncé dans le rapport ? Effectivement, le baromètre ressemble à un manifeste d’un groupe de réflexion proche d’Ecolo.
Dans le collimateur : des secteurs critiqués par les écologistes
Ce n’est pas un hasard. Le Baromètre de Transition a été rédigé par Emily Taylor du SPF Santé publique, service Changement climatique. Une experte francophone en politique climatique, qui a travaillé auparavant pour Engie et pour le groupe de pression Climact. Cette dernière société, basée à Louvain-la-Neuve, reçoit depuis quinze ans des subventions généreuses – notamment de la Commission européenne –, pour conseiller et influencer les gouvernements. Entre 2016 et 2021, Climact a reçu 8,29 millions d’euros de la seule Commission européenne.
En 2023, Emily Taylor a rejoint la DG Changement climatique après un passage dans le service d’énergie durable de la commune d’Ixelles, dirigée par le bourgmestre Ecolo Christos Doulkeridis. La ministre responsable de ce département est Zakia Khattabi (Ecolo).
Les départements Environnement, y compris le Changement climatique, sont sous la tutelle de la ministre Khattabi. Les compétences climatiques ont été placées sous le ministère de la Santé publique, car elles relevaient autrefois des compétences fédérales pour un environnement sûr, donc de la santé publique. En pratique, ce service gère les subventions et les cotisations vers des institutions internationales, comme l’organisateur des sommets climatiques (l’UNFCCC, une organisation des Nations Unies financée par quelques pays occidentaux riches).
Il n’est donc pas surprenant que le Baromètre de Transition porte nettement les empreintes d’Ecolo. Et cela se lit entre les lignes. En 84 pages, Taylor dévoile de nombreux éléments. Elle taille presque un « costume sur mesure » à l’écologisme.
Un Baromètre qui porte la patte d’Ecolo
Le rapport regorge de statistiques et de graphiques, par exemple sur les émissions de gaz à effet de serre des transports internationaux en Belgique en 2022 ou la consommation énergétique dans les transports domestiques, qui s’avère n’être électrique qu’à 9 %, les 89 % restants provenant des « énergies fossiles ». Sur base de ces données, la DG Changement climatique présente des « indicateurs ».
En effet, un baromètre sert d’indicateur pour anticiper quelque chose. Le problème avec ce Baromètre de Transition est qu’il est « méthodologiquement prédéterminé ». Chaque prévision semble être programmée ou encadrée dans une vision spécifique.
Emily Taylor se concentre sur six sujets : l’énergie, les transports, les bâtiments, l’industrie, l’agriculture et l’utilisation des terres. Selon l’auteur, tous sont très néfastes pour le climat, du moins si la transition n’est pas respectée. Ce sont des sujets où les progrès seraient lents ou insuffisants, où la population ne suivrait pas.
« Les voitures sont un défi », a-t-elle dit lors d’une réunion en visioconférence sur le baromètre, car tout le monde ne passera pas aux transports en commun ou au covoiturage. Les énergies renouvelables avancent dans la bonne direction, mais trop lentement. Quant à la transition énergétique des bâtiments ? Bonne direction, mais trop lente. Et pour couronner le tout, Emily Taylor constate une stagnation dans le chauffage électrique des bâtiments ces dix dernières années, alors que les ventes de chaudières à gaz continuent d’augmenter. Encore une fois, le public ne suit pas.
L’agriculture pointée du doigt
Dans le domaine de l’agriculture, Taylor exprime des inquiétudes sur l’élevage et l’utilisation d’engrais. L’utilisation des terres évolue également dans la mauvaise direction, avec trop de béton et trop peu de zones humides. Selon Taylor, ces zones captent davantage de CO2 que les forêts.
Le problème est que tout repose sur des hypothèses, comme cela est apparu lors de la réunion de présentation du rapport. Chaque graphique est une extrapolation basée sur des scénarios. Ces scénarios sont élaborés par des organisations qui dépendent de subventions ou de financements pour la recherche sur le changement climatique ou la transition énergétique. Un des scénarios provient d’un cabinet de conseil, McKinsey, souvent payé pour donner des conseils de gestion impopulaires afin de faire avancer des politiques controversées. Parmi les autres fournisseurs de scénarios figurent Clever, EPOC et l’institut flamand EnergyVille.
En conclusion, la crédibilité du Baromètre de Transition en tant que document politique est faible. Ce rapport, financé par des fonds fédéraux pour la santé publique, tient davantage de la promotion politique dans le cadre du voyage de la ministre Ecolo au sommet climatique de Bakou.
Lode Goukens
(Photo Belgaimage : la ministre fédérale du Climat Zakia Khattabi)