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Goma ne célèbrera pas le dixième anniversaire de son Festival Amani

par Philippe Lamair
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À quelques heures de l’ouverture des festivités, dans une ordonnance datée du 12 novembre, le maire de Goma a interdit le festival Amani, arguant de problèmes sécuritaires liés entre autres à des manifestations organisées par le MNC « Mouvement National Congolais ». Une organisation aux contours nébuleux.

Après une première annulation en août de cette année suite à des combats et à l’avancée des rebelles du M23 soutenus par le Rwanda, les responsables du festival avaient reprogrammé la manifestation pour ce week-end du 15 au 17 novembre. Malgré de nombreuses réunions et concertations entre les organisateurs, les autorités militaires (la région vit toujours sous le statut d’Etat d’urgence), la police, le gouverneur du Nord-Kivu et le maire de Goma aucune solution ne s’est dégagée. Finalement, ce jeudi à 4h du matin, le directeur du Festival, Guillaume Bisimwa jetait l’éponge. Le festival Amani est annulé.

Playing for Change, Singing for peace : un appel à la paix réduit au silence

Jouer pour le changement, chanter pour la Paix », ce cri de détresse mais aussi d’espoir ne résonnera pas ce week-end dans la ville de Goma. Le festival Amani – qui signifie paix en swahili –, devait souffler les bougies de sa dixième édition. 

En août 2013, un contexte identique avec déjà les rebelles du M23 dans les faubourgs de la ville de Goma avait obligé les organisateurs de la première édition à annuler le festival. 

Loin de se décourager, l’équipe menée par le regretté Eric De Lamotte, un amoureux du Kivu ayant passé une grande partie de sa vie professionnelle dans cette région, relançait le projet. La maison des jeunes de Goma, les autorités provinciales, le représentant de l’Union européenne et la Mission de l’Organisation des Nations-Unies pour la stabilisation en république démocratique du Congo (MONUSCO) se mobilisent. Avec l’appui de quelques sponsors, ce qui semblait une utopie se réalise. Les 14-15-16 février 2014 sur le site du collège Mwanga, la magie opère. Le festival accueille en 3 jours près de 30.000 participants. Le prix d’entrée est fixé à un dollar par personne et par jour. Un effort financier symbolique qui est surtout une façon d’obtenir l’adhésion des festivaliers à la philosophie d’Amani. 

Les figures emblématiques du Festival Amani : artistes et engagement pour la paix

Les Congolais Lexxus Legal, Lokua Kanza sont les vedettes de cette première édition. Des groupes rwandais et burundais sont aussi à l’affiche. Pour la première fois, un jeune Gomatracien monte sur les planches. Innoss’B allume l’assistance. Sa carrière est lancée. Il est aujourd’hui une vedette internationale. Les éditions suivantes verront défiler de nombreuses vedettes à la fois séduites par les valeurs défendues par Amani et de se produire dans la ville de Goma. L’Ivoirien Tiken Jah Fakoli, le Rwandais Mani Martin, le Congolais Werrason ou Casimir Zoba dit Zao du Congo-Brazza connu en Europe par sa chanson « Ancien combattant », tous marqueront de leurs empreintes leur passage à Amani.

L’édition 2024 aurait dû être aussi un grand cru avec la présence entre autres de Ferre Gola chanteur et musicien de rumba congolaise et du rappeur Black M. Il n’en sera rien. Malgré le soutien du Ministre de l’Intérieur Jacquemain Shabani, un enfant du pays, originaire des Masissi, la fête pour la Paix n’aura pas lieu. 

Dans un communiqué le festival regrette la décision du Commissaire Supérieur Principal, Faustin Kapend Kamand, le maire de Goma. Il souligne que « s’ajoutant aux reports passés, les organisateurs vont prendre le temps nécessaire pour réfléchir à l’avenir de cet événement phare de la ville. Ils regrettent profondément cette décision aux conséquences graves pour la dynamique culturelle et citoyenne de Goma. »

L’avenir du Festival Amani à Goma : perspectives et défis

Le festival Amani pourra-t-il renaître de ses cendres ? Rien n’est moins sûr. Aux frais d’annulation d’août dernier, s’ajoutent les ardoises de l’édition de ce WE.  De nombreux artistes, musiciens sont déjà présents à Goma et les infrastructures techniques en grande partie installées. La note sera donc salée, d’autant qu’assumant leurs responsabilités, les organisateurs s’engagent à rembourser les billets d’entrées dont le prix, fixé à un dollar, n’a pas changé en 10 ans.

Le festival pourra-t-il se remettre de cette catastrophe financière ? Cela reste à prouver! Retrouvera-t-il les sponsors pour relancer un festival dont les valeurs et la philosophie sont toujours d’actualité? En dix ans la situation sécuritaire à l’Est de la RDC ne s’est pas améliorée et dans certaines régions. Elle s’est même détériorée.

Le festival Amani se voulait un appel à la paix et au développement. La caisse de résonance de toute une région. Quoi de plus normal, la ville de Goma tire son nom du mot swahili « Ngoma » qui signifie tambour en référence au bruit provoqué par les éruptions volcaniques du Niyragongo. Tout un symbole.

Ce week-end malgré la mobilisation de centaines de bénévoles, l’appel « Playing for Change, Singing for Peace » ne résonnera pas à Goma.

Philippe Lamair

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