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Bruxelles : une mobilité imposée, des riverains oubliés

par Quentin Van den Eynde
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Face à des embouteillages récurrents et une politique de mobilité controversée, Bruxelles se transforme. Mais cette vision priorise-t-elle réellement l’intérêt collectif ? Entre infrastructures provisoires et projets de réaménagement comme celui de l’avenue de Tervueren, la question de l’équilibre entre écologie, patrimoine et mobilité divise.

Bruxelles est connue et reconnue pour ses embouteillages chroniques et ses transports publics saturés. Malheureusement, rien ne semble s’améliorer, en grande partie à cause de la mise en place d’une politique de mobilité dogmatique qui divise les Bruxellois et contribue au blocage de la capitale. Derrière une volonté affichée de promouvoir les mobilités « douces » et de répondre aux défis environnementaux, la politique de mobilité du gouvernement régional sortant impose une vision monolithique, souvent au détriment d’un équilibre nécessaire entre les différents modes de transport. Le résultat ? Une marginalisation des riverains et des automobilistes, des infrastructures provisoires qui s’éternisent, et un sentiment général que la Région bruxelloise est reconstruite pour une minorité, sans concertation réelle ni prise en compte des besoins diversifiés des citoyens.

Le projet de l’avenue de Tervueren, symbole d’une vision déséquilibrée

En tant que co-coordinateur du Comité Tervueren-Montgomery, j’ai observé les effets concrets de cette politique, en particulier avec le projet de réaménagement de l’avenue de Tervueren en « boulevard urbain ». Ce projet, soumis à l’enquête publique jusqu’au 18 novembre 2024, est présenté comme une réponse aux objectifs d’apaisement du trafic. Or, il est, en réalité, principalement axé sur la création de larges pistes cyclables pour les cyclistes rapides et prioritaires, le dénommé « RER vélo », au détriment du patrimoine historique, de la qualité de vie des riverains et de la circulation automobile. La Commission royale des Monuments et des Sites (CRMS) a d’ailleurs émis un avis défavorable et affirme que le projet de réaménagement « passe à côté de l’opportunité de renouer avec la valeur patrimoniale de l’axe, sa composition axiale, sa scénographie, ses séquences paysagères grandioses, ponctuées de variations et de squares, ses perspectives… »

L’avenue de Tervueren, conçue au XIXe siècle, est une artère historique de Bruxelles caractérisée par ses alignements d’arbres et ses perspectives monumentales vers le Cinquantenaire. Le projet de la Ministre sortante de la Mobilité impose des asymétries, modifie l’échelle des infrastructures, envahit l’espace public de nouveaux marquages au sol et panneaux, et perturbe ainsi l’harmonie visuelle de cet axe patrimonial, estime la CRMS. Requalifier et vouloir métamorphoser un lieu aussi emblématique nécessite une réflexion bien plus approfondie et une approche patrimoniale pour préserver son caractère unique et sa beauté, deux aspects malheureusement relégués au second plan.

De plus, un projet d’une telle ampleur — estimé à seulement 11 millions d’euros, mais qui, on le sait tous, se chiffrera probablement en dizaines de millions d’euros — ne devrait pas avancer sans la prise en compte des différentes parties prenantes, notamment les communes et les riverains. Cela est d’autant plus crucial que la Région peine à financer des projets d’infrastructure dans un contexte de dette publique croissante. Dans l’état actuel des finances régionales, ce projet risque fort de s’avérer irréalisable alors même que le financement, pourtant fondamental, des primes pour la rénovation des habitations (primes « Renolution ») n’est même pas pérennisé.

Impacts concrets : entre dégradation de l’espace public et congestion accrue

Le réaménagement de l’avenue de Tervueren va bien au-delà des modes de transport : il touche également à la qualité de vie des habitants et à l’esthétique de cet axe historique. La suppression de bandes de circulation, la suppression de places de stationnement et l’absence de coordination avec d’autres projets, comme les travaux de la station de métro Montgomery, révèlent une gestion urbaine incohérente. Par ailleurs, la réduction des voies de circulation automobile dans les tunnels du Cinquantenaire et de Montgomery amplifiera les embouteillages. Cette situation influence non seulement les navetteurs qui empruntent ces axes quotidiennement pour rejoindre Bruxelles mais aussi les riverains. Ceux-ci pâtiront alors d’un trafic de transit encore plus important dans les rues adjacentes.

Les électeurs sanctionnent une politique de mobilité déconnectée des réalités

Les récentes élections fédérales et régionales du 9 juin 2024 ont révélé un mécontentement profond des Bruxellois vis-à-vis de la politique de mobilité régionale, symbolisée par le plan Good Move. Les électeurs ont exprimé par leur vote un rejet de cette approche, perçue comme dogmatique, rigide et largement déconnectée des réalités quotidiennes. La famille écologiste, à l’origine de cette vision imposée de la mobilité dans la Région bruxelloise, a subi une défaite significative, témoignant d’un rejet clair de cette stratégie qui privilégie un groupe d’usagers au détriment de l’ensemble des habitants.

Cette tendance s’est confirmée lors des élections communales du 13 octobre 2024 et particulièrement dans les communes d’Etterbeek et de Woluwe-Saint-Pierre, directement touchées par le projet controversé de l’avenue de Tervueren. Dans ces deux communes, les bourgmestres sortants ont non seulement conservé la confiance des électeurs, mais les écologistes, jusqu’alors membres des majorités communales, ont été lourdement sanctionnés et exclus des nouvelles coalitions. Ce rejet populaire souligne le fossé grandissant entre certaines décisions politiques et les attentes des citoyens, qui aspirent à des projets urbains plus inclusifs et mieux concertés.

Pour une politique de mobilité pragmatique

La politique de mobilité à Bruxelles doit s’adapter aux spécificités de chaque quartier et répondre aux besoins de tous les usagers. Les cyclistes doivent, bien entendu, pouvoir circuler en toute sécurité, mais les aménagements doivent être adéquats et adaptés, car ils ne peuvent causer la dégradation de l’espace public ou l’exclusion d’autres usagers. La transformation de l’avenue de Tervueren en boulevard urbain devrait s’appuyer sur une vision qui préserve les perspectives historiques tout en garantissant une accessibilité pour tous. La Commission royale des Monuments et des Sites (CRMS) a d’ailleurs rappelé l’importance de respecter l’intégrité paysagère et urbanistique d’un axe structurant comme l’avenue de Tervueren. C’est cette continuité esthétique et fonctionnelle qui contribue à la grandeur de Bruxelles et que nous avons le devoir de transmettre aux générations futures.

Notre Comité appelle donc, non seulement pour le projet de réaménagement de l’avenue de Tervueren mais aussi pour tout projet similaire à incidences significatives à travers Bruxelles, à la réalisation d’une étude d’impact. Ce bureau doit être indépendant et basé, de préférence, à l’étranger pour éviter tout conflit d’intérêts potentiel. Celui-ci évaluerait objectivement les effets de ces transformations. Une concertation sincère est également cruciale pour garantir l’implication de tous les acteurs dès la conception des projets.

Conclusion

Bruxelles mérite une politique de mobilité qui va au-delà des slogans et qui répond concrètement aux besoins de ses habitants tout en respectant l’exceptionnel patrimoine de notre Région. Face aux défis actuels, l’urgence est de mettre en place une politique de mobilité pragmatique, qui évite tout dogmatisme. Chaque projet d’infrastructure doit s’inscrire dans une vision d’ensemble harmonieuse, en prenant soin de respecter le passé, de répondre aux réalités du présent et d’anticiper les besoins de demain.

En tant que citoyens, riverains et usagers, nous avons tous un rôle à jouer pour que Bruxelles redevienne une ville où il fait bon vivre pour chacun. L’urbanisme et la mobilité ne doivent pas être imposés d’en haut mais construits avec les habitants, dans un esprit de véritable concertation. De cette manière, nous revitaliserons la démocratie participative, essentielle en cette période de défiance croissante envers les décisions politiques.

Quentin Van den Eynde, Avocat au barreau de Bruxelles – Co-coordinateur du Comité Tervueren-Montgomery

(PHoto Belgaimage :

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