Notre chroniqueur Fouad Gandoul revient sur la révélation, par la VRT, de fraudes au CPAS d’Anderlecht. Selon lui, le problème doit être porté au niveau régional. Car la mauvaise gestion des entités bruxelloises ne se limite pas aux communes.
21 News : Quel est votre sentiment suite à la découverte de fraude au CPAS d’Anderlecht ?
Fouad Gandoul : Tout d’abord, hommage aux journalistes de PANO (VRT) qui démontrent une fois de plus qu’un journalisme d’investigation approfondi peut révéler les points sensibles de la société et aussi poser les bonnes questions politiques à leur sujet. C’est une impertinence rarement vue avec laquelle le PS d’Anderlecht pense pouvoir s’en tirer, avec un orgueil totalement inacceptable de la part de l’ancien président du CPAS. L’incapacité de reconnaître la gravité des faits et sa propre responsabilité est choquant.
21 News : C’est un système structurel, au PS, le clientélisme ?
F. G. : Cela semble certainement être le cas à Bruxelles. J’exigerais immédiatement un audit de tous les CPAS bruxellois pour avoir une idée de l’ampleur du problème. S’il s’avère qu’une méthode de travail similaire a été utilisée dans d’autres municipalités, alors on peut effectivement parler d’un problème structurel qui ne peut exister que par la grâce du parti.
« J’exigerais immédiatement un audit de tous les CPAS bruxellois »
21 News : Comment résoudre ces problèmes récurrents de fraude et de clientélisme ?
F. G. : Au-delà de la condamnation évidente et de la demande d’enquête, je constate qu’il existe un grand intérêt pour la mauvaise gestion de la part du président du CPAS à Anderlecht, mais beaucoup moins pour le fait que les CPAS des communes bruxelloises à concentration de pauvreté exceptionnellement élevée sont structurellement en sous-effectifs. Et que c’est l’une des principales raisons pour lesquelles cette fraude pourrait avoir lieu. Il y a un danger de politisation de la pauvreté au niveau local. Des procédures correctes et strictes sont nécessaires, tout comme le cadre nécessaire à leur mise en œuvre. Imposer une règle sans avoir les moyens de la faire respecter relève de l’irresponsabilité politique. En bref, des services indépendants du politique et dotés d’un personnel adéquat en fonction des besoins sont nécessaires.
21 News : On voit que les communes, mais aussi tous les organismes bruxellois, sont au bord du gouffre financier comme Vivaqua, la SLRB. Comment en sommes-nous arrivés là ?
F. G. : Le PS à Bruxelles s’est révélé principalement animé par une réflexion à court terme et a démontré un manque chronique de pensée morale financière au profit de la communauté. L’aléa moral (ou moral hazard en anglais) est le changement de comportement des personnes, en l’occurrence des mandataires du PS : si elles ne courent pas directement le risque des conséquences financières du dommage, les coûts du dommage affectent des tiers.
21 News : La Cour des comptes alerte depuis des années sur la situation budgétaire bruxelloise. Comment cela se fait-il que personne n’écoute ?
F. G. : L’orgueil et l’affirmation constante d’un sous-financement caractérisent la classe politique bruxelloise en général et le PS en particulier. C’est pourquoi cette année est la quatrième année consécutive que la Cour des comptes n’est pas en mesure de contrôler le budget de Bruxelles. La comptabilité bâclée et le manque de transparence des rapports sont les principales raisons invoquées par la Cour des comptes dans ses communications. Le fait que les dépenses soient structurellement supérieures aux dépenses confirme le problème d’aléa moral de la politique bruxelloise.
« Simplifiez pour faire des économies drastiques »
21 News : Une réforme des institutions bruxelloises et des contrôles est nécessaire ?
F. G. : Si la Belgique vit structurellement au-dessus de ses propres moyens, cela vaut surtout pour la Région wallonne et la Région de Bruxelles-Capitale. Selon l’analyse de viabilité de la dette de la Commission européenne, les risques à moyen et long terme pour les finances publiques belges sont élevés. Le taux d’endettement des administrations publiques est supérieur à celui des autres pays de la zone euro et devrait encore augmenter. Des mesures majeures de consolidation structurelle sont donc nécessaires pour stabiliser la dette et absorber la pression d’une population vieillissante.
Outre les réformes nécessaires dans les domaines des retraites, du marché du travail et de la fiscalité, une réforme du cadre institutionnel est également absolument nécessaire. Le PS est demandeur d’une révision de la loi spéciale de financement. Mais les partis flamands ne le permettront jamais sans une lourde responsabilité de la part des entités fédérées. Les réformateurs de l’État de 1988 et 1993 ont développé une conception originale, mais aujourd’hui dépassée du fédéralisme belge. L’Accord « Papillon » de 2011 (la sixième réforme de l’État, ndlr) apportait une réponse incomplète à une demande complexe de plus d’autonomie. La recherche d’un nouveau compromis devient de plus en plus difficile à mesure que la situation budgétaire au sud de la frontière linguistique se détériore, car elle suppose une compensation budgétaire importante. Et l’on peut supposer que les Flamands ne seront pas prêts à payer sans des concessions de grande envergure dans le domaine de l’autonomisation de l’économie.
La tâche de cette génération de ténors politiques est claire. Apportez de la symétrie dans le système. Simplifiez pour faire des économies drastiques. Des pouvoirs plus homogènes au niveau le plus approprié et une responsabilité plus étendue en matière de finances publiques doivent aller de pair. Comme auparavant, les tensions entre belgicistes et régionalistes seront à l’origine de nouvelles solutions sui generis. Considérez-les comme la lente maturation du fédéralisme belge.
La rédaction
(Photo Belgaimage : le CPAS de Bruxelles)