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OPINION : L’ULB rompt sa neutralité dans le conflit israélo-palestinien

par Contribution Externe
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L’ULB a décidé de boycotter les universités israéliennes. Cette décision, qui s’inscrit à contre-courant des autres universités du pays, pose plusieurs questions. Une carte blanche d’Éric Muraille, directeur de recherche FNRS à l’ULB.

Le 27 mai 2024, suite à l’occupation d’un de ses bâtiments par des activistes propalestiniens s’identifiant comme l’Université Populaire de Bruxelles (UP), le Conseil académique (CoA) de l’ULB avait décidé de suspendre les accords et projets de recherche institutionnelle de l’ULB avec les universités israéliennes et palestiniennes.

Ce boycott académique a signifié l’arrêt de 3 projets scientifiques de grande qualité avec Israël financés par l’Europe, comme le projet européen CISSE « Chiral-Induced Spin Selectivity Effect », financé par le programme-cadre Horizon Europe et impliquant des chercheurs européens, américains et israéliens. Ces trois projets n’avaient aucune application militaire potentielle.

Cette décision, déjà problématique en soi, mais qui ménageait la neutralité de l’ULB dans le conflit israélo-palestinien, a été mise à mal le 22 novembre par la décision du CoA de reprendre les collaborations institutionnelles avec l’université palestinienne de Birzeit.

Le boycott académique, une punition collective

Traditionnellement, les universités sont tenues à une neutralité ou à une retenue institutionnelle. Elles sont censées éviter de prendre position sur des sujets politiques clivants afin de préserver la liberté académique de leurs membres et pour que l’université reste « un lieu de recherche et de débat rationnel et sans entraves ». Il n’est donc guère surprenant que la plupart des organisations scientifiques internationales soient viscéralement opposées aux boycotts académiques.

C’est le cas de l’International Science Council (ISC), qui regroupe 135 organisations scientifiques, dont l’Académie royale des sciences, des lettres et des beaux-arts de Belgique. L’ISC estime que les boycotts violent le principe de l’Universalité de la science, qui interdit toute discrimination des chercheurs fondée sur l’ethnie, la religion ou la citoyenneté, ainsi que le « droit à la science » garanti par l’article 27 de la déclaration universelle des droits humains de 1948.

L’article 47 stipule que « Toute personne a le droit de prendre part librement à la vie culturelle de la communauté, de jouir des arts et de participer au progrès scientifique et aux bienfaits qui en résultent ». L’effet d’un boycott académique ne se limite pas aux chercheurs universitaires. Si la durée de ce boycott est importante, elle affecte nécessairement le système éducatif ainsi que les systèmes de santé et donc la santé de l’ensemble de la population, y compris ceux qui ne soutiennent pas le régime en place. Le boycott académique s’apparente donc à une forme de punition collective.

Comment l’ULB justifie-t-elle son boycott ?

Afin d’éviter de diviser la communauté scientifique internationale, il est généralement considéré que le boycott académique ne doit être utilisé qu’en dernier recours et lorsqu’un très large consensus existe en sa faveur.

La décision de l’ULB de boycotter les universités israéliennes et palestiniennes ne s’inscrit pas dans un large consensus. Peu d’universités en Europe ont accepté de boycotter les universités israéliennes. Par exemple, les 15 universités des Pays-Bas ont, d’un commun accord, déclaré qu’elles refusaient de rompre leurs liens avec Israël. En Belgique, l’UCL, la KUL et l’ULiège ont également refusé un boycott total des universités israéliennes.

Dans sa déclaration du 27 mai, l’ULB justifiait sa décision de boycotter les universités israéliennes et palestiniennes sur base de leur non-respect du droit international et précisait qu’elle poursuivrait le boycott « jusqu’à l’engagement clair de leurs autorités universitaires respectives en faveur des exigences émises par la Cour internationale de Justice dans son ordonnance du 24 mai 2024 et de la libération sans condition des otages israéliens ».

Le fait de se reposer sur le droit international et de boycotter à la fois les universités israéliennes et palestiniennes était, on le suppose, une tentative de préserver les apparences d’une neutralité institutionnelle de l’ULB vis-à-vis du conflit israélo-palestinien. Toutefois, le 22 novembre, le CoA de l’ULB a décidé d’autoriser la reprise des collaborations avec l’université palestinienne de Birzeit en Cisjordanie. Une décision surprenante, les otages israéliens n’ayant pas été libérés par le Hamas. De plus, le CoA de l’ULB affirme n’avoir identifié « aucun élément s’opposant à la poursuite de discussions institutionnelles » avec l’université palestinienne de Birzeit.

Or, d’après un reportage du journal Le Monde, lors des élections étudiantes à l’université de Birzeit en 2023, c’est la faction politique proche du Hamas qui a remporté le plus grand nombre de voix. Pour le journal américain The Daily Wire, cette université soutient ouvertement le FPLP et le Hamas. Le bloc islamique lui-même a rendu hommage sur son site aux étudiants de Birzeit qui sont morts en martyrs dans la lutte armée contre Israël. En septembre 2023, huit étudiants de Birzeit ont été arrêtés et accusés d’avoir planifié une attaque terroriste. Et en avril 2024, l’université de Birzeit a affiché son soutien aux étudiants qui aux USA et en Europe « transforment les campus en espaces de révolte contre le fascisme ».

On peut donc difficilement présenter l’université de Birzeit comme neutre dans le conflit israélo-palestinien et œuvrant pour la paix et la libération des otages.

L’influence grandissante de Samidoun

La décision de lever le boycott de l’université de Birzeit a valu à l’ULB les félicitations de la députée européenne LFI Rima Hassan. Une décision dont l’UP s’attribue le mérite: « Ne l’oublions pas, cette suspension n’aurait jamais vu le jour sans l’engagement indéfectible des étudiants mobilisés« .

Or, l’UP est associée à l’organisation Samidoun, dont les principaux leaders font partie du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP) et soutiennent sans réserve les actions du Hamas.

Interdite en Allemagne et considérée comme entité terroriste aux Pays-Bas, au Canada et aux USA, Samidoun est libre de ses mouvements en Belgique. La décision de l’ULB de céder à ses revendications témoigne de l’influence grandissante de l’idéologie palestiniste dans certaines universités belges.

Eric Muraille, Directeur de Recherche FNRS, ULB

(Illustration : capture d’écran – marche étudiante de l’université de Birzeit en 2022)

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