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La Belgique, enfer fiscal du travailleur (Opinion)

par Contribution Externe
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Là où l’État passe, le salaire trépasse. C’est plus que vrai en Belgique, où les charges sur le travail en viennent à… décourager le travail. Voici un exemple, sur base des chiffres officiels. Une opinion de Gaëtan Zeyen, avocat et docteur en droit fiscal.

Il en va d’une hypothétique réforme en profondeur de la fiscalité sur les revenus du travail comme de Nessie, le présumé monstre du Loch Ness : on en parle beaucoup, mais on ne le voit jamais. Et pourtant, celle-ci est indispensable. Et en Belgique plus qu’ailleurs.

Renouer avec un minimum de compétitivité est indispensable ET urgent. La Belgique, comme l’UE dans son ensemble, souffre d’une compétitivité en berne. Ceci est dû principalement à trois facteurs. Cela commence par les charges administratives toujours plus nombreuses et paralysantes. Vient ensuite le prix de l’énergie particulièrement élevé (notamment en comparaison des USA). Et puis, last but not least, une fiscalité présentée comme égalitaire, juste et re-distributrice qui s’avère finalement punitive et démotivante pour de nombreux travailleurs.

De façon très schématique, protéger les entreprises européennes implique de doter les citoyens-contribuables européens d’un pouvoir d’achat suffisamment élevé pour leur permettre d’acheter des produits made in Europe plutôt que made in China.

La fiscalité qui pèse sur les revenus du travail joue à cet égard un rôle prépondérant, puisqu’elle détermine directement le niveau du pouvoir d’achat de la population.

La Belgique à la traîne de l’OCDE

Malheureusement, la sinistre réputation fiscale de la Belgique n’est pas usurpée : un récent rapport de l’OCDE révèle une fois de plus qu’elle impose à ses contribuables la plus lourde charge fiscale sur le travail parmi les différents États membres.

Ce document démontre ainsi que pour les travailleurs célibataires, le « coin fiscal » moyen a augmenté dans la plupart des pays de l’OCDE en 2023. Et c’est précisément en Belgique que ce « coin fiscal » était le plus élevé (52.7 %) pour cette catégorie de foyers. Viennent ensuite, et c’est contre-intuitif, l’Allemagne (47.9 %) et l’Autriche (47.2 %), suivies de la France (46.8 %) et de l’Italie (45.1 %).

Un exemple chiffré

Rien de tel qu’un cas concret pour chiffrer notre dérive fiscale. Imaginons que Gérard, patron d’une PME, a engagé Alain. Celui-ci est célibataire (isolé), avec 2 enfants à charge (dont aucun n’est handicapé). Il est occupé à temps plein et gagne € 4.076,00 brut par mois, montant auquel il convient d’ajouter le pécule de vacances (€ 3.749,92) et le 13e mois (€ 4.076), soit une rémunération annuelle de € 56.737,31.

Sur ce montant brut mensuel, Alain devra d’abord payer des cotisations sociales personnelles (ONSS travailleur) soit, dans notre exemple, un montant de € 532,73/mois (soit € 7.378,31/an), ce qui donne un revenu brut mensuel imposable de € 3.543,27 (€ 4.076,00  moins € 532,73 = € 3.543,27). Soit un revenu brut annuel imposable de € 49.359,61.

À ce montant brut imposable viennent en déduction, d’une part le précompte professionnel à concurrence d’un montant de € 723,22/mois (€ 11.721/an) et d’autre part, une cotisation spéciale pour la sécurité sociale à concurrence d’un montant de € 38,81/mois (€ 512,16/an).

Le revenu net ainsi perçu par Alain sera de € 2.781,24/mois (€ 37.125,68/an), soit approximativement 30% de moins que son revenu brut.

Une addition de taxes pour une illisibilité organisée ?

Mais pour permettre à Alain de percevoir une rémunération annuelle nette de € 37.125,68, son employeur Gérard devra débourser près de € 69.984,92/an. En effet, au salaire mensuel brut de € 4.076, il y a lieu d’ajouter encore les cotisations sociales employeur (ONSS employeur), soit € 1.019/mois (€ 13.247/an). Gérard doit donc débourser € 5.095 pour permettre à Alain de percevoir un net de € 2.781,24.

Ceci n’est pas encore le revenu net « poche » d’Alain, c’est-à-dire celui dont il pourra effectivement disposer après impôt et qui déterminera in fine s’il pourra s’offrir des lasagnes chez le traiteur ou s’il devra se rabattre sur un plat en vente rapide chez Aldi.

En effet, ce salaire net doit ensuite être soumis à l’impôt des personnes physiques (IPP), conformément aux différentes tranches d’imposition en vigueur et en tenant compte de nombreux paramètres qui alourdiront ou allègeront la charge fiscale d’Alain. Son lieu de domicile entre aussi en compte. Le montant de l’impôt variera de € 841,73 à Uccle à € 249,45 à Koksijde.

Des salaires-poche écrasés par la fiscalité

Pour rappel, notre cas d’école porte sur un salaire moyen. Quand il augmente, la fiscalité suit, et de façon progressive puisque nous n’avons pas de flat tax. À l’inverse, on notera que certaines professions constituent de véritables niches bénéficiant d’un régime très favorable. C’est par exemple le cas des chercheurs qui, moyennant le respect de certaines conditions, peuvent bénéficier d’une dispense de versement du précompte professionnel à concurrence de 80%.

En réalité, le calcul des salaires en Belgique est tellement peu lisible qu’il a permis la création d’un secteur, celui du secrétariat social.

Ne nous méprenons pas : il peut être tout à fait légitime et justifiable de favoriser, au moyen d’un régime fiscal favorable, certaines professions. En revanche, ce qui ne l’est pas, c’est de faire reposer systématiquement la charge fiscale sur la classe moyenne.

Taxer résulte d’un choix politique qui conditionne lourdement le type de compétitivité que l’on souhaite pour notre société.

Gaëtan ZEYEN, avocat et docteur en droit fiscal

(Photo : Belgaimage)

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