La semaine dernière, Engie a averti que si la législation sur la sortie du nucléaire en Belgique venait à être modifiée, la prolongation des deux réacteurs les plus récents, Doel 4 et Tihange 3, pourrait être compromise. Voici les enjeux en cours.
Les négociations politiques actuelles visent à maintenir ouvertes certaines centrales nucléaires belges plus longtemps que prévu, ce qui va à l’encontre des intérêts d’Engie. L’entreprise a envoyé une note au Parlement fédéral mettant en garde contre une possible indisponibilité totale des réacteurs pour l’hiver 2025-2026. Un scénario catastrophe pour l’économie belge.
Engie cherche à minimiser les coûts liés à la sortie du nucléaire en les transférant à l’État belge. Cela inclut les provisions légales pour le démantèlement des centrales et le traitement des déchets radioactifs, des charges financières qui ont un impact négatif sur sa valorisation en bourse. En parallèle, l’entreprise refuse catégoriquement d’investir davantage dans le secteur nucléaire et joue la carte de la prudence en invoquant des contraintes réglementaires croissantes.
Des défis politiques
Des propositions de loi émanant du CD&V, du MR et de l’Open VLD visent à lever l’interdiction de construire de nouvelles centrales, notamment des petits réacteurs modulaires (SMR). Engie, qui n’est pas active dans ce domaine, s’y oppose fermement, craignant l’émergence de nouveaux concurrents.
En outre, certains partis souhaitent prolonger la durée de vie des réacteurs existants de 10 à 20 ans ou supprimer complètement les dates de fermeture fixées par la loi actuelle. Engie, en revanche, s’en tient à une extension limitée des deux réacteurs les plus récents, une concession obtenue en échange de plafonds financiers pour le démantèlement et la gestion des déchets.
Une stratégie habile
Engie met également en avant des arguments techniques et financiers pour refuser tout redémarrage des réacteurs déjà arrêtés, tout en gonflant les estimations des coûts de modernisation des réacteurs encore en service. La position du régulateur nucléaire belge (AFCN), qui n’identifie aucun problème de sécurité, renforce les soupçons selon lesquels Engie cherche à maximiser ses gains avant une éventuelle sortie définitive du secteur nucléaire belge.
L’ancien président de l’Open VLD, Egbert Lachaert, suggère que les centrales nucléaires d’Engie pourraient finir dans le giron d’EDF, le géant français de l’énergie. Un tel scénario mettrait un terme au bras de fer entre Engie et le gouvernement belge, mais poserait la question de l’indépendance énergétique du pays.
La situation actuelle illustre un jeu complexe où chaque acteur tente de tirer parti d’un secteur sous haute tension économique et politique.
Lode Goukens
(Photo Belgaimage : la centrale de Tihange)