Des voix virulentes se sont élevées contre la tenue, ce lundi soir, d’un débat sur l’avenir de l’Europe organisé par le Centre Jean Gol. Ces détracteurs, opposés au libre débat, n’en sont pourtant pas à une contradiction près. Une opinion de Corentin de Salle, Directeur scientifique du Centre Jean Gol.
Protester et manifester sont deux libertés précieuses dans une démocratie. Elles ont été durement acquises par les commerçants, artisans, professions libérales, intellectuels et hommes de lettre – essentiellement des libéraux – qui ont mené la révolution et la guerre d’indépendance contre la puissance hollandaise. C’est d’ailleurs cette même génération de libéraux qui a fondé l’Université Libre de Bruxelles.
Vous protestez contre la conférence que nous organisons ce soir et qui va regrouper plus de 1.400 participants à l’auditoire Janson. Vous appelez à la mobilisation « pour reprendre notre université en main », pour éviter qu’elle ne devienne « un espace de propagande réactionnaire ». Selon vous, l’accueil de Georges-Louis Bouchez et de Louis Sarkozy sur le campus serait une « insulte aux valeurs du pluralisme, de libre examen et de liberté d’expression que l’université prétend défendre ». Vous vous plaignez que la rectrice de l’ULB autorise notre conférence alors qu’elle a refusé celle de Mohammed Khatib. Vous affirmez que deux de nos orateurs, Georges-Louis Bouchez et Louis Sarkozy, feraient une « apologie directe de crimes de guerre ». Et vous concluez : « pas de fachos sur notre campus ». Une carte blanche reprenant ces propos a été signée par vos associations estudiantines.
Je vous réponds ceci :
- Vous refusez la tenue d’un débat pluraliste au nom du… pluralisme. Un peu curieux, non ? Vous ne visez, certes, pas tous les orateurs. Seulement ceux dont vous ne partagez pas les opinions. Je vous invite à aller chercher dans un dictionnaire la définition des mots « débat » et « pluralisme ». Un débat où on ne débat qu’avec les gens qui pensent comme vous est-il encore un débat ? Le pluralisme est-il encore du pluralisme si le champ qu’il couvre se limite à la gauche et à ses 50 nuances ?
- Vous déniez à deux personnes le droit de s’exprimer au nom de… la liberté d’expression. Assez particulier comme argumentation, non ? Certes, ces deux personnes ont exprimé un point de vue qui vous choque. Mais leurs propos ne tombent sous le coup d’aucune loi limitant ou cadrant la liberté d’expression. Exprimer une opinion est un droit protégé, entre autres choses, par l’article 10 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme. À l’attention du Cercle de Droit, signataire de la carte blanche, je rappelle l’existence du fameux arrêt Handyside de la Cour Européenne de droits de l’homme en 1976, qui étend cette protection aux « propos qui heurtent, choquent ou inquiètent ».
- Vous déniez aux 1.400 participants de la conférence de venir se forger une opinion personnelle au nom du… libre examen. Toutes ces personnes doivent décidément être bien stupides pour venir participer à une conférence de « propagande réactionnaire ». Heureusement qu’il y a des gens comme vous pour penser à leur place et leur interdire de se faire une opinion par elles-mêmes. Je remercie donc le Cercle de Libre Examen d’avoir signé cette carte blanche qui appelle à empêcher des gens à pouvoir exercer librement leur droit à s’informer, à peser le pour et le contre et à réfléchir. Mais, peut-être trouvez-vous que réfléchir est dangereux ? Et que ce droit ne doit valoir que pour des gens comme vous, à savoir des âmes sublimes qui, seules, bénéficient des lumières suffisantes, c’est bien cela ? Pourquoi ne pas vous rebaptiser alors sous le nom de Cercle Paternaliste de Libre Examen ?
- Vous voulez « reprendre l’université en main ». Un peu comme certains d’entre vous ont « pris en main » le bâtiment B du Solbosch pendant 7 semaines en causant plus 500.000 € de déprédations ? À l’attention des activistes pro-palestiniens signataires de cette carte blanche, je rappelle qu’on a de sérieuses raisons de douter du caractère « pacifique et démocratique » de votre protestation. Des étudiants juifs ont été violentés alors qu’ils venaient discuter avec vous et, si les services de sécurité n’étaient pas intervenus, il s’en serait fallu de peu qu’un lynchage en règle ne survienne…
- Vous refusez les « fachos sur le campus » alors même que plusieurs d’entre vous (à commencer par la nébuleuse « Université Populaire ») autorisent sur le campus l’action de Samidoun qui soutient le massacre des juifs du 7 octobre, qui glorifie le Hamas et dont l’action est d’ailleurs saluée par le Hamas… Vous déplorez que Mohammed Khatib ne soit pas bienvenu sur le campus et accusez la rectrice d’une politique de deux poids deux mesures. Mais vous oubliez de dire que Khatib est le coordinateur de Samidoun, organisation interdite en Allemagne et dont des parlementaires ont demandé l’inscription sur la liste des organisations terroristes de l’Union Européenne. Qui sont les vrais « fachos » ? Ceux qui, comme Georges-Louis Bouchez et Louis Sarkozy qui, dans le respect des règles du droit international, défendent le droit de détruire les combattants d’organisations terroristes criminelles ou ceux qui défendent une organisation faisant ouvertement l’apologie du génocide juif ?
Notre conférence aura lieu à l’auditoire Paul-Émile Janson, cette grande figure libérale, ancien premier ministre qui est mort à Buchenwald et dont le père, Paul Janson, fut le principal artisan du suffrage universel. Nous n’acceptons pas que notre centre d’étude qui travaille pour un parti authentiquement démocratique, lequel a combattu Degrelle et la barbarie nazie, soit insulté et traîné dans la boue par des gens comme vous au nom des « valeurs de l’université » dont vous ignorez apparemment complètement la signification.
Corentin de Salle, Directeur scientifique du Centre Jean Gol
