À travers le continent, les services compétents sont alertés par le danger que représente l’instabilité en Syrie. Après la chute du régime de Bachar Al-Assad, l’Europe pourrait faire face à une nouvelle crise migratoire, selon le Secrétaire d’État aux Affaires étrangères britannique, David Lammy. En France, un haut magistrat de l’asile à Paris confie au Figaro que « l’affaire syrienne n’est pas à prendre à la légère » en ce qui concerne le risque migratoire.
L’inquiétude des Européens est double. Tout d’abord, le risque de crise migratoire lié aux soutiens du régime Al-Assad fuyant le nouveau pouvoir syrien inquiète. De plus, des dizaines de jihadistes européens sont encore présents dans la zone irako-syrienne, et les changements de l’équation régionale pourraient les amener à entrer en Europe. L’OCAM, l’organe de coordination pour l’analyse de la menace, a identifié 89 Belges, selon la RTBF. Parmi eux, entre 5 et 10 seraient membres de Hayat Tahrir al-Cham, le groupe islamiste qui a mené la chute du régime. Selon le directeur du programme Moyen-Orient au Conseil Européen pour les Relations Internationales, Julien Barnes-Dacey, « si la transition de pouvoir est un échec et qu’il y a de nouveaux conflits armés, ou que la situation économique syrienne ne s’améliore pas, on risque de faire face à un nouveau flux migratoire. »
Risque migratoire ou opportunité ?
Pour Julien Barnes-Dacey, le changement de régime en Syrie peut être un risque autant qu’une opportunité à saisir. « Nous avons l’opportunité de soutenir la Syrie vers plus de stabilité et d’empêcher les conflits, la violence et les flux migratoires. » Dans la situation actuelle, l’Union Européenne ne doit pas être seulement spectatrice et que l’instabilité pèse sur ses frontières. Les 27 peuvent être acteurs, défendre leurs intérêts et soutenir une transition pacifique du pouvoir en Syrie. « Les Européens ne doivent pas surestimer le rôle qu’ils peuvent jouer, ajoute Julien Barnes-Dacey. Ils doivent mettre l’ensemble de leurs forces politiques dans la balance pour aider le processus de transition. » Cet expert propose d’entrer en contact avec les acteurs régionaux comme la Turquie et même directement avec Hayat Tahrir al-Cham et inciter à un changement positif. « Nous devons proposer des récompenses attrayantes pour la reconstruction du pays et de l’économie syrienne », recommande Julien Barnes-Dacey.
Quel avenir pour les Syriens en Belgique ?
Rapidement après la prise du pouvoir par les rebelles syriens, plusieurs pays européens ont annoncé geler les procédures de demande d’asile de ces réfugiés. En Belgique, 2 350 Syriens attendent encore une clarification de leur situation dans des centres d’accueil. Nicole De Moor, secrétaire d’État à l’Asile et à la Migration, a déjà fait savoir que les Syriens arrivés en Belgique au cours des cinq dernières années se verront retirer leur statut de réfugié.
Du côté de Damas, le nouveau régime veut éviter une crise migratoire. Hayat Tahrir al-Cham a multiplié les déclarations visant à rassurer les minorités ethniques et les anciens proches du régime. Les Islamistes affirment avoir besoin de tous les Syriens pour reconstruire le pays. Le 11 décembre, Mohammed Al-Bashir, à la tête du gouvernement de transition syrien, a même appelé ses compatriotes exilés à l’étranger, à travers le Moyen-Orient et l’Europe, à revenir en Syrie.
Jérémie Renous
(Photo Belgaimage : des familles syriennes marchent près de la frontière)