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OPINION – Fermeture des tunnels bruxellois : une économie qui pourrait coûter cher

par Quentin Van den Eynde
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Bruxelles suffoque sous le poids d’une dette galopante et de choix budgétaires discutables. Fermer des tunnels cruciaux dans une des villes les plus embouteillées d’Europe ? Une décision qui risque d’aggraver congestion, pollution et déclin économique. Il est temps d’agir avec audace : moderniser les infrastructures, relever les défis de la mobilité et placer les Bruxellois au cœur des priorités. Une opinion de Quentin Van den Eynde, avocat au Barreau de Bruxelles.

La gestion budgétaire de la Région de Bruxelles-Capitale est aujourd’hui un défi majeur. Depuis 2019, l’absence de cadre budgétaire a conduit à une explosion de la dette régionale, atteignant 13,3 milliards d’euros fin 2023 avec une projection de 14,5 milliards pour fin 2024. Cette augmentation de 108 % en seulement quatre ans est le résultat d’une croissance des dépenses nettement supérieure à celle des recettes et ce, dans une des régions les plus taxées au monde. Sans réforme structurelle, cette dette grimperait à 22 milliards d’euros d’ici 2029, soit 322 % des recettes régionales.

Au lieu de s’attaquer à ces problèmes structurels, le gouvernement sortant privilégie des mesures symboliques et peu efficaces qui risquent d’aggraver les difficultés des Bruxellois en matière de mobilité, de qualité de vie et d’économie.

Les tunnels bruxellois : des infrastructures essentielles sacrifiées

Fermer cinq tunnels structurants d’ici 2030 (Vleurgat, Bailli, Boileau, Georges-Henri et Woluwe) pour économiser 60 millions d’euros est une mesure qui semble davantage idéologique qu’économique. Ces tunnels ne sont pas un luxe mais des infrastructures vitales dans une ville où la congestion est déjà l’une des pires au monde. Selon le TomTom Traffic Index, Bruxelles est la 10ᵉ ville la plus embouteillée avec une moyenne de 104 heures perdues par an dans les bouchons.

La fermeture de ces tunnels aggraverait la situation actuelle en entraînant plusieurs conséquences néfastes. Tout d’abord, elle influencerait la qualité de vie des usagers, avec des trajets encore plus longs, accentuant le stress et la fatigue. Ensuite, elle aurait des effets négatifs sur l’économie locale, les retards et les embouteillages dissuadant les investissements et compromettant l’implantation de commerces. Par ailleurs, cette décision créerait un paradoxe environnemental : non seulement les bouchons entraîneraient une augmentation des émissions de gaz à effet de serre, mais la redistribution du trafic vers les voiries de surface accentuerait aussi les arrêts et redémarrages des véhicules. Ce phénomène augmenterait non seulement les émissions de CO₂, mais également celles des polluants atmosphériques locaux tels les particules fines et les oxydes d’azote, dégradant la qualité de l’air et influençant la santé publique dans les zones urbaines densément peuplées.

Ainsi, plutôt que d’innover et d’intégrer ces infrastructures dans une stratégie de mobilité multimodale, Bruxelles semble opter pour l’abandon au détriment de ses citoyens et de son attractivité économique.

Une gestion budgétaire à la petite semaine

Sacrifier des tunnels sous prétexte d’économies illustre une gestion à court terme. En 2023, les retards de paiement sur des projets d’infrastructures ont déjà coûté pas moins de 650.000 euros en intérêts de retard, auxquels s’ajoutent des millions d’euros de principal impayé. Pendant ce temps, les dépenses publiques ont presque doublé entre 2015 et 2024 sans amélioration des services offerts aux citoyens.

La Cour des Comptes a récemment dénoncé le manque de rigueur du gouvernement dans la mise en place des douzièmes provisoires, un mécanisme censé pallier l’absence de budget. Ces critiques reflètent une gestion désordonnée, incapable de poser les bases d’une stratégie financière durable.

Le projet du Métro 3 incarne ces contradictions. Indispensable pour répondre aux défis de mobilité de Bruxelles, son coût s’est envolé à plus de 4,5 milliards d’euros. Bien que crucial, il ne doit pas se faire au détriment des infrastructures existantes, comme les tunnels routiers qui restent essentiels pour des centaines de milliers de Bruxellois et de navetteurs.

Une vision équilibrée pour l’avenir

Fermer des tunnels ne résoudra pas les problèmes budgétaires de la Région, mais déplacera les coûts ailleurs : plus de congestion, plus de pollution et une économie encore plus affaiblie. Une approche pragmatique et équilibrée est nécessaire pour répondre aux défis de mobilité tout en respectant les ambitions environnementales.

Les tunnels doivent être rénovés et intégrés dans une stratégie de mobilité multimodale, coexistant avec des solutions durables comme des transports en commun renforcés, des pistes cyclables sécurisées et des hubs intermodaux. Leur transformation pour accueillir des véhicules électriques ou des infrastructures partagées pourrait maximiser leur utilité.

Pour financer cette modernisation sans aggraver la dette régionale, Bruxelles doit recourir davantage aux fonds européens, tout en explorant des partenariats public-privé pour partager les coûts et les risques. Une planification budgétaire plus rigoureuse et transparente est également indispensable pour prioriser les investissements à fort impact.

Un appel à la responsabilité politique

Les Bruxellois méritent une gouvernance tournée vers l’avenir, plaçant leurs besoins en mobilité et en qualité de vie au centre des priorités. Fermer des tunnels sous prétexte d’économies affaiblirait davantage une capitale déjà paralysée par des embouteillages records et des défis budgétaires.

L’heure est venue d’adopter une vision ambitieuse et réaliste : moderniser les infrastructures essentielles, développer des solutions de mobilité durable et maîtriser les finances publiques. Une telle approche permettra à Bruxelles de devenir une capitale européenne innovante, prospère et résolument tournée vers ses habitants.

Quentin Van den Eynde, avocat au barreau de Bruxelles

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