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Carte blanche : Face à la vague de l’IA, l’Europe a besoin d’un plan Marshall technologique

par Contribution Externe

L’avenir est inconcevable sans tenir compte des avancées de l’intelligence artificielle (IA). Les États-Unis et la Chine ont déjà plusieurs longueurs d’avance sur nous. L’Europe a besoin d’un plan Marshall pour se mettre à niveau du point de vue technologique. Une carte blanche de Carlo Van Grootel et Bert Schelfhout, du media De Liberale Wereld.

Le monde est à un tournant crucial de son histoire. L’intelligence artificielle (IA) n’est pas une innovation isolée, mais bien la force motrice d’une révolution technologique et industrielle à grande échelle. De la nouvelle course à l’espace, menée par des startups américaines innovantes, aux voitures autonomes, robots autonomes et ordinateurs quantiques : l’IA est au cœur de ces avancées.

Pendant que les États-Unis et la Chine façonnent l’avenir avec l’intelligence artificielle, l’Europe risque de rester à la traîne dans un monde où la technologie détermine le pouvoir et la prospérité. La raison ? Une réglementation étouffante, un climat entrepreneurial peu favorable et un manque criant d’investissements stratégiques.

Alex Karp, PDG de Palantir, une des entreprises leaders mondiales dans le domaine de l’intelligence artificielle, le dit sans détour : « L’Europe doit s’adapter aux opportunités et défis de l’IA, sinon elle court à sa perte. » Cet avertissement souligne l’urgence : sans action immédiate, l’Europe risque de devenir technologiquement et économiquement insignifiante.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes

En 2023, les États-Unis ont investi pas moins de 56,88 milliards d’euros dans l’intelligence artificielle, tandis que l’Europe, y compris le Royaume-Uni, n’a dépensé que 9 milliards d’euros. Pour l’IA générative en particulier, les investissements américains ont atteint 20,38 milliards d’euros en 2023, contre seulement 2,4 milliards d’euros en Europe. En 2024, l’écart reste significatif, avec des investissements prévus de 22,75 milliards d’euros aux États-Unis contre 6,4 milliards d’euros en Europe.

Ces chiffres illustrent l’énorme disparité en matière de financement de l’IA et la nécessité pour l’Europe de se repositionner stratégiquement. Certaines technologies majeures, comme Sora d’OpenAI, ne sont même pas déployées en Europe à cause d’une sur-réglementation. En conséquence, l’Europe risque de passer du statut de leader à celui de simple suiveur dans la course technologique mondiale.

Fuite des talents et innovation asphyxiée

Nos talents innovants traversent littéralement l’Atlantique. Les jeunes ingénieurs et programmeurs diplômés en Europe s’installent massivement aux États-Unis, où ils reçoivent des salaires trois fois plus élevés, des options d’achat d’actions fiscalement attractives et évoluent dans un environnement qui favorise l’innovation. En Europe, ces mêmes options d’achat d’actions sont lourdement taxées dès leur émission, ce qui prive les startups de leur atout principal : les talents. Ces options ne sont pas qu’un avantage : elles sont une bouée de sauvetage pour les startups en quête de croissance.

Cette fuite des talents est le résultat direct d’une politique qui semble étouffer l’innovation. Les entreprises européennes croulent sous les obligations de reporting : de la réglementation sur l’IA aux rapports de durabilité. Les règles, conçues à l’origine pour garantir la sécurité et l’éthique, ont atteint un niveau qui tue littéralement l’innovation. Comme le souligne Karp : « La réglementation doit protéger, pas étouffer. La sur-réglementation européenne est un frein à son potentiel innovant. » Pendant ce temps, des entreprises américaines comme Tesla, Google et Apptronik dominent le développement des solutions d’IA et des robots humanoïdes.

Une dépendance stratégique

Ce retard n’est pas seulement économique, mais aussi stratégique. L’infrastructure complète de l’IA – des plateformes cloud aux modèles de langage avancés – est aux mains d’entreprises américaines. Cela rend l’Europe non seulement technologiquement dépendante, mais aussi vulnérable. Dans un monde où l’IA est au cœur du pouvoir économique et géopolitique, l’Europe ne peut se permettre de rester dépendante des acteurs étrangers.

Les conséquences économiques et sociales

Les bénéfices de l’IA risquent d’être inégalement répartis, tant au sein de l’Europe qu’au niveau mondial. Les entreprises qui s’adaptent rapidement prospéreront, tandis que les autres resteront à la traîne. Cela pourrait aggraver les inégalités économiques entre pays et régions. Sans investissements stratégiques et formation des travailleurs, des centaines de milliers d’emplois risquent de disparaître, sans alternatives viables. Le fossé numérique en Europe s’élargira, avec toutes les conséquences sociales que cela implique.

Un plan Marshall technologique : de l’Europe à la Flandre et la Wallonie

L’Europe a besoin d’un plan Marshall technologique à tous les niveaux – européen, national et régional. Au niveau européen, il faut créer des pôles d’innovation où entreprises, startups et institutions collaborent. Il est crucial de stimuler les investissements stratégiques dans l’infrastructure de l’IA et de simplifier la réglementation, afin de permettre aux entreprises de se concentrer sur l’innovation.

Au niveau national, une réforme fiscale est essentielle pour rendre les options d’achat d’actions plus attractives, afin de retenir les talents et de soutenir la croissance des startups. Cela doit aller de pair avec des programmes favorisant l’intégration de l’IA dans les entreprises et préparant les travailleurs à la nouvelle réalité numérique.

Au niveau régional, la Flandre et la Wallonie doivent renforcer ses centres d’innovation, comme ceux de Louvain, Louvain-la-Neuve (entre autre Odoo) et Gand, et encourager la collaboration entre universités, entreprises et autorités publiques. Nos régions possède les atouts pour devenir un hub européen de l’IA, mais cela nécessite des politiques ciblées et un leadership fort.

Une balance entre réglementation et innovation

L’Europe doit en finir avec sa sur-réglementation. Comme le souligne Alex Karp : « L’Europe ne peut continuer sur cette voie sans compromettre son avenir. » L’IA générative représente une opportunité unique pour transformer radicalement des secteurs tels que la défense, la pharmaceutique, la nanotechnologie et l’industrie alimentaire. Chaque jour perdu dans une paralysie administrative coûte à l’Europe du temps et des opportunités précieuses.

Le temps presse

Cet appel n’est pas une option, mais une nécessité absolue. L’IA n’attend pas, et le monde non plus. L’Europe doit regarder vers l’avenir et agir immédiatement. Si nous n’intervenons pas maintenant, nous vivrons dans un monde où l’Europe consommera la technologie des autres, au lieu de construire son propre avenir. Ceux qui agissent maintenant gagneront. Ceux qui attendent resteront à la traîne. Le compte à rebours a commencé !

Carlo Van Grootel (rédacteur en chef de De Liberale Wereld)

Bert Schelfhout (E-entrepreneur et membre de conseils d’administration, dont celui d’Athium, société flamande de données et membre du Libérale Wereld)

(Photo Belgaimage MAXPPP)

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