On sous-estime souvent l’impact psychologique que peut avoir, sur une personne, une simple publication sur les réseaux sociaux. Ce jeu est dangereux, d’autant plus que l’anonymat sur le web est une notion relative. Une opinion d’Alain Schenkels, chef d’entreprise.
Les réseaux sociaux, en offrant à chacun une tribune, ont révolutionné la manière dont nous interagissons et débattons. Si ces plateformes peuvent être des espaces de dialogue constructif, elles sont malheureusement aussi devenues des terrains propices à la diffusion de hoax, complotisme, mais aussi à la haine et à la violence en ligne. Derrière un écran, l’anonymat très relatif encourage certains individus à proférer des insultes et, dans les cas les plus graves, des menaces de mort.
Pour la personne visée par de telles menaces, l’impact psychologique peut être considérable, même si elle sait rationnellement que le risque d’être agressée physiquement est très faible. La peur, l’anxiété et le sentiment d’être menacé dans son intégrité physique et psychologique peuvent dans certains cas générer un stress intense et durable. Ce type de harcèlement en ligne peut entraîner des conséquences dévastatrices sur la santé mentale de certaines personnes, allant de troubles du sommeil et de l’alimentation à des états dépressifs plus sévères.
Un impact psychologique non négligeable
Le harcèlement en ligne peut entraîner des conséquences dévastatrices sur l’estime de soi des victimes. Les attaques répétées et les insultes peuvent les amener à douter de leur valeur, à se sentir incompétentes ou indésirables. Ce processus d’érosion de l’estime de soi peut entraîner un retrait social, de l’anxiété et des difficultés à se concentrer. Dans les cas les plus graves, il peut conduire à des pensées suicidaires.
L’anonymat des réseaux sociaux, loin d’être une simple couche de virtualité, agit comme un puissant catalyseur de comportements agressifs. Ce phénomène, connu sous le nom de désinhibition, s’explique par la théorie de la désindividuation. Celle-ci postule que lorsque les individus se sentent anonymes au sein d’un groupe, ils sont moins susceptibles de se conformer aux normes sociales et plus enclins à adopter des comportements impulsifs et déviants.
En ligne, l’absence de visage et de conséquences apparentes libère les individus de leur responsabilité sociale. Ils se sentent moins exposés au jugement d’autrui et peuvent ainsi exprimer des opinions ou des insultes qu’ils ne prononceraient jamais en face-à-face. Cette désinhibition est renforcée par le sentiment d’appartenance à une communauté en ligne où les normes sociales peuvent être différentes et moins restrictives que celles de la vie réelle. Lorsque quelqu’un voit que son commentaire haineux reçoit des « likes » ou des partages, il se sent validé dans sa position et est encouragé à persévérer dans cette voie. Cela crée un cercle vicieux où les comportements les plus extrêmes sont récompensés.
Personne n’est anonyme sur Internet
Il faut de noter que si l’anonymat semble complet, il est en réalité très relatif. Les progrès technologiques permettent de tracer l’origine d’un message haineux à partir d’une adresse IP, d’un identifiant unique ou d’autres métadonnées. Les plateformes mettent en place des mesures de protection de la vie privée, il est de plus en plus difficile de rester totalement anonyme sur Internet.
Qu’elles soient proférées en ligne ou hors ligne, ce sont des infractions pénales passibles de sanctions. Les victimes ne doivent pas hésiter à porter plainte et à conserver toutes les preuves de ces agissements.
Par ailleurs, il est essentiel de chercher du soutien auprès de proches, de professionnels de santé ou d’associations spécialisées. Le fait de parler de ce qu’on vit et d’être entouré peut aider à relativiser et à retrouver une certaine sérénité.
Alain Schenkels, chef d’entreprise
(Photo Xose Bouzas / Hans Lucas / Manifestation à Paris, 13 avril 2023)