L’IA, nouvelle reine de Silicon Valley, dévore milliards et perspectives. Nvidia, Google, Microsoft : la ruée vers l’or numérique explose les compteurs. Coût astronomique, consommation électrique folle : l’intelligence artificielle fait trembler les lignes. Quand les centrales nucléaires deviennent les poumons secrets de cette révolution technologique.
Depuis le lancement de Chat GPT à la fin 2022, elle est décidément incontournable, cette intelligence artificielle, IA pour les intimes. Les entreprises qui ne l’adoptent pas sans délai sont promises à rester à la traîne, voire à disparaître, affirme-t-on. Et après la relecture, c’est l’écriture, et même la création dans son ensemble, qui vivent une véritable révolution. Les investisseurs ne peuvent rester à l’écart : ce sont les « 7 magnifiques », les divas technologiques américaines, qui font la pluie (en 2022) et surtout le beau temps à Wall Street. Sous la conduite de Nvidia, le fabricant des semi-conducteurs pour jeux vidéo devenus indispensables à l’IA. Son cours de bourse a été multiplié par 10 en un peu plus de deux ans et, à 3.600 milliards de dollars, il est devenu la plus grosse entreprise du monde !
Beaucoup plus cher que l’être humain
Le phénomène IA présente toutefois d’autres facettes, moins connues. Ainsi son coût suscite-t-il parfois quelques frayeurs. On l’avait observé l’été dernier quand, en trois bonnes semaines à peine, les 7 magnifiques ont globalement perdu pas moins de 18 % de leur valeur en bourse. Même Nvidia fut de la partie, l’empereur des semi-conducteurs lâchant 5,6 % sur la seule séance du 11 juillet. Une partie de l’explication tient aux déclarations triomphalistes de plusieurs de ces entreprises, fières d’affirmer investir des sommes colossales dans le développement de l’IA. Alphabet (Google) affichait ainsi 13,2 milliards de dollars pour le seul 2e trimestre, un montant sensiblement supérieur aux attentes des analystes.
Pour la société-mère de Google comme pour d’autres géants de la technologie, ces annonces eurent un effet sans doute inverse à celui escompté : les investisseurs s’inquiétèrent de l’ampleur de ces investissements, doutant un peu de leur rentabilité. À la fin de l’an dernier, Alphabet a fait la synthèse de ses investissements tournant autour de l’IA : 50 milliards de dollars sur l’année 2024. Le 5 janvier dernier, c’est Microsoft qui lançait un programme de 80 milliards à destination de l’IA, largement axé sur les data centers.
La semaine dernière, la question du coût de l’IA a reçu un autre éclairage. Sam Altman, le patron d’OpenAI, l’entreprise qui a lancé ChatGPT, a affirmé que sa version Pro, vendue 200 dollars par mois, coûtait de l’argent à OpenAI au lieu d’en rapporter. Raison ? Les entreprises en font un usage excessif !
Certains analystes estiment que le coût d’une demande à ChatGPT peut s’avérer 10 fois supérieur à celui d’une recherche sur Google. L’outil le plus puissant d’OpenAI a récemment (largement) battu le facteur humain dans un test, mais les auteurs de ce dernier ont observé qu’il consommait pour 1.000 dollars de puissance informatique pour une tâche qui coûterait 5 dollars en main-d’œuvre humaine. Voilà qui pose question…
Les centrales nucléaires à la rescousse
Dans un domaine tout différent, l’intelligence artificielle offre aujourd’hui un important soutien au… secteur nucléaire aux États-Unis. L’explication en est à la fois simple et surprenante : l’IA permet des calculs et archivages de données très supérieurs à ce qu’ils étaient auparavant. Elle nécessite des super-puces, celles de Nvidia, mais aussi des super-data centers. Résultat : une consommation d’énergie colossale pour alimenter ces centres de données, ce qui constitue du reste une importante critique à l’égard de l’IA.
À la mi-septembre 2024, Larry Ellison, le fondateur du groupe Oracle, annonça la création d’un data center parmi les plus puissants du monde. Ses besoins en énergie équivaudront à la consommation de 300.000 ménages, de sorte qu’il serait alimenté par une centrale nucléaire.
Ce n’est pas un cas isolé. Une semaine plus tard, Microsoft annonçait avoir signé un accord d’approvisionnement de 20 ans avec la société Constellation Energy. Il vise plus précisément sa centrale nucléaire de Three Mile Island, un nom devenu tristement célèbre suite à l’accident survenu en 1979 au réacteur numéro 2. Fermé en 2019 pour raisons économiques, son réacteur numéro 1 peut fournir de l’énergie équivalant aux besoins de 700.000 logements.
La rénovation du site permettra d’alimenter Microsoft à partir de 2028. Un mois plus tard, c’est Amazon qui se lançait dans la course à l’énergie nucléaire en investissant dans plusieurs projets. Alphabet, maison-mère de Google, est également de la partie. Pas étonnant que le secteur nucléaire ait fait des étincelles en bourse l’an dernier : Constellation Energy a gagné pas moins de 91 %. L’intelligence artificielle a des effets secondaires là où on ne l’attend pas nécessairement…
Guy Legrand
(Photo Imagebroker : les quartiers généraux de Google, dans la Silicon Valley)