Il y a 80 ans, était libéré le camp d’extermination nazi d’Auschwitz-Birkenau, dans lequel 1,1 million d’humains (dont un million de Juifs1) sont partis en fumée.
Sur les cendres des victimes est né le « plus jamais ça ».
Un concept mis à mal, à l’heure où l’instrumentalisation du conflit israélo-palestinien et l’alimentation de la haine anti-juive en Europe à des fins purement électoralistes laissent parfois nos compatriotes juifs dans une crainte permanente. Certains quittent notre pays pour cette raison.
La Belgique est-elle devenue antisémite ? Non, bien sûr. Mais la confusion mentale des différents pouvoirs a créé une situation politique féconde.
Car on mesure, à la lumière de la statistique ci-dessus qui ne concerne qu’un seul des camps d’extermination, à quel point comparer ce qui se passe à Gaza à un génocide (25.000 morts civiles sur 2,4 millions d’habitants – 1%, en recoupant les chiffres sans doute gonflés du Hamas avec ceux d’Israël) est, au mieux de l’ignorance, au pire de la malveillance.
Or de multiples hommes politiques, intellectuels et journalistes, essentiellement de gauche, ne s’en sont pas privés.
Un sursaut est urgent dans notre pays car toute vie cultuelle, culturelle, scolaire et religieuse juive est solidement encadrée par des vigiles privés, les forces de police et parfois l’armée. Si, à peine sorti de la synagogue, il faut, au plus vite, retirer la kippa de peur d’être molesté ; si dans nos écoles, athénées, collèges et université, l’identité juive dès qu’elle est reconnaissable (patronyme, signe extérieur voire phénotype juifs), peut vous exposer à la violence, dans quelle démocratie vivons-nous ?
Clientélisme politique
Partout dans le monde occidental, une certaine extrême gauche a flatté des instincts communautaristes, ce qui a créé une situation de résurgence folle de l’antisémitisme. Les hommes politiques, surtout de gauche, semblent avoir fait un calcul cynique basé sur la démographie.
Une inversion s’est opérée qui paraît insensée tant elle est énorme : c’est la droite, et même parfois l’extrême-droite, qui se sont rangées du côté des Juifs. Il y a par exemple, proportionnellement, plus de militants de LFI (La France Insoumise) qui se déclarent antisémites, que de militants du Rassemblement national.
Être Juif et de gauche aujourd’hui relève du sacerdoce.
Alors que la chaîne publique RTBF invite un professeur de politique internationale ouvertement anti-israélien le 7 octobre 2023, alors que les cadavres de Juifs sont encore chauds, le 20 octobre 2023, Raoul Hedebouw, président du PTB, déclare lors d’une émission télévisée que l’État d’Israël est plus terroriste que le Hamas ces dix dernières années. Pourtant, non seulement la charte du Hamas mais aussi les différentes déclarations de ses dirigeants énoncent clairement leur projet messianique génocidaire : l’éradication de l’État juif. Le slogan « Free Palestine from the River (le Jourdain) to the Sea (la Mer méditerranée) », énoncé notamment par de sympathiques étudiants progressistes de l’ULB, est clairement génocidaire alors qu’ils se réjouissent en même temps de ce que l’État juif, sur plainte de l’Afrique du Sud, ait été accusé de génocide à Gaza devant la Cour de Justice internationale.
À Anvers, le bourgmestre de droite N-VA Bart De Wever brandit le drapeau israélien le soir du 7 octobre 2023. Le bourgmestre (socialiste) de Bruxelles, Philippe Close, préfère s’abstenir de peur de fâcher son électorat.
Dès que la gauche arrive au pouvoir, le sort des Juifs se détériore.
En Australie, depuis que le gouvernement de gauche de M. Albanese est au pouvoir, une école primaire juive a été incendiée et on observe une recrudescence de l’antisémitisme. La ministre des Affaires étrangères, Penny Wong, s’est exclamée, en référence à l’Holocauste : « C’est le meurtre de plus d’un million de personnes, et de plus d’un million de Juifs (sic). » Une ignorance coupable pour une femme politique de cette envergure. « Nicole », une Australienne juive d’origine mexicaine et israélienne, animait une émission de radio latino-américaine sur Radio Skid Row, une station de radio communautaire basée à Sydney. Lors d’une réunion, il a été dit à Nicole que si elle était incapable de soutenir les attaques du 7 octobre en tant que « résistance et comme quelque chose de positif », elle ne pourrait plus travailler sur la chaîne.
Harvard craint Trump
Au Canada, sous Justin Trudeau, l’antisémitisme a monté en flèche dans un pays particulièrement tolérant dans lequel les communautés juive et musulmane vivaient, avant son arrivée, dans un parfait vivre ensemble, notamment à Montréal. Le conservateur Pierre Poilièvre promet de mettre fin à l’insécurité pour les Juifs et affirme son soutien à Israël. Des campus universitaires US ont été fermés aux étudiants juifs, obligés de suivre les cours en distanciel et molestés, ou empêchés de pénétrer dans leur propre université. Ce qui fut comparé par un grand quotidien vespéral à une « saine prise de conscience » analogue aux manifestations étudiantes lors de la guerre du Vietnam.
Aux États-Unis, il a fallu attendre le retour au pouvoir de Donald Trump pour que les universités soient remises à leur place, menacées de perdre leur statut « d’asbl » si elles ne prenaient pas des mesures immédiates. Comme par hasard, dès le 21 janvier 2025, l’Université Harvard a pris des mesures fermes contre l’antisémitisme en concluant un accord avec des étudiants juifs et le Centre Brandeis pour les droits de l’homme. Dans le cadre de cet accord, Harvard a adopté la définition de l’antisémitisme établie par l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste (IHRA) et s’est engagée à créer un partenariat avec une université israélienne.
En Espagne, sous la direction du premier ministre de droite José Aznar, l’antisémitisme avait quasi disparu. Depuis l’arrivée du socialiste Pedro Sanchez, la haine anti-juive renaît.
On observe une évolution funeste : dès que la gauche arrive au pouvoir, le sort des Juifs se détériore.
La gauche est-elle devenue antisémite ? Ou bien gagner les élections oblige automatiquement les politiciens de gauche à ne plus trop s’investir dans le combat contre l’antisémitisme ?
Une chose est sûre : comme on le voit dans tous les pays occidentaux touchés par l’antisémitisme, le problème est politique. Et la solution l’est tout autant.
Nicolas de Pape
(Photo : des volontaires préparent des bougies dans le cadre des commémorations de la libération du camp d’Auschwitz – 27 janvier 2025 / Dominika Zarzycka/SOPA Images via ZUMA Press Wire)
- Un million de Juifs, principalement déportés d’Europe dans le cadre de la « solution finale », 70 000 à 75 000 Polonais non juifs, souvent des résistants ou des prisonniers politiques, 21 000 Roms (Tsiganes), en majorité exterminés dans le « camp familial tsigane », 15 000 prisonniers de guerre soviétiques, ainsi que d’autres victimes, y compris des homosexuels, des témoins de Jéhovah et des opposants politiques. ↩︎