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Après le saccage du musée de Tervuren… des quotas pour une réécriture de l’histoire (Chronique)

par Contribution Externe

Décidément, l’AfrikaMuseum de Tervuren inspire bien des chroniques stupéfiées. Après celle de Nadia Geerts, Merry Hermanus a pris la plume pour nous faire part de sa désolation. Avec, en prime, un bond dans le temps permettant de ressortir une chronique du passé.

J’avais été abasourdi le 8 janvier par la lecture dans « Le Soir » de l’article dans lequel Colette Braeckman évoquait les récriminations de la chargée de la programmation culturelle du Musée de l’Afrique de Tervuren. Celle-ci avait déjà alerté la presse flamande sur le fait que les chercheurs et experts africains – ou belges d’origine africaine – n’étaient pas assez écoutés, qu’ils n’occupaient pas des positions hiérarchiques leur permettant d’imposer leurs vues sur ce que devait, selon elle, devenir ce musée. Elle se plaignait aussi du fait que 95 % des objets provenaient du Congo, alors que cette institution devrait être celle de l’Afrique, comme l’indique son nom.

De plus, d’après elle, le fait que l’édifice ait été construit à la demande et sur les indications de Léopold II poserait un problème.

Concluant l’article, elle affirmait, visant l’analyse des œuvres à restituer éventuellement au Congo « que c’était la main de la Belgique qui restait dessus », sous-entendant par là que c’était la Belgique qui avait, en matière de restitution, la décision finale.

Il est étonnant que cet article n’ait pas suscité plus de réactions. En effet, il exprime le symbole du fait que d’aucuns, exerçant différentes fonctions dans des lieux emblématiques et chargés d’histoire, n’ont pas du tout conscience que la Belgique existe toujours, que le Musée a été construit en Belgique, et que Tervuren est toujours situé au cœur de notre pays. Il est stupéfiant de constater que cette employée considère que les Africains doivent pouvoir y disposer d’un statut particulier, en qualité de chercheurs, de décideurs, mais aussi dans la hiérarchie. Je suppose donc qu’elle envisage des quotas ! Ou qu’elle suppose une extraterritorialité de ce lieu. Effarant !

Nadia Geerts, conseillère au centre d’études Jean Gol, a déjà dans ces colonnes évoqué le malaise qui règne dans ce musée et dont l’article de Mme Braeckman n’offre que la pointe émergée de l’Iceberg.

Le pire est cependant ailleurs. Ce musée est devenu, pour ceux qui s’y aventurent, « illisible ».  Je l’ai souvent fréquenté et beaucoup apprécié, parce qu’il était le fruit d’une époque, quoi qu’on en pense, d’une épopée, d’une étape essentielle dans l’histoire de ce qui encore, n’en déplaise à cette dame, notre pays. Attention, que l’on ne se méprenne pas, je ne suis pas, loin de là, un thuriféraire de Léopold II, je l’ai longuement expliqué dans l’un de mes articles. Mais cette époque me passionne depuis les cours de mon professeur Jean Stengers à l’ULB.  En outre, le Congo et les Congolais me sont très chers. J’y ai fait des missions gouvernementales et quelques visites privées, et j’ai l’immense chance d’y avoir toujours un ami très proche depuis l’âge de 16 ans. Ce musée était un repère historique. Comme le Smithsonian de Washington, il avait su conserver, qu’on l’apprécie ou non, la fragrance d’un temps révolu. 

En ce sens, la rénovation a été une effroyable catastrophe, un véritable jeu de massacre.  On ne comprend plus rien.  Le chaos est absolu.  C’est le règne de la plus totale confusion, organisée, voulue par des iconoclastes, des révisionnistes de l’histoire, qui ont pour but de la réécrire en gommant ce qui, aujourd’hui, dérange, ne colle pas avec leur idéologie. Ce sont des fossoyeurs, pas des historiens, dont l’objectif n’est rien moins que de vouloir faire disparaître une part de notre histoire. Or, l’histoire impose qu’il faille expliquer, expliquer encore, explique toujours, sans rien cacher des choses dérangeantes, ne rien voiler comme on le fait maintenant à Tervuren.

Je vous invite à prendre connaissance de ma réaction après avoir visité ce musée rénové par la bien-pensance agissante !   

         Crime au musée de Tervuren – Le cœlacanthe a disparu !

Depuis toujours, j’aime me balader dans les allées poussiéreuses du musée de Tervuren. Sans doute, petit garçon, l’ai-je découvert en compagnie de mes parents, enfance des éternels dimanches éblouis par le bonheur de la joie de vivre.  Mais c’est surtout après avoir eu la chance de suivre les cours d’histoire du Congo de Jean Stengers que mon goût pour ce musée prit une nouvelle dimension. Le professeur Stengers éclairait les étapes de la colonisation, nous expliquait de sa voix un peu métallique, aux verbes rythmés (les voix comptent beaucoup pour moi) les causes, les intentions affirmées ou bien dissimulées.

En 1963, j’avais aperçu échouées, ventres en l’air, le long des bâtiments du musée, les barges de fer avec lesquelles Stanley au cours de l’un de ses périples avait descendu le fleuve Congo, l’immense artère irriguant ce pays fabuleux. Je ne les ai plus jamais revues. J’ai effectué différentes recherches, l’une de mes filles plus récemment a téléphoné à la direction du musée, plus personne ne sait ce que ces barges sont devenues. Il est à craindre qu’un quelconque rond de cuir, à manchettes de lustrine, les aura vendues à la casse pour le prix de la ferraille au poids. 

Pendant ma longue présence à l’armée, alors que je commandais la compagnie de garde du Parlement, j’avais pris l’habitude d’amener la trentaine de soldats du peloton courir nos rituels 17 kilomètres hebdomadaires le long des étangs de Tervuren. Nous allions jusqu’à Jézus Eik et revenions sur nos pas jusqu’à la caserne du Lion. Pendant une bonne partie de la course, j’avais une vue parfaite sur ce curieux palais très fin XIXe, nous le longions au bruit de nos lourds godillots alors que les collections multiples et diverses y dormaient sans risque d’être dérangées, les visiteurs étant rares.

Dans les années 80, j’organisais et guidais quelques visites pour les membres de ma section du PS. J’essayais de les intéresser à l’histoire de notre pays minuscule qui s’était retrouvé, sans le vouloir, à la tête d’un immense territoire 81 fois plus grand que lui-même. Volumineuse, encombrante étrenne de l’année 1908 que certains parlementaires avaient refusée !

La longue fermeture pour rénovation

Il y a quelques mois, Mireille et moi décidons enfin de prendre le risque de voir comment avait été rénové ce lieu exceptionnel – Nous ne fûmes pas déçus ! Après quelques hésitations pour trouver la nouvelle entrée, nous nous trouvons devant un bloc carré de verre et de béton. Nous étions pratiquement seuls. Une jeune et sympathique préposée nous donne les tickets, précisant avec un sourire qui me parut énigmatique, qu’il nous faudrait descendre les marches, passer dans le couloir pour atteindre l’entrée du musée. Bien sûr un ascenseur était disponible. J’ai horreur des ascenseurs, donc courageusement nous descendons les très nombreuses marches qui plongent dans d’insoupçonnées profondeurs. Arrivés en bas, nous nous trouvons face à un très long tunnel d’un blanc éblouissant, marbre ou pierre polie, impossible de le savoir. Le genre de tunnel qu’ont dû voir tous ceux qui ont fait l’expérience de mort imminente – glaçant, inquiétant, d’une incroyable longueur. Au centre, comme un long poil noir sur un bol de lait, échouée là, la longue pirogue qui se trouvait auparavant à gauche du hall d’entrée. Pas d’explication. Faut-il embarquer pour visiter le nouveau musée ? Où étaient les vaillants rameurs, rythmant chaque coup de pagaies de leur chant entrainant… disparus sans doute partis rejoindre les barges de Stanley.

À l’entrée de ce gigantesque couloir, un très sympathique contrôleur noir, rigolard, vérifie nos billets, il nous offre un petit poussoir afin de ne pas devoir toucher les écrans tactiles avec les doigts. Après au moins deux cents mètres de ce périple aussi lumineux que glacé, si le plafond de ce tunnel avait été rond, on se serait cru dans un immense scanner, il nous faut ensuite grimper autant de volées d’escaliers que nous en avions descendues, pour nous trouver enfin devant certaines salles. On se demande bien pourquoi ce couloir a été construit. Cache-t-il l’entrée secrète du bunker qu’utiliserait le gouvernement flamand en cas d’attaque nucléaire ? À quelle exigence architecturale répond-il ? On ne le saura jamais… Mystère qui n’a rien d’africain.

De splendides statues, des nains de jardin et des Schtroumpfs à médailles

À notre gauche, dans une pièce au plafond assez bas, faisant songer à une sorte de cave, elles aussi toutes blanches, nous découvrons, regroupées pêle-mêle dans une sorte de petit enclos, les magnifiques statues qui se trouvaient dans des alvéoles de la rotonde de l’entrée de l’ancien musée, notamment celle de l’homme léopard, qui a sans doute inspiré Hergé pour Tintin au Congo. Au milieu de ces statues au ras du sol, les bustes de deux ou trois généraux belges qui, sans doute, participèrent à la colonisation. Ils sont là, entre les statues grandeur nature, réduits à leur buste constellé de médailles, nains de jardin au milieu de géants noirs. Deux hypothèses : soit on ne savait pas où mettre ces statues, soit on en avait honte et on les a garées dans cette petite pièce latérale que, vraisemblablement, certains visiteurs ratent.

Pour moi, c’est, dès cet instant, très clair… c’est la honte qui l’emporte, ces statues représentant des corps d’Africains, splendides, luisants, sculpturaux étaient trop marquées par la vision coloniale du Congo, donc… à la trappe. Les quelques généraux dont plus personne ne connaît les noms au milieu… Schtroumpfs perdus au milieu du pays des géants noirs. Curieux, d’ailleurs, le destin de ces officiers que Léopold II avait recrutés sans difficulté. Ils étaient pratiquement tous étiquetés libéraux. Or, après la défaite électorale du parti libéral en 1884, défaite causée par la création du ministère de l’instruction publique, le parti catholique gagna haut la main toutes les élections jusqu’en 1914.  Si l’on était soupçonné de libéralisme, aucune chance de faire carrière dans une administration, même une concierge dans un bâtiment public n’était pas engagée si elle n’allait pas ponctuellement à la messe. Dans un tel climat, un officier libéral n’avait aucune chance d’avancement. Alors pourquoi pas le Congo ? À droite de la cage aux statues, une autre pièce, des vitrines avec toutes sortes d’objets divers sans qu’on comprenne pourquoi ils sont exposés là ! Un nouveau couloir, on pénètre enfin dans l’ancien bâtiment… je me remets, incorrigible optimiste, à espérer.

Les animaux empaillés veillent toujours !

Les vitrines se suivent, je les reconnais, les collections d’animaux empaillés, l’okapi, le gorille au dos argenté, les phacochères, les serpents, les léopards, les lions, tous sont fidèles au poste. Mais où est donc passée la chronologie qui faisait l’intérêt didactique et historique de ce musée ? Disparue… On se demande quel est le rapport de la Belgique avec ce pays au cœur de l’Afrique… plus rien n’est expliqué. Vide sidéral. Les vitrines offrent sans nul doute des objets d’une inestimable valeur, mais l’histoire n’est plus racontée. Ces lances, ces statues cloutées, ces paniers tressés, ces pots de terre cuite viendraient de la planète Mars ce serait pareil.  Plus la moindre ligne du temps.  Ah ! Quand même une exception dans l’une des salles latérales, je redécouvre deux grandes cartes murales, elles datent de la création du musée.  On peut, en les regardant, comprendre l’évolution de la découverte du Congo, la première étant de la fin XIXe, la seconde de 1910.  Sans doute le budget peinture était épuisé, les « rénovateurs » n’ont pas pu les recouvrir.  Ces cartes, derniers vestiges de l’ancien musée, sont les ultimes éléments permettant de mesurer à quel rythme la connaissance de ce magnifique pays a évolué.

Quelques vitrines évoquent la politique et les mouvements qui ont conduit à l’indépendance. Une dizaine de photos de presse, quelques articles de journaux et basta ! Totalement nul ! La vitrine évoquant la mystérieuse irruption au Congo des rythmes cubains est toujours là, inchangée, rythmes sur lesquels tant et tant de congolais ont dansé sur l’illustrissime « Indépendance cha cha ». Quasi aucune explication sur la politique belge au moment des évènements de 1960, clichés d’actualités jaunis, commentaires journalistiques mal découpés… mais bon sang, de quoi donc a-t-on eu peur… ou encore une fois honte ? Ils avaient le choix entre le Congo de Léopold II ou celui de Lumumba, ne sachant choisir, ils ont choisi le néant ! Seul le politiquement correct dûment aseptisé a gagné.

À la recherche du cœlacanthe

Tournant autour des vitrines, passant d’une salle à l’autre, je cherche désespérément le Cœlacanthe qui, face à une grande vitre ouvrant sur le somptueux parc, dormait depuis cent ans dans un bain de formol couleur sépia. Ce gros poisson m’a toujours fasciné, œil vide d’inexpressive porcelaine, écailles serrées, je m’étais toujours demandé ce qu’il fichait là. Est-il maintenant bien caché dans un coin perdu ? N’ai-je pas suffisamment cherché, épuisé par tant de déceptions, errant inattentif, trop triste à la vue de ce qu’était devenu ce musée ?

Vous cherchez l’histoire ? C’est pas ici !

Vous l’aurez compris, cette rénovation est, à mes yeux, une catastrophe absolue, c’est un anéantissement de l’histoire – que dis-je de deux histoires, celles de l’immense Congo et de la minuscule Belgique. Après cette visite, j’ai une certitude : que vous soyez un nostalgique du temps des colonies ou le pire contempteur du colonialisme, le musée vous met dans une parfaite égalité, l’un et l’autre, vous n’y comprendrez plus rien !

L’ancien musée racontait la légende merveilleuse de la période coloniale de façon parfaitement saint sulpicienne. Les gentils soldats blancs luttaient contre les méchants esclavagistes arabes. Les fusils de la FN, les mitrailleuses, libéraient les populations victimes de l’esclavage, les bons docteurs à casque colonial et à lorgnons vaccinaient, luttaient contre la malaria, la mouche Tsé Tsé, la lèpre, de dévoués infirmiers l’œil rivé sur le microscope débusquaient les microbes, d’autres devant une table de bois installés au bord des matitis vaccinaient des foules d’indigènes en pagne. Les bons pères blancs éduquaient, apprenaient à lire et à écrire, prenant leur temps, estimant qu’ils étaient sur cette terre d’Afrique pour les mille ans à venir. Pas se presser, les études primaires suffiraient pour les siècles à venir, pour les études secondaires, on verrait plus tard… on a le temps. Il faudra attendre le gouverneur libéral Buisseret en 1958 pour que s’installe une athénée de l’État. Mais on évangélise à fond les manettes, le premier prêtre congolais est ordonné en 1917… Thomas Kanza sera le premier universitaire en … 1957… quarante années perdues qui se payeront au prix fort en 1960 ! C’était tout cela l’esprit du vieux musée de Tervuren. Pas de doute. Dans les vitrines, des photos des « évolués » dignes d’un zoo humain. C’était la primauté de l’œuvre civilisatrice, cache-sexe de tout le reste… un reste qui ne passait pas, mais dont il était interdit de parler. J’avais compris dès ma première mission au Congo en juin 1973. Lors d’un dîner très arrosé, j’avais écouté un vieux type, un médecin. Il avait été pour la Force Publique, recruteur de porteurs militaires.  Son discours, ses souvenirs furent éclairants. Tout y était dit, sans fard, sans fioriture. C’était l’irruption du « joyeux » temps des colonies !

Détruire, gommer ou raconter, expliquer l’Histoire

Mais, une nouvelle fois, au lieu d’expliquer, de raconter, d’éclairer, de remettre les choses dans leur contexte – non, on a tout gommé, on a détruit, on a jeté tout le musée avec l’eau du bain colonial. Il ressemble maintenant à ces photos staliniennes d’où disparaissaient les personnages en disgrâce ou liquidés. C’est cela qu’est devenu ce lieu exceptionnel !  Je prends le pari que pas un visiteur belge ou étranger de moins de cinquante ans, ne connaissant pas ou mal l’histoire de Belgique, ne peut comprendre, après avoir erré entre ces vitrines vides de sens, pourquoi la Belgique, de 30.000 km2 à l’époque, située à des milliers de kilomètres, dirigea pendant 75 ans (en comprenant la période où Léopold II fut seul propriétaire) ce territoire gigantesque de 2 millions 345 mille km2.

En 1983, j’ai été invité par le gouvernement américain à visiter pendant six semaines les lieux et institutions que je souhaitais découvrir aux USA. Ce fut fabuleux. Je fis mon programme prévoyant la visite d’un nombre considérable de musées et de sociétés de télévisions étant à l’époque Commissaire du gouvernement à la RTBF, et Chef de cabinet du Ministre Président de l’Exécutif de la Communauté française. Ainsi, du Nord au Sud, de l’Est à l’Ouest, j’ai pu visiter les principaux musées. Tous mettaient en perspective, tous essayaient de dessiner une ligne du temps, d’expliquer une histoire, d’expliquer l’Histoire… pas toujours facile s’agissant de la guerre de Sécession dont les cicatrices saignent toujours. Mieux encore à Washington, le Smithsonian présentait à l’identique une exposition complète de la fin du XIXe. Rien n’était gommé, tout apparaissait, y compris l’étonnante façon dont était vantée la capacité des fusils et des mitrailleuses made in USA.

J’ai éprouvé la même déception, quoique moindre, lors de ma visite du musée de l’Homme de Paris, lui aussi rénové. De nombreuses vitrines, qui faisaient le charme de cette institution, ont disparu, pour laisser la place à des présentations par trop synthétiques où le politiquement correct a dicté sa loi d’airain.

Pourquoi n’oserai-je pas le dire ? Il y avait au musée de Tervuren comme au musée de l’Homme à Paris une forme de poésie, une ambiance, l’odeur, le subtil parfum d’un monde disparu, mais qu’il fallait expliquer et non annihiler façon Hiroshima – tabula rasa, hop à la trappe toutes ces vieilleries – le nouveau monde n’en a rien à faire. Mais on ne comprend plus rien ! Pas de problème… Croyez-vous qu’il soit nécessaire de comprendre les mondes disparus ? 

À Paris, le moulage du corps de la Venus hottentote avait déjà quitté sa vitrine depuis les années quatre-vingt, les pieds coupés d’une chinoise conservés dans le formol sont sans doute à la cave, à côté des têtes coupées de la bande à Bonnot qui elles, ne furent jamais exposées, les y a rejoint l’écorché qui lui avait tenu le coup, les bras en l’air derrière sa vitre, jusqu’à la rénovation.

Un hymne à la conquête coloniale

Bien sûr, le musée de Tervuren était un hymne à la conquête coloniale, tout y était beau, blanc ou noir, tous étaient gentils, les Africains souriants, magnifiques dents blanches, sous les regards compatissants, protecteurs, protégés d’un casque colonial. Images fort éloignées de la vérité. Qui peut en douter ? Mais cette vérité, aussi dure soit-elle, pénible à avouer après des dizaines d’années de mensonges, devait subsister, devait être expliquée, avec toute l’objectivité possible, l’intelligence qu’apporte la connaissance. Apparemment, tâche insurmontable pour les responsables du musée, rénovateurs iconoclastes ravageurs, Attila de l’Histoire, là où ils passent le musée ne « repousse » plus !  Il faudrait que l’Académie française se penche sur cette problématique afin que l’on trouve un nom à ceux qui font disparaître l’Histoire des musées.

Qu’on ne s’y trompe pas, je ne suis nullement un nostalgique de la colonisation. Il suffit pour s’en convaincre de lire les différents articles figurants sur mon blog, en particulier « Léopold II, un génocidaire belge ? » – le point d’interrogation est essentiel. Cet article m’ayant valu quelques solides insultes de certains qui, eux, étaient de vrais nostalgiques de la colonie de grand-papa. Tout cela n’enlève rien à ma stupéfaction à propos de la façon dont ce musée a été rénové.

Et mon ami le cœlacanthe ?

Le cœlacanthe qu’est-il devenu ? Je crois savoir. Au cours des travaux, un ouvrier maladroit a brisé son sinistre aquarium. Cœlacanthe, qui ne dormait que d’un œil, en profita, la large fenêtre, que son œil droit avait fixée depuis cent ans, étant restée ouverte, il se laissa glisser gluant, mollement, sur la grande pelouse en pente douce, plongea dans l’étang qui la borde, d’étang en étang, il se coula dans le Voer la petite rivière qui prend sa source dans la forêt de Soignes pour rejoindre le Rupel, quelques coups de nageoires, et l’Escaut où il retrouva enfin le goût du sel marin qui lui avait tant manqué, et enfin voilà l’immensité de l’Atlantique, il plongea dans les abysses d’où on l’avait ignoblement extrait.

Aujourd’hui, il raconte son séjour belge à ses congénères rigolards… La conquête coloniale, la Belgique, Tervuren… Ils se marrent les cœlacanthes, ils se tordent de rire… vous pensez, ils sont là depuis 350 millions d’années… alors la Belgique, le Congo, il aura bien le temps le cœlacanthe de Tervuren d’amuser ses copains avec cette dérisoire histoire belge !

Merry Hermanus

(Photo Belga : Éric Lalmand)

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