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Cyril Hanouna, C8 : une censure d’État

par Nicolas de Pape

Le Conseil d’État a confirmé mercredi l’éviction de C8 de la TNT, actant ainsi la disparition de Touche pas à mon poste du paysage audiovisuel. Une décision « incompréhensible » pour le Groupe Canal+. Une attaque très politique contre Cyril Hanouna, dont l’émission bouscule les codes et dérange les pouvoirs. Une censure d’État qui ne dit pas son nom. Malgré cette exclusion, l’animateur poil-à-gratter ne disparaîtra pas et prépare déjà son retour sur d’autres antennes. Analyse.

Le Conseil d’État français a confirmé ce 19 février l’éviction de C8 de la télévision numérique terrestre (TNT – le « câble »), une décision prise initialement par l’ARCOM (ex-CSA). La chaîne cessera d’émettre le 28 février, privant ainsi le Groupe Canal+ de l’une de ses principales antennes.

Officiellement, cette exclusion repose sur des critères d’appréciation des dossiers de renouvellement des fréquences TNT. Le Conseil d’État a estimé que l’ARCOM n’avait commis aucune illégalité en écartant C8 et NRJ12 au profit d’autres candidats, sur la base de l’examen des dossiers et de la comparaison de leurs mérites respectifs.

Une bataille judiciaire perdue d’avance

Dès juillet dernier, l’autorité audiovisuelle avait écarté C8 et NRJ12 de la présélection des chaînes candidates à la réattribution des fréquences TNT.

Après la décision du Conseil d’État, le Groupe Canal+ a immédiatement réagi en dénonçant une mesure « incompréhensible » d’éviction pure et simple de la chaîne la plus regardée dans sa catégorie. Six cents salariés se retrouvent sur la touche. Pourtant, cette exclusion ne signe pas la fin de Cyril Hanouna, qui prépare déjà sa migration vers d’autres médias, notamment Europe 1.

Mélange des genres

L’affaire C8 illustre, à la marge, un phénomène inquiétant : la mainmise du pouvoir exécutif sur les plus hautes instances judiciaires.

Les nominations “politiques” aux postes clés des juridictions suprêmes en sont la preuve. Richard Ferrand, ancien ministre proche d’Emmanuel Macron, remplace Laurent Fabius, ancien Premier ministre socialiste à la tête du Conseil constitutionnel. Il a été confirmé de justesse par l’Assemblée nationale, profitant de l’absence des principales figures du RN. Pierre Moscovici, ancien ministre socialiste, a été nommé à la Cour des comptes. Les anciens présidents de la République peuvent siéger au Conseil constitutionnel (même si beaucoup y renoncent comme François Hollande). Certains Premiers ministres ont déjà été membres du Conseil d’État avant d’accéder à Matignon (ex. : Édouard Philippe, Dominique de Villepin).

Sans constituer une violation formelle de la séparation des pouvoirs, ces choix créent un climat où les décisions judiciaires ne peuvent s’affranchir du poids des carrières politiques de leurs membres.

Hanouna, l’homme à abattre

Derrière la justification technique du Conseil d’État sur celle de l’ARCOM se cache une décision éminemment politique visant à évincer Cyril Hanouna et son émission phare, Touche pas à mon poste (TPMP).

L’acharnement contre Touche pas à mon poste ne doit rien au hasard. L’émission dérange. Hanouna se moque des codes du journalisme classique et pose les vraies questions que se posent les Français. TPMP aborde des sujets tabous, même dans une France où la liberté d’expression reste infiniment plus large qu’en Belgique francophone.

Hanouna est en conflit ouvert avec La France Insoumise, notamment Louis Boyard. On l’accuse d’inviter trop souvent des représentants de « l’extrême droite », ce que l’animateur dément, statistiques à l’appui. Un signe qui ne trompe pas : les médias de gauche n’ont pas caché leur satisfaction. Libération et L’Humanité ont salué en 2024, anticipativement, la disparition d’un « guignol ».

Selon Le Point, Hanouna a accusé Alexis Kohler, le proche conseiller d’Emmanuel Macron, d’avoir été à la maneuvre.

Récemment, Jules Torres du JDD a surpris une conversation dans un restaurant entre trois fonctionnaires de l’ARCOM. Ils avouaient avoir agi “sur commande” et avoir visé Cyril Hanouna en décidant l’éviction de C8 des chaînes TNT, se payant au passage « un média Bolloré ». Ils ont ajouté, selon Jules Torres, que mettre au chômage 400 personnes leur était indifférent. Le journaliste a fait ces révélations sur Europe 1 ce vendredi. Et elles risquent de faire du bruit. La séquence peut être visualisée sur youtube ici : Jules Torres témoigne des propos de membres de l’Arcom tenus dans un restaurant – YouTube.

Une censure d’État assumée

Contrairement à la censure insidieuse « à la belge », comme le différé de l’inauguration de Donald Trump, la France assume ici une censure d’État.

La décision du Conseil d’État laisse toutefois une porte entrouverte. Il demande à l’ARCOM « d’étudier un nouvel appel à candidatures pour quatre fréquences vacantes à partir de juin ». Théoriquement, C8 et NRJ12 pourraient postuler à nouveau.

Reste à voir si ce répit ne sera qu’un leurre…

Nicolas de Pape

(Photo : Jean-Marc Barrère / Hans Lucas via AFP)

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