Accueil » Bruxelles : où sont les hommes d’État ? (Chronique)

Bruxelles : où sont les hommes d’État ? (Chronique)

par Luckas Vander Taelen

L’imbroglio politique en cours à Bruxelles n’aurait pas existé sans la résistance féroce d’Ahmed Laaouej. En traitant la N-VA comme parti infréquentable, le président du PS bruxellois se comporte comme un politicien à la petite semaine. Une chronique de Luckas Vander Taelen.

Enfin ! Un chef de parti flamand qui dénonce le cafouillage bruxellois de ces derniers mois ! Bart De Wever, pour l’instant à la tête de la N-VA, mais surtout premier ministre de ce pays, s’est exprimé clairement dans l’émission politique de la VRT Villa Politica sur l’échec de la formation d’un gouvernement dans la région-capitale.

Vendredi soir, le formateur francophone David Leisterh a jeté l’éponge après huit mois. Les faits sont connus : des majorités ont été trouvées tant du côté francophone que du côté néerlandophone, de sorte qu’en principe, un gouvernement d’ensemble peut être formé immédiatement.

Une posture idéologique

Mais le PS, deuxième parti de la région, ne le souhaite pas. La N-VA fait partie de la coalition néerlandophone. Ahmed Laaouej, l’homme fort des socialistes bruxellois, s’est enfermé dans un discours quasi autiste : il ne veut pas gouverner avec  le parti du premier ministre parce que le N-VA serait raciste. À Bruxelles, il est très courant dans les milieux de gauche d’assimiler la N-VA au Vlaams Belang. Marie Lecocq, la toute jeune coprésidente d’Ecolo, a fait de même il y a quelques semaines, sans aucune nuance.

Le degré de leur conviction idéologique est inversement proportionnel à leur connaissance du monde flamand, qu’ils ne connaissent qu’en traduction.

La méconnaissance et le mépris des lois bruxelloises sont également frappants. En jugeant la composition de la majorité néerlandophone, Laaouej se frotte aux règles en vigueur dans la Région bruxelloise depuis des décennies. Il y associe également un manque total de respect pour un parti comme la N-VA parce qu’il n’a pas obtenu plus de 2 % aux élections régionales et qu’il n’a pas d’élus dans les communes.

Un incompréhensible manque de dialogue

Le message sous-jacent de Laaouej est clair : les petits devraient se taire et écouter les grands, les francophones. Un discours qui n’est pas très éloigné de celui des franskiljons enragés du FDF dans les années 1970. En Français s’il vous plaît, et pour les Flamands la même chose. Laaouej a même refusé de parler à Cieltje Van Achter, ministre bruxelloise du gouvernement flamand. Il a même tenté de faire en sorte que le parlement bruxellois forme un gouvernement sans tenir compte des majorités légales pour les néerlandophones. Cette tentative a heureusement été déclarée illégale.

Aujourd’hui, De Wever dit ce que les présidents des partis flamands auraient dû dire depuis longtemps : le PS joue avec le feu en « tirant sur les pierres angulaires du fédéralisme belge ». En d’autres termes, Laaouej est subversif, il sape les accords et les arrangements qui maintiennent l’unité de ce pays. De Wever répète une évidence : ce n’est pas aux francophones de dicter la composition de la coalition néerlandophone.

Mais même après la débâcle de Leisterh, Laaouej s’accroche et laisse un duo de Verts et d’Engagés déblayer les décombres. Lui-même refuse de prendre ses responsabilités et reste à l’écart, tel un homme d’État d’Aldi.

Splendide isolement

Les risques de ce jeu politique des socialistes sont énormes. Laaouej ne trouvera de la sympathie pour les remarques désobligeantes à l’égard des Bruxellois néerlandophones qu’auprès de ses propres partisans, qu’il tient fermement en respect, et auprès des activistes gauchistes qui vivent dans l’illusion que l’île de Bruxelles peut continuer à vivre dans un splendide isolement.

Laaouej sait très bien ce que De Wever a dit à haute voix : la récréation est terminée. Il n’y a plus de temps à perdre avec des « jeux politiques ». En effet, la situation financière de la Région bruxelloise s’aggrave de jour en jour ; la banque publique Belfius réduit sa ligne de crédit. Bientôt, aucune institution financière ne voudra prêter de l’argent à la région en difficulté sans que l’État belge ne se porte garant. Bruxelles n’aura donc d’autre choix que d’aller frapper à la porte du gouvernement dont le premier ministre appartient au parti que le PS dénigre depuis des mois.

Les images de la violence bruxelloise avec des dealers qui se tirent dessus ont fait le tour du monde. Les responsables politiques ne se rendent-ils pas compte de ce que cela signifie pour l’image de Bruxelles et les conséquences catastrophiques pour l’économie ? Voka a fait circuler une lettre de 40 grands entrepreneurs qui se plaignent de cette situation intenable. De nombreux observateurs commencent à se demander si les 1 000 mandataires de la capitale sont réellement capables de gouverner la métropole en crise.

Le Titanic bruxellois

Ils s’en moquent apparemment. Quand c’est vraiment important, ils renvoient eux-mêmes au niveau supérieur, fédéral. Après la fusillade, c’est le ministre de l’Intérieur qui a pris les commandes. Les coryphées locaux sont restés les bras croisés. Faut-il s’étonner que des gens de bon sens se demandent s’il ne faudrait pas envisager une autre façon de gouverner une ville qui veut devenir une région, mais qui ne semble pas avoir le talent politique pour le faire ?

Le ministre démissionnaire Sven Gatz (Open vld) a utilisé cette semaine l’image du Titanic fonçant droit sur un iceberg. La seule différence avec le capitaine du bateau légendaire est que les politiciens bruxellois ont été avertis et sont conscients de l’imminence de la catastrophe…

Luckas Vander Taelen, chroniqueur 21News (titre et intertitres sont de la rédaction)

(Photo Belga : Éric Lalmand)

You may also like

21News est un média belge francophone qui promeut la liberté, l’entrepreneuriat et la pluralité d’opinions.

Sélections de la rédaction

Derniers articles

Êtes-vous sûr de vouloir débloquer cet article ?
Déblocages restants : 0
Êtes-vous sûr de vouloir annuler l'abonnement ?