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Catherine Moureaux, victime du syndrome de Forest ?

par Contribution Externe

A quand enfin une mise sous tutelle de la commune de Molenbeek ? Un billet de Merry Hermanus.

Il n’est pas facile d’écrire sur quelqu’un que l’on a vu babiller dans son berceau.  D’autant que cette femme est souffrante, il serait donc odieux de l’accabler. Je ne verserai donc pas dans ce piège.

Soyons clair. La politique est une activité dangereuse. La politique est une activité où comédie et tragédie se côtoient, et il est impossible pour certains de ne pas y engager tout leur être. Il me semble que ce soit le cas de Catherine Moureaux.  Le secret, pour « réussir », autant que faire se peut, est de conserver une lucidité telle qu’elle vous permette d’être acteur et spectateur de vos propres agissements, cette distance et cette hauteur permettant de garder un esprit critique. Oui, cette posture existe. Mais apparemment elle ne la connaît pas. 

Philippe Moureaux, en Sibérie ou à Molenbeek

Je dois l’avouer, c’est moi qui ai pris Philippe Moureaux par la main et l’aie conduit à Molenbeek, alors qu’André Cools voulait qu’il s’investisse dans la province de Namur où il avait hérité une propriété de son père, au lieu dit « La Sibérie » … Cela ne s’invente pas.

On connaît la suite.  Bien des années plus tard, cherchant une ou un successeur, il en découragea beaucoup, usant comme souvent d’un mélange de proximité amicale alternant avec rejet aussi brutal qu’inexpliqué.  Il finit un jour par me faire une étrange confidence, sachant sans doute qu’échevin à Jette, jamais je n’avais été intéressé par Molenbeek : « seule ma fille Catherine pourra me suivre car elle a le mauvais caractère de sa mère et le mien. » Ce jour-là, je compris qu’il la condamnait au supplice chinois du goutte-à-goutte où chaque jour, chaque heure serait une gageure, car il lui faudrait faire comme papa ou sombrer !  Il ne lui laissait ainsi aucune alternative.

La caserne et le presbytère

Elle remporta les élections, fut sacrée bourgmestre et entama son règne croyant appliquer les mêmes méthodes que son auguste père, mélange de socialisme aux odeurs de casernes et de presbytères, fureurs, colères et ensuite caresses pour les faire oublier.  J’ai le souvenir de quelques mémorables emportements de Philippe Moureaux. Jupiter lui-même les aurait jugés excessifs.

Catherine Moureaux a sans doute cru, que le fait d’être « la fille de » suffirait, que les élus, comme les fonctionnaires s’écraseraient, se coucheraient sous le poids des cris, de la hauteur monarchique et du supposé prestige.  Pourtant, comme la science l’a démontré depuis longtemps, il n’y a pas d’hérédité des caractères acquis. Étonnant qu’elle ne l’ait pas compris.  Elle allait en faire la pénible expérience de la plus triste des façons.

Le poids démographique, les rapports de force et la facture

Catherine Moureaux se trompait lourdement. Les choses, les gens, les méthodes, les rapports de force avaient changé, l’époque n’était plus la même. Philippe Moureaux avait vécu progressivement l’évolution démographique de sa commune, il en avait tiré les conclusions, passant d’une opposition totale à l’immigration lors de sa campagne de 1982, à des contacts étroits avec les mosquées et les milieux communautaires et confessionnels, dispensateurs de voix et propagandistes électoraux de notre « bon bourgmestre, qui lui, nous comprend ». 

Quand Catherine Moureaux arrive, fini les génuflexions, est venu le temps de présenter la facture : il ne s’agit plus d’encenser le bourgmestre, mais de lui présenter la note… Et elle est salée.  L’électorat, qu’elle pensait encore captif, s’est transformé.  Elle n’a pas compris que c’est elle qui en était prisonnière et que sans « eux » elle n’était plus rien, plus personne.  Elle se croyait bourgmestre, elle se découvre impuissante, au service de ceux qu’elle pensait ses loyaux sujets. Le pire est que je crois qu’elle ne l’a pas compris, d’où les affrontements avec les échevins de sa majorité.  Pour eux, tout a changé : il ne s’agit donc plus de faire élire quelqu’un, mais d’occuper des fonctions rémunératrices, toutes les places, que le poids démographique, donc électoral grâce au vote multiple, permet.

Le mauvais choix et le naufrage

De plus, ils étaient devenus nombreux ceux, qui voulaient devenir vizir à la place du vizir. D’autant plus à l’aise pour s’opposer à la malheureuse Catherine, qu’elle avait eu la malencontreuse idée de s’associer avec Rachid Madrane pour tenter de conquérir la fédération bruxelloise du PS.  Madrane fut battu par Laaouej à six voix près !  Mais Laaouej, dès cet instant, était bien décidé à savonner la planche sur laquelle tanguait déjà la pauvre Catherine, de maîtresse des choses et du temps, elle était devenue un fragile soliveau… Et elle ne le savait pas !   Lorsqu’elle se heurta de front à son échevin Abdallah Achaoui, ils en vinrent aux mains.  L’affaire étant publique, il fallait trouver une solution. Le comité de vigilance trancha en faveur de C. Moureaux.  Laaouej, devenu président fédéral, n’hésita pas, il bloqua la décision, enlevant d’un coup toute crédibilité à cette instance qui, on s’en rappelle, avait viré Kir du PS.  Il s’en suivit, le refus par « sa » majorité de voter le budget, puis, entre autres joyeusetés, le double échec de la nomination de sa collaboratrice à la fonction de secrétaire communal et mille et un coups d’épingle, démontant qu’elle ne contrôlait plus rien, qu’elle n’avait plus aucune prise sur le réel… il ne lui restait plus que la gloire surannée au remugle de poussière de son patronyme. Après ces pénibles péripéties, Catherine Moureaux fut déjà contrainte de prendre un très long congé de maladie

Une liste et d’étranges personnages

Elle retrouva sa commune après les élections communales gagnées par une liste, étrange et vaseux marigot, où pataugeaient de curieux spécimens.  Ainsi, on découvrit que l’un d’entre eux avait été condamné pour des faits particulièrement graves, puis qu’un autre aurait fait sur les réseaux sociaux la promotion d’un groupe terroriste – il est toujours échevin des sports… dans l’attente d’autres révélations.

On apprend aujourd’hui que Catherine Moureaux est contrainte de prendre un nouveau long congé de maladie.  La presse évoque le précédent de Forest, où le bourgmestre continua à toucher son traitement plein, alors qu’il était absent depuis deux ans pour cause de maladie…  Cette question est importante sur le plan budgétaire, mais elle ne pèse pas au regard de ce qu’endure sans doute Catherine Moureaux.  Qui peut-être, comprend aujourd’hui que jamais n’aurait-elle dû se lancer sur un chemin pour lequel elle n’était pas taillée.  Ne dit-on pas que, lorsque la table de l’amour est desservie, il faut savoir la quitter ! Qu’elle se sauve et vite… retrouver la joie de vivre n’a pas de prix, qu’elle abandonne toutes ces passions tristes qui hantent la vie politique.

Catherine Moureaux est médecin, elle a cette qualité et cette chance d’avoir un « vrai » et magnifique métier, ce qui est exceptionnel parmi les élus bruxellois.  Elle devrait en tirer, pour son plus grand bonheur, toutes les conséquences.  Papa voulait qu’elle lui succède, il s’est lourdement trompé, elle le paye cher, bien trop cher.

Au-delà du cas humain

Il est cependant, au-delà du cas humain, une autre interrogation,  essentielle celle-là.  Chacun le sait, chacun le voit, chacun peut le mesurer tous les jours, la commune de Molenbeek vit dans un invraisemblable chaos.  De fait, le conseil communal ne parvient même pas à se réunir, la majorité refuse de siéger pour empêcher l’opposition, qui effectue encore son travail, de poser des questions.  Tous les échos qui nous parviennent de l’administration communale convergent dans le même sens : imbroglios en pagaille, ordres et contre-ordres, et j’en passe. Certains en profitant pour prendre un pouvoir qui ne leur appartient pas.  C’est la jungle des ambitions et des petits arrangements.

Une mise sous tutelle, vite

Tout cela se passe dans le silence assourdissant du gouvernement démissionnaire : on n’entend rien, on ne voit rien, on ne dit rien.  Il ne fait aucun doute que dans un État géré normalement, la commune serait déjà sous tutelle et un commissaire du gouvernement aurait déjà occupé le fauteuil de bourgmestre.  Mais non, le pourrissement se poursuit, un affreux remugle de décomposition empeste toute la région, mais on ne réagit pas.  Bernard Clerfayt, ministre ayant la tutelle des communes dans ses attributions, est aux abonnés absents.

Demain, Molenbeek partout ?

La raison en est simple.  Ce qui se produit aujourd’hui à Molenbeek se passera demain dans de nombreuses communes de la région où les mêmes ingrédients composeront tôt ou tard le même innommable brouet.   Comme je l’écrivais en octobre 2023 : « Le chaos molenbeekois est à l’image du chaos qui règne à bas bruit ailleurs et qui régnera partout ! Il est urgent de revoir fondamentalement les institutions régionales et communales à Bruxelles !  Tout craque, se délite et les bruxellois contribuables s’expatrient ».  Regardez votre commune aujourd’hui, regardez-la bien, car demain vous y verrez Molenbeek !

Urgent, écrivais-je en octobre 2023.  Apparemment, urgent n’est pas bruxellois.  A cette date, je ne savais pas que le nombre de faillites augmenterait de 35 %, qu’au cours de ce dernier weekend 60 établissements fermeraient définitivement leurs portes et que les entreprises qui le pouvaient fuiraient Bruxelles, comme les contribuables le font depuis longtemps !  L’inertie, l’absence de gouvernement, les scandaleux et grotesques blocages des négociations, le refus d’envisager des modifications structurelles et institutionnelles, constituent des crimes.

Au secours !  Bruxelles, ville-région d’un million deux cent mille habitants se meurt !  Mais qui nous entendra ?

Merry Hermanus

(Photo Belgaimage)

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