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ANALYSE : l’IA pourrait remettre le revenu universel au goût du jour

par Nicolas de Pape
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Le Revenu Universel de Base, largement dénigré ces dernières années et qualifié de « prime à la paresse », pourrait bien ressurgir à la lumière des suppressions massives d’emploi provoquées par l’intelligence artificielle (IA).

Le chômage de masse provoqué par le progrès technique est une peur vieille comme le monde. Les Canuts lyonnais détruisirent la machine à tisser Jacquard, pensant (à juste titre) qu’elle supprimerait leur emploi. Mais celle-ci en a créé davantage. Plus récemment, la révolution des TIC (technologies de l’information et de la communication) à la fin du 20e siècle et l’avènement de l’ordinateur personnel ont également fait craindre que des millions de personnes iraient bientôt pointer aux Maisons de l’emploi en Europe. Il n’en fut rien.

Pourtant, avec l’IA et son cortège de ChatGPT 4.0, Grok, Claude ou encore Perplexity, il se pourrait bien que ce soit « la bonne ». Des Cassandres tels que Laurent Alexandre ou Luc Ferry estiment que l’IA créera 10 emplois là où elle en détruira 100. Il y aura donc des perdants. Alors qu’on pensait que les emplois à haute valeur ajoutée seraient épargnés et seuls les « déplorables » affectés, il semble que la menace pèse sur à peu près tout le monde : de la secrétaire au CEO, du comptable au radiologue. Et ceux qui pensaient assister à la revanche des manuels (plombiers, couvreurs et autres chauffagistes) se trompaient : les mains artificielles arrivent de Chine, et la Corée du Sud nous promet des infirmières robotisées, empathiques en diable, qui distribuent déjà les médicaments.

Toutes ces révolutions ont été largement ignorées par les politiciens pendant les multiples campagnes électorales que nous avons vécues.

IA forte

Autant l’IA forte renverra l’auguste cerveau d’Homo Sapiens aux oubliettes de l’histoire, autant le robot humanoïde, puissant comme un rugbyman mais avec un QI de 150, pourra accomplir d’ici à 20 ans à peu près toutes les tâches humaines.

Si cette terrible prophétie se réalise, le Revenu Universel de Base (RUB) pourrait bien être le seul remède pour les armées de chômeurs. Mais à hauteur d’environ 1 000 euros par mois, il sera bien insuffisant pour subsister.

Dans Le capitalisme contre les inégalités (PUF), Yann Coatanlem et Antonio de Lecea, économistes, voient dans le RUB une solution quasi-universelle et « un vecteur de liberté individuelle et d’épanouissement ». Même Friedrich Hayek, ultra-libéral notoire, rejoint le libéral étatiste John Rawls pour estimer qu’« une assurance sociale minimale peut être un facteur d’efficacité sociale et économique » dès lors qu’une société atteint un certain degré de développement. Le RUB et ses variantes sont d’ailleurs une vieille idée, déjà évoquée au 19e siècle par Condorcet et Stuart Mill. Il a été expérimenté dans la seconde moitié du 20e siècle en Finlande, au Canada et aux États-Unis « sans qu’un recul significatif de l’emploi y ait été constaté ».

Le RUB a l’avantage de ne stigmatiser personne, d’éviter l’intrusion de l’État dans la vie des bénéficiaires et de s’assurer que tout le monde en bénéficie, puisque chacun recevrait la même somme. Pour les auteurs, il remplacerait une partie des aides sociales existantes, n’impliquerait pas de hausses d’impôts supplémentaires, et remettrait à plat l’ensemble des politiques sociales et fiscales afin d’être neutre pour les finances publiques. Il éviterait aussi les pièges à l’emploi que constituent actuellement certaines allocations de chômage ou d’incapacité. Les personnes aisées verraient son bénéfice annihilé par les tranches supérieures d’impôt. « On pourrait [aussi] égaliser les tranches de TVA en [les] compensant par une hausse du RUB. »

Palliatif à la robotisation ?

Le RUB pourrait être un palliatif si la robotisation n’entraîne pas suffisamment de créations d’emplois pour compenser ceux détruits. En tant que revenu de substitution, il pourrait également agir comme une « prime de risque » pour les salariés qui souhaiteraient se lancer en tant qu’indépendants, encourageant ainsi l’entrepreneuriat. Dans les pays et régions disposant de Fonds souverains (Norvège, Alaska), ceux-ci pourraient servir de réserve pour financer le RUB. Certaines sociétés anonymes distribuent déjà des dividendes sous cette forme pour compenser « l’appropriation capitaliste » des actionnaires, comme le recommande l’économiste libéral Robert Nozick.

Une alternative au RUB est le capital universel, c’est-à-dire le versement, à 18 ans, en une seule fois, de la somme des RUB accumulées sur toute une vie. Le Royaume-Uni a d’ailleurs versé, entre 2003 et 2011, un capital de base assez modeste à 18 ans : l’équivalent de 250 livres à la naissance et 250 livres à 7 ans.

Ce capital universel aurait l’avantage de pouvoir servir de tremplin pour la création d’une petite entreprise, mais il risquerait d’être utilisé de manière compulsive. S’il était mis en place, il devrait évidemment être modulé en fonction de l’âge (et réduit pour les personnes âgées au moment de son lancement). Pour ceux qui craignent une immigration opportuniste, les défenseurs du RUB prônent une approche modulée en fonction de la date d’arrivée de l’immigré et de sa contribution réelle au bien commun. D’autres problèmes peuvent aussi surgir : les personnes ayant une espérance de vie plus courte (à cause de maladies chroniques, congénitales, etc.) devraient-elles recevoir davantage chaque mois ? Qu’en est-il des retraités déjà en place au moment de la mise en œuvre ?

Pour MM. Coatanlem et de Lecea, l’extrême complexité du RUB ne devrait pas nous décourager de le mettre en place. Durant la pandémie de COVID-19, certaines aides mensuelles ont été versées aux indépendants ayant dû fermer boutique. Des primes énergie, pour compenser la hausse des prix liée à la guerre en Ukraine, ont également été distribuées. Aux États-Unis, une aide spéciale de 600 $ par semaine a été versée aux chômeurs en raison de la pandémie. Un RUB aurait évité ces aides ponctuelles, parfois réparties de manière inéquitable.

Nicolas De Pape

(Photo : Belga)

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