Les sondages, toujours plus fréquents dans les médias, sur les intentions de vote des Belges ne sont pas fiables. Si les résultats des élections diffèrent des sondages, ce n’est pas parce que les citoyens ont changé d’avis devant les urnes. « Le Vlaams Belang n’a jamais eu presque 30 % » dit le professeur Bart Maddens (KU Leuven). Pour lui, les sondages se plantent.
Les intentions de vote font vendre des journaux et elles animent les studios télé, mais le dernier scrutin s’avère un pronostic plus fiable pour prédire le suivant. C’est, du moins, la conclusion du professeur Bart Maddens : « Il y avait des sondages jusqu’à deux jours avant le scrutin. Comment la campagne aurait-elle pu bousculer si vite les intentions des électeurs ? »
Lors d’une soirée, mercredi dernier, le professeur et politologue Bart Maddens (KU Leuven) a analysé les résultats des élections de 2024. Sur base d’impressionnants graphiques appuyant ses propos, il a aussi abordé la question des sondages multiples depuis les élections de 2019 et celles de 2024.
Sa conclusion est que le dernier scrutin donne un meilleur pronostic du résultat que les sondages dans les médias. « Le problème, ce sont les sondages, continue-t-il. Pour expliquer des différences, certains experts disent que les estimations étaient correctes, mais que l’électeur aurait changé d’idée. » Maddens a ainsi cité le professeur Stefaan Walgrave (Université d’Anvers) qui, dans ses publications, a exprimé l’idée que la campagne électorale avait été décisive dans les résultats finaux. Maddens formule, lui, de sérieux doutes en affirmant qu’il est beaucoup plus plausible que les sondages se soient trompés.
La pondération des données
Pour comprendre, il faut savoir d’où viennent les données des sondages et comment les pronostics sont formulés. Il ne suffit pas juste d’appeler mille ou cinq mille citoyens. « Quelqu’un qui vote Vlaams Belang ne le dira pas au téléphone à un inconnu », explique le professeur.
Les données brutes sont ensuite pondérées pour donner un résultat proportionnel. « La pondération et la manipulation des données brutes pose un problème énorme. C’est du fake ! », ajoute le professeur sans mâcher ses mots.
Selon Bart Maddens, les agences de sondages manipulent les données brutes pour arriver à une sélection proportionnelle. Ils se basent sur des questionnaires contenant des questions sur le vote lors des dernières élections, la popularité des politiciens, les convictions sur certains thèmes politiques, etc. En plus, ils se basent sur des schémas du profil des adhérents des partis politiques. Tout cela aurait tendance à creuser l’écart – par exemple, l’écart de plus de 6% entre le Vlaams Belang et la N-VA en Flandre. Un écart fictif, selon Maddens.
En prenant les résultats des élections européennes, fédérales, régionales et provinciales dans le passé, le professeur Maddens arrive à mieux pronostiquer le vrai résultat électoral. Les scores « surprenants » le sont beaucoup moins dans les graphiques que Maddens montrait à son audience. Le résultat du MR en juin, par exemple, correspond exactement au graphique prévisionnel. Rien de bouleversant.
Les résultats des élections provinciales du 13 octobre s’inscrivent aussi exactement dans la tendance des années passées. Les scores des Engagés ou du CD&V ne surprennent pas le professeur : « Lors des provinciales ils font toujours en moyenne 3 % mieux. Un score de 6% de progrès est donc en réalité un score amélioré de 3%. »
Les remarques du politologue jettent une lumière crue sur les pratiques des sondages politiques. Comme, depuis longtemps, ces sondages fort médiatisés s’avèrent être peu fiables, la question s’impose : pourquoi les médias y investissent-ils tant d’argent ?
Lode Goukens
(Photo Belga : Bart Maddens)