Pour le PS, la stratégie des prochaines années semble se dessiner. La reconquête du pouvoir passera aussi par les grandes villes, que les socialistes ont réussi à conserver lors d’un scrutin communal difficile. Mais les castings qui se mettent en place dans les métropoles wallonnes nous disent autre chose. Les trois principaux candidats à la présidence du parti, au cas où Paul Magnette déciderait de ne plus poursuivre l’aventure, ont installé leur QG dans les hôtels de ville où ils siégeront comme bourgmestre : Nicolas Martin à Mons, Thomas Dermine à Charleroi et Christie Morreale, dans un futur plus ou moins proche, à Liège. Analyse.
Un fauteuil pour trois. Paul Magnette est toujours bien accroché à la présidence du PS, qu’il a conservé malgré deux scrutins très difficiles pour son parti. Mais son mandat s’achèvera en 2027 et rien ne dit, par ailleurs, que le président carolo ne décidera pas de passer la main avant la fin statutaire de sa présidence.
Aujourd’hui, c’est une évidence, le PS s’est remis en ordre de marche, après avoir été sonné pendant plusieurs mois suite à la défaite historique du mois de juin. Les stratégies d’opposition semblent claires et le jeu des alliances communales a montré à quel point les socialistes restaient forts dans la négociation. Et puis, il y a cette ouverture au PTB dans plusieurs majorités dont Mons et Forest en attendant Molenbeek et peut-être Schaerbeek. Ce qui semblait au départ une expérience de laboratoire tentée dans la très singulière commune de Molenbeek s’est transformé en un nouvel axe politique. En s’associant aux communistes, le PS brise son isolement : la chute d’Ecolo et le presque cartel MR-Engagés laissaient peu d’espace aux socialistes, qui ont donc opté pour le grand saut avec le PTB. L‘avenir nous dira lequel des deux partis laissera des plumes dans cette nouvelle alliance. Car c’est une évidence : ce mariage politique cache un combat pour la survie : Magnette et Hedebouw essayeront de se manger l’un l’autre dans un combat qui ressemblera à celui des gladiateurs romains : mors tua, vita mia, ta mort est ma vie…
Christie Morreale pour briser le plafond de verre des Liégeois
À Liège, Willy Demeyer n’a pas le PTB dans les pattes et même si sa majorité comprend le MR et les Engagés, il fait la pluie et le beau temps dans son collège et dans sa coalition. Le mayeur liégeois a annoncé ce dimanche chez Martin Buxant (RTL Tvi) qu’il céderait sa place à Christie Morreale en cours de législature. On ne sait pas encore exactement quand la passation de pouvoirs aura lieu et connaissant la nature de Willy Demeyer, qui a fait de la lenteur une arme politique, il ne faut pas s’attendre à une décision rapide.
Ce n’est pas la première fois que Willy Demeyer annonce son départ. Il avait déjà promis de se retirer au profit d’un colistier avant le scrutin de 2018, mais au bout du compte, il était resté solidement assis sur son fauteuil. Cette fois, les choses sont différentes et on peut affirmer que Christie Morreale deviendra bien la prochaine et la première femme bourgmestre de la Cité ardente. Car il n’y a pas que la ville de Liège qui entre en ligne de compte dans cette annonce. Le PS liégeois, historiquement puissant et divisé, n’a plus obtenu les premiers rôles depuis trop longtemps : pas de présidence du PS ni de ministre-président depuis des décennies. Et Christie Morreale pourrait être la candidate qui brise enfin le plafond de verre qui limite les ambitions des Liégeois au sein du PS. L’ex-ministre de la Santé briguait clairement la présidence du gouvernement wallon, mais c’était sans compter sur la défaite du mois de juin, qui a renvoyé les socialistes dans l’opposition.
Donc, Christie Morreale deviendra bourgmestre de Liège et quelque chose nous fait croire que cette fois, Willy Demeyer n’adoptera pas son train de sénateur habituel pour passer la main. Pourquoi ? À défaut d’avoir les clés du gouvernement wallon, confiées au MR jusqu’en 2028, le PS liégeois ambitionne de prendre la présidence du parti. Et les deux candidats les plus sérieux à la succession de Paul Magnette sont déjà bien installés dans leur fauteuil de bourgmestre : Nicolas Martin à Mons, qui a marqué les esprits en étant le premier à faire entrer le PTB dans un collège communal en Wallonie et Thomas Dermine, le dauphin favori de Paul Magnette, qui est déjà dans les starting-blocks à la tête de Charleroi.
La protégée de Di Rupo adoubée par Liège : un miracle
Christie Morreale ne part pas battue dans cette course : son bilan comme ministre de la Santé est généralement considéré comme bon et les militants PS pourraient être tentés par l’idée d’élire une femme à leur tête. Enfin, par une sorte de miracle mystérieux dont le PS liégeois a le secret, Christie Morreale est parvenue à se faire accepter par le courant dominant chez les socialistes principautaires, ce qui n’était pas gagné d’avance.
En effet, historiquement, Christie Morreale était un peu perçue comme une pièce rapportée au sein du PS liégeois. Une élue venant d’une petite commune plutôt aisée – Esneux – et surtout une élue qui avait été choisie et mise en avant par Elio Di Rupo. Ce qui, vu de Liège, provoque au mieux du scepticisme, au pire de l’hostilité. Christie Morreale a eu l’intelligence de ne pas se faire aspirer par un clan, ni de se lancer dans la bagarre générale déclenchée par l’affaire Nethys/Publifin. Un dossier qui a beaucoup nui à celle qui était considérée comme la dauphine naturelle de Willy Demeyer, l’échevine Julie Fernandez. Son arrivée à la présidence d’Enodia (Publifin) et sa gestion des crises successives lui ont valu de très solides inimitiés au sein des premiers cercles du pouvoir liégeois. Elle le paye aujourd’hui.
Bref, Christie Morreale est désormais sur une voie royale pour succéder à Willy Demeyer. Quant à savoir si elle parviendra à concrétiser le rêve des Liégeois de reprendre la présidence du parti, la concurrence sera plus rude. Mais une chose semble aujourd’hui certaine : personne ne fera de cadeau à la fédération liégeoise du PS.
V. S.
(Photo Belgaimage : Christie Morreale, Willy Demeyer, Paul Magnette, le 1er juin 2024 à Liège)