À l’heure où l’urgence politique semble dicter l’agenda, Clément Tonon, conseiller de l’ancien Premier ministre français Édouard Philippe (et pilote de son projet présidentiel pour 2027), plaide dans « Gouverner l’Avenir » (Éd. Tallandier) pour un retour au temps long et à une planification stratégique. Face aux bouleversements climatiques, technologiques et géopolitiques, il appelle à réinventer les institutions démocratiques, réorganiser l’État autour d’une vision stable et intégrer des outils comme l’intelligence artificielle pour mieux anticiper l’avenir. Un projet ambitieux pour sortir du « grand déboussolement » et redonner à la politique sa capacité d’anticipation. Première partie.
21News : Cette tendance à une politique du temps court et sa dénonciation ne sont pas neuves. Pour quelles raisons ne parvenons-nous pas justement, en politique, à voir plus loin ?
Clément Tonon : Ce constat n’est pas neuf mais il prend une actualité particulière dans la période que nous vivons. Nous entrons dans une époque de ruptures profondes qui bouleversent tous nos repères politiques : les renversements d’alliance géopolitiques, la crise climatique, le grand vieillissement mondial, la rupture anthropologique de l’intelligence artificielle… Or, nos sociétés sont fondées sur des compromis politiques et sociaux forgés dans les années 1950, à une époque où aucun de ces phénomènes n’étaient à l’œuvre. D’où notre désarroi, que j’appelle « le grand déboussolement ». Il nous faut inventer un projet de société nouveau, avec des idées nouvelles, et cela prend du temps. Mon livre est une contribution à cet effort.
21News : Dans un monde où les cycles économiques et politiques s’accélèrent, comment convaincre les citoyens et les dirigeants d’accepter une approche du temps long, alors que l’électorat semble exiger des résultats immédiats ?
C.T. : C’est une grande question démocratique, qui n’est pas nouvelle en réalité. Depuis la Révolution française, il y existe une critique de la démocratie comme système politique tenté en permanence par la dictature de l’urgence. Pour conjurer ce risque, la Ve République, en France, a été pensée comme le régime de la stabilité et du temps long, en opposition avec les expériences républicaines précédentes paralysées par les crises ministérielles.
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