Vous connaissez l’expression « Les Flamands roulent en Tesla, les Wallons en Dacia » ? Elle semble confirmer, par-delà les statistiques, les clichés qui pèsent sur les habitants de notre minuscule pays. Mais ces clichés sont entretenus par la politique fiscale pratiquée dans chaque région du pays. Une contribution externe de Gaëtan Zeyen, avocat et docteur en droit fiscal.
Les clichés ont la vie dure ; sans doute parce qu’ils reflètent souvent une part de réalité.
Parmi les clichés les plus répandus dans notre petit royaume à la gestion dispendieuse, il en est un qui fait particulièrement florès : le Flamand serait travailleur, discipliné, plutôt « fourmi », et donc forcément plus riche que le Wallon. Ce dernier étant quant à lui présenté comme oisif, voire paresseux et même indiscipliné. En somme, plutôt une « cigale », nettement moins riche que son voisin du Nord.
On se gardera bien d’accorder à ces généralisations caricaturales une trop grande importance ; toutefois, il existe bel et bien une ligne de démarcation socio-économique de part et d’autre de la frontière linguistique. Les Flamands ont globalement un pouvoir d’achat supérieur aux Wallons et donc un niveau de vie généralement plus confortable.
Cette disparité Nord-Sud se reflète de façon assez éclatante au niveau du choix du véhicule automobile.
Les fourmis en Tesla et les cigales en Dacia
Les chiffres de la FEBIAC (Fédération Belge et Luxembourgeoise de l’Automobile et du Cycle) portant sur les ventes de véhicules durant les neuf premiers mois de 2024 révèlent une différence nette des choix posés par les Flamands et les Wallons : en Flandre, le modèle BMW X1 s’impose en tête des ventes avec 11.023 unités suivi par la Tesla Model Y, tandis qu’en Wallonie, le modèle Dacia Sandero domine le marché, suivi par le Dacia Duster et la Toyota Yaris.
Nous n’entendons pas ici juger de la qualité intrinsèque des véhicules, mais de la gamme de prix dans laquelle ils se situent. La fiscalité régionale sur les véhicules automobiles peut-elle expliquer, fût-ce partiellement, ces différences ? La réponse est oui.
Petit rappel des règles existantes en la matière : les Régions sont compétentes pour la taxe de mise en circulation (TMC), d’une part, et la taxe de circulation (TC), d’autre part. Nos trois Régions prélèvent une TMC, une taxe unique que tous les propriétaires d’un véhicule neuf ou d’occasion doivent payer dès le moment où ils immatriculent leur véhicule en Belgique.
En Wallonie et à Bruxelles, la TMC est calculée sur base des chevaux fiscaux (CV), selon une échelle dégressive en fonction de l’âge du véhicule. Le montant de la TMC peut ainsi varier, selon le carburant et la puissance, de 0€ à près de 5.000€ pour des véhicules d’une puissance supérieure à 18CV.
La Wallonie fait par ailleurs intervenir un “éco-malus” dans le calcul de la TMC lorsque le véhicule, qu’il soit neuf ou d’occasion, rejette 146gr ou plus de CO₂ par kilomètre.
En Flandre, le calcul de la TMC prend en considération les caractéristiques environnementales du véhicule (rejet en CO₂ et en particules fines, type de carburant, norme Euro et présence d’un filtre à particules), ainsi que l’âge du véhicule en fonction de sa date de première inscription. Contrairement à la Wallonie et à Bruxelles, le calcul de la TMC ne repose pas sur des tarifs fixes… et s’avère franchement illisible.
En Région flamande, une exonération de la TMC peut ainsi être obtenue sur demande par exemple pour les véhicules électriques hybrides rechargeables, les véhicules électriques ou encore les véhicules fonctionnant à l’hydrogène (GNC) ou au gaz naturel (GNL).
Jusqu’à 2.500 euros par an en Wallonie !
La taxe de circulation (TC) établie dans les trois Régions est une taxe annuelle. Son montant est calculé différemment pour les voitures, les voitures mixtes, les minibus, les différents types de deux roues ainsi que les ancêtres.
À Bruxelles, depuis le 1er juillet 2024, le montant minimum de la TC pour les voitures de particuliers s’élève à 100,98€ contre 57,4€ en Flandre ; en Wallonie, à partir du 1er juillet 2025, cette TC oscillera selon le type de véhicule entre 50… et 2.500€ par an !
Ce petit tour d’horizon de la fiscalité des véhicules en Belgique nous montre à quel point la fiscalité influe sur notre patrimoine, notre pouvoir d’achat et conditionne nos choix et nos pratiques.
In fine, cette fiscalité renforce les stéréotypes et auto-entretient (sans jeu de mots) deux cultures radicalement différentes au Nord et au Sud du pays.
In fiscalitatibus veritas…
Gaëtan ZEYEN, Avocat et docteur en droit fiscal
(Photo Belgaimage)