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De Wever, gouvernement à majorité asymétrique : un reflet de l’évolution vers le confédéralisme

par Contribution Externe

Le nouveau gouvernement fédéral de Bart De Wever, soutenu par la N-VA, le CD&V, Vooruit, le MR et Les Engagés, est le dixième gouvernement fédéral à majorité asymétrique de l’histoire de notre pays. Cette lente évolution reflète la décrépitude du fédéralisme belge. Une analyse de Pascal Lefèvre, chroniqueur politique indépendant.

Un gouvernement fédéral à majorité « asymétrique » est un gouvernement où certaines familles politiques présentes au nord, au centre et au sud du pays, ne sont représentées que par leur composante flamande ou francophone. En l’occurence, les libéraux francophones (MR) et les socialistes néerlandophones (Vooruit) font partie de la coalition gouvernementale, alors que les libéraux néerlandophones (Open vld) et les socialistes francophones (PS) sont dans l’opposition.

Jusqu’en 2007, une telle option était inimaginable, les partis d’une même famille politique montant toujours conjointement dans un gouvernement. Ce sont les socialistes flamands (sp.a/aujourd’hui Vooruit) qui ont ouvert la brèche en n’intégrant pas le gouvernement de transition de trois mois Verhofstadt III, fin 2007-début 2008, alors que les socialistes francophones du PS en faisaient partie.

L’asymétrie, une expérience de plus en plus courante

La question ne se posait naturellement pas lorsque les partis traditionnels étaient encore unitaires. Toutefois, depuis la scission de ces partis – le PSC/CVP (sociaux-chrétiens), PSB/BSP (socialistes) et PLP/PVV (libéraux) – en deux partis distincts, à la fin des années 1960 et 1970, aucune « asymétrie » n’avait été remarquée. Cette approche a également été et demeure encore aujourd’hui celle adoptée par les écologistes francophones (ECOLO) et néerlandophones (AGALEV, devenu Groen).

L’expérience de l’« asymétrie » s’est, ensuite, renouvelée à huit reprises : les socialistes flamands ne participant pas, contrairement au PS, aux gouvernements Leterme I, Van Rompuy et Leterme II, et les humanistes (ex-PSC) ne rejoignant pas les démocrates-chrétiens du CD&V dans les gouvernements Michel I, Michel II, Wilmès I, Wilmès II et De Croo.

L’unique exception fut le gouvernement Di Rupo (2011 – 2014), réunissant socialistes, libéraux et démocrates-chrétiens/humanistes des deux principales communautés linguistiques du pays.

La Belgique, une exception au sein des États fédéraux

On pourrait considérer que dans un État fédéral pleinement assumé, il est normal qu’il n’y ait pas nécessairement de majorités « symétriques » lors de la formation de gouvernements fédéraux. Un parti présent dans une partie du pays pourrait ainsi monter au gouvernement sans son parti « frère » de l’autre communauté linguistique.

En théorie, cette hypothèse est valable. Toutefois, la Belgique fédérale constitue une exception en la matière. En effet, cette asymétrie n’existe dans aucun autre État fédéral européen. En Allemagne, il est impensable que la CDU (parti démocrate-chrétien) nationale participe à un gouvernement fédéral sans la CSU (parti social-chrétien) bavaroise. De même, en Suisse, où plusieurs communautés linguistiques coexistent comme en Belgique, le gouvernement fédéral à Berne inclut toujours toutes les composantes alémaniques, romandes et italophones d’un même parti. Il en va de même en Espagne, pays semi-fédéral, où, comme en Belgique, les poussées autonomistes ou séparatistes sont fortes dans certaines régions (Catalogne, Pays basque,…). Il serait inconcevable que le gouvernement national ne soit pas appuyé, par exemple, simultanément par le PSOE national (socialistes espagnols) et le PSC catalan (socialistes catalans).

De plus, l’actuelle non-participation simultanée des socialistes francophones et des libéraux néerlandophones au nouvel exécutif fédéral constitue une « première » historique et accentue la tendance. Cette situation entraîne une « double asymétrie », où deux familles politiques présentes côté francophone et néerlandophone se retrouvent divisées entre majorité et opposition. Elle est d’autant plus paradoxale sur le plan idéologique.

L’asymétrie en Belgique n’est donc pas un simple et ponctuel « accident de parcours », mais un mode de gouvernance devenu courant.

Elle ne fait, selon nous, que refléter la lente mais constante décrépitude de l’État fédéral et son évolution vers un État (au mieux) confédéral. De plus en plus, les intérêts, calculs ou réalités des deux grandes communautés nationales priment sur les affinités idéologiques, les solidarités « transcommunautaires » et une vision commune de l’avenir du pays. Ce phénomène est aggravé par la présence de partis ouvertement séparatistes et/ou extrémistes forts dans le nord du pays (N-VA et Vlaams Belang). Il renforce le discours de ces deux formations affirmant que les deux communautés ne partagent plus d’objectifs communs. C’est une tendance préoccupante pour celles et ceux qui croient encore en l’unité de la Belgique et en sa devise « l’union fait la force ».

Pascal Lefèvre, chroniqueur politique indépendant

(Photo Belgaimage : Dirk Waem)

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