Depuis le rachat de Twitter par Elon Musk, des utilisateurs critiquent la transformation de la plateforme en un espace jugé toxique, certains l’accusant même d’être devenu un terrain privilégié pour les droites, y compris les plus radicales. Selon cette vision, l’environnement y serait devenu invivable depuis que Musk impose sa vision du débat public.
Pourtant, il est nécessaire de rappeler que l’ancienne version de Twitter, sous la direction de Jack Dorsey, n’était pas exempte de controverses. Des enquêtes menées par les journalistes Michael Schellenberger et Matt Taibbi ont révélé devant le Congrès américain l’existence d’une véritable « industrie de la censure » au sein de la plateforme, impliquant des acteurs comme le FBI. Cette situation a conduit à des atteintes à la liberté d’expression – pourtant un droit constitutionnel aux États-Unis.
Le bannissement de Donald Trump
L’exemple le plus marquant reste le bannissement du président en exercice Donald Trump et le blocage du compte du New York Post lors de la publication des révélations sur le laptop de Hunter Biden, oublié chez un réparateur d’ordinateur. Les données de cet ordinateur dévoilaient des affaires douteuses et des comportements compromettants. Longtemps qualifiées de « désinformation russe », ces informations se sont révélées exactes. Si elles avaient été largement diffusées, elles auraient pu influencer l’élection présidentielle de 2020 et potentiellement faire basculer le scrutin en défaveur de Joe Biden. Jack Dorsey, CEO de Twitter à l’époque, a d’ailleurs reconnu que certaines décisions de modération allaient trop loin.
Si certains comptes antivaccins ont été bannis à juste titre, des élus républicains parfaitement respectables ont également été visés. Yoel Roth, alors responsable de la sécurité chez Twitter, avait même comparé certains conseillers de Trump à des « nazis », des propos qu’il a regrettés lors des auditions sur les « Twitter Files » à la Chambre des Représentants, récupérée par les Républicains en 2022.
Elon Musk plus tolérant ?
À l’inverse, X sous Elon Musk a permis à des opinions variées de s’exprimer pendant la campagne présidentielle de 2024. Les critiques portant sur un biais algorithmique en faveur de la droite rappellent celles formulées en 2020 à l’encontre de Google et Facebook, soupçonnés d’un biais en faveur de la gauche. Par ailleurs, le réseau social « Parler » avait été brusquement déconnecté par Amazon pour des accusations de conspirationnisme.
Comme l’a relevé Eugénie Bastié du Figaro en octobre 2022 sur Twitter : « Certains progressistes redoutent un marché libre des idées, car ils craignent que leurs opinions ne soient minoritaires. » Depuis que le débat contradictoire est plus ouvert sur X, certains préfèrent se tourner vers des plateformes comme Mastodon ou BlueSky pour retrouver un environnement plus homogène qui frise l’entre-soi, maladie contemporaine du journalisme.
Ainsi, des initiatives telles que « HelloquitteX » facilitent la migration des utilisateurs souhaitant quitter X, notamment le 20 janvier, jour de l’intronisation de Donald Trump. Toutefois, cette séparation des espaces numériques risque de fragmenter davantage le débat public entre « progressistes » et « conservateurs » au détriment du débat. Comme l’écrivait Raymond Aron, il y aura toujours une droite qui s’opposera à la gauche et inversement.
Malgré certains défauts, X reste une plate-forme formidable d’échange de l’information, un lieu où l’on apprend en temps réel des événements qui se passent dans le monde entier, et même un outil qui permet de rentrer en contact avec des personnes facilement. Il est donc très étonnant que des médias ou des journalistes souhaitent quitter X, car c’est un des lieux ou l’information vit et est distribuée.
21News restera évidemment sur X. Nous croyons que le débat contradictoire, essentiel au pluralisme démocratique, ne peut pas prospérer si chacun s’enferme dans une bulle idéologique. Espérons que les démocrates de gauche comme de droite continueront à débattre librement sur cette plateforme.
Nicolas de Pape
(Photo : Belgaimage)
