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ÉDITO – L’Occident ne doit pas rester naïf face au nouveau pouvoir en Syrie

par Nicolas de Pape

Le refus du nouveau président syrien, Ahmad al-Chareh, de serrer la main de la ministre allemande des Affaires étrangères Annalena Baerbock, a donné lieu à un moment de gêne diplomatique interprété avec pragmatisme par Berlin. Mais cet incident illustre une réalité plus profonde : la divergence culturelle et politique fondamentale entre l’Occident et le monde arabe. Ceux qui espèrent voir en Ahmad al-Chareh, ancien leader djihadiste, le précurseur d’une Syrie démocratique et laïque risquent de déchanter.

Le parcours d’Ahmad al-Chareh, également connu sous son nom de guerre Abou Mohammed al-Joulani, témoigne de ses engagements passés dans des mouvements islamistes radicaux. La chute de Bachar al-Assad, obtenue grâce au soutien militaire et stratégique de la Turquie, ne doit pas masquer les incertitudes qui entourent le futur de ce pays. Si des promesses ont été faites en faveur des minorités ethniques et religieuses (les Chrétiens et même les Alaouites, ethnie des Assad), les Kurdes, souvent en première ligne des combats contre le terrorisme, pourraient être laissés pour compte dans cette nouvelle ère.

Quant à la place des femmes dans la nouvelle Syrie, Le Figaro révèle que le nouveau ministre syrien de la Justice Shadi al-Waisi a été identifié dans une vidéo particulièrement atroce d’exécution de femmes à Idlib en 2015 pour de supposés adultères et prostitutions.

Restons prudents face à ce nouveau régime syrien

L’Occident ne peut ignorer les signaux ambivalents envoyés par ce nouveau régime. D’un côté, des opportunités pourraient émerger : une ouverture diplomatique avec Israël, la réduction de l’influence iranienne dans la région, et une stabilité interne permettant le retour de réfugiés. Mais ces perspectives ne doivent pas faire oublier les leçons du passé.

L’histoire regorge de moments d’illusion suivis de désenchantement. La chute du Shah d’Iran en 1979, célébrée par beaucoup comme une avancée démocratique, a finalement ouvert la voie à une théocratie oppressive. Les printemps arabes, porteurs d’immenses espoirs, se sont souvent heurtés aux dures réalités des régimes autoritaires ou des divisions internes, comme on l’a vu en Égypte et en Tunisie. Ces exemples montrent que les nations musulmanes semblent, jusqu’à présent, résister à la laïcité et à la sécularisation de type occidental.

Dans ce contexte, la prudence est de mise. Renouer avec Damas exige une lucidité sans concession sur la nature profonde du régime en place et sur les limites de ce que l’Occident peut espérer influencer. Pour le dire prosaïquement : il serait naïf de croire qu’une Gay Pride défilera prochainement dans les rues de Damas.

Nicolas de Pape

(Photo Belgaimage : un membre des nouvelles forces syriennes à Busra, dans le sud de la province de Daraa)

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