Le monde de l’énergie a pris une place prépondérante dans l’actualité. Guerre en Ukraine, gestion erratique dans les dossiers du nucléaire et des normes d’isolation à Bruxelles. 21News vous propose un tour d’horizon complet de ces dossiers par l’un des meilleurs spécialistes de l’énergie en Europe, le professeur Damien Ernst, de l’ULiège.
21News : Professeur Ernst, beaucoup de gens s’inquiètent de l’évolution possible du coût de l’énergie et en particulier du prix du gaz. Pouvons-nous les rassurer ?
Damien Ernst : Malheureusement pas ! Les perspectives sur les marchés du gaz ne sont vraiment pas bonnes. Depuis le premier janvier, on n’importe plus de gaz russe via l’Ukraine. Pour bien comprendre, il faut savoir qu’on a encore importé 150 TWh de gaz au travers de ce pays en 2024. On est donc obligé d’importer plus de gaz naturel liquéfié (GNL), ce qui provoque une forte augmentation des prix. Pour rappel, après les très fortes augmentations de 2022, le prix du gaz (Dutch TTF, qui est la référence) était retombé vers les 30 € aux alentours de mars 2024. C’était déjà au moins 50 % plus cher qu’avant la crise ukrainienne — il était alors sous les 20 €/MWh. Or, il vient à nouveau de dépasser les 50 €/MWh. On peut donc parler d’une nouvelle crise énergétique. Même si elle n’atteint pas les niveaux de 2022, c’est très, très mauvais, car cela risque d’étouffer l’économie européenne et d’appauvrir les ménages.
Une crise de l’énergie inévitable : gaz et électricité en ligne de mire
21News : Est-ce que l’on peut s’attendre à une baisse des prix dans le futur ?
D.E. : Si le reste de l’hiver est très doux, on aura moins besoin de chauffage, et donc, on consommera moins de gaz. Si en plus le vent est généreux, nos éoliennes permettront également de moins recourir au gaz pour produire de l’électricité. Et, dans ce cas, il est possible que le prix du gaz baisse. Mais l’hiver a été relativement froid en Europe jusqu’à présent et le vent n’a pas été fort abondant. Je ne voudrais pas jouer les cassandres, mais la situation pourrait encore se dégrader si on décidait de ne plus importer de GNL russe en Europe. Là, ce serait catastrophique. On pourrait penser qu’un jeu de chaises musicales s’installerait : faute de le vendre à l’Europe, la Russie exporterait son gaz en Asie. Et en Europe, on importerait le gaz produit au Moyen-Orient, consommé habituellement en Asie. Mais on manque de bateaux pour soutenir ces chaînes logistiques plus longues. Concrètement, si on arrêtait d’importer du GNL de Russie, le prix du gaz pourrait dépasser les 100 €/MWh et on pourrait alors parler d’une crise énergétique très grave.
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