Nos confrères du Figaro ont réalisé une excellente enquête sur la perte de vitesse de la finance verte. Ainsi, écrit le journal : « « Il n’y a pas si longtemps, dans les présentations des fonds, les slides sur l’ESG (les principes environnementaux, sociaux et de bonne gouvernance, NDLR) arrivaient dans les trois premières planches, maintenant elles sont reléguées tout à la fin des PowerPoint, ou ont tout simplement disparu », constate un gestionnaire de fonds parisien, spécialisé sur ces thématiques ESG et qui témoigne dans le quotidien français.
Longtemps perçue comme un levier essentiel pour la transition écologique, la finance verte semble aujourd’hui marquer le pas. Alors qu’elle avait connu une croissance fulgurante ces dernières années, les fonds d’investissement spécialisés dans le développement durable peinent désormais à séduire les investisseurs. Cette perte d’élan s’explique par plusieurs facteurs, tant aux États-Unis qu’en Europe, où les considérations économiques et politiques prennent progressivement le pas sur les ambitions écologiques.
Une impulsion venue des USA
Aux États-Unis, l’administration Trump, fidèle à son scepticisme environnemental, a largement contribué à ce désengagement. En dénonçant les régulations trop contraignantes et en favorisant une approche économique plus traditionnelle, Donald Trump a freiné l’essor des initiatives financières liées au climat. Ce revirement a entraîné une vague de prudence chez les investisseurs américains, qui s’orientent désormais vers des placements jugés plus sûrs et moins dépendants des politiques publiques.
BlackRock subissait ces dernières années des attaques en raison des prises de position de son président, Larry Fink, en faveur de la transition énergétique. « Je ne veux pas être la police de l’environnement, c’est une erreur de demander au secteur privé d’assumer un tel rôle », avait-il fini par reconnaître, de guerre lasse il y a quelques mois.
L’Europe suit le mouvement
En Europe, la situation est plus nuancée, mais la finance verte y subit également un ralentissement. Si l’Union européenne avait initialement mis en place un cadre réglementaire incitatif, celui-ci est aujourd’hui contesté par certaines voix qui craignent un impact négatif sur la compétitivité des entreprises. Face à une conjoncture économique incertaine, de nombreux États membres privilégient désormais des mesures favorisant la croissance à court terme, reléguant les ambitions climatiques au second plan.
En novembre dernier, rappelle le Figaro, le directeur général de BNP Paribas, Jean-Laurent Bonnafé, avait qualifié de « délire bureaucratique » la directive européenne CSRD, un texte visant à améliorer et à harmoniser la divulgation d’informations environnementales, sociales et de gouvernance. De plus en plus de critiques se font entendre également sur le Green Deal européen, le secteur automobile notamment est vent debout. En janvier dernier, le lobby automobile européen a appelé à un changement significatif : » Le Green Deal européen doit être soumis à un contrôle de réalité et à une réorientation « , a déclaré Ola Källenius, nouveau président de l’Association des constructeurs européens d’automobiles (Acea). L’ancien patron de Stellantis avait aussi donné plusieurs fois l’alerte sur les réglementations européennes qui tue une industrie importante pour l’Europe. Il pointait du doigt en 2024 les décisions politiques européennes, estimant qu’elles ont conduit à une « impasse » stratégique pour l’industrie automobile du continent.
Une baisse d’engouement
Les investisseurs, quant à eux, deviennent plus prudents. L’engouement initial pour la finance verte s’essouffle en raison d’un manque de visibilité sur les bénéfices réels des placements durables. Les accusations de greenwashing, qui ternissent la crédibilité de certains fonds écologiques, contribuent également à cette méfiance croissante.
Ainsi, la finance verte se trouve aujourd’hui à un tournant décisif. Pour retrouver son attractivité, elle devra surmonter les obstacles politiques et économiques qui entravent son développement. Une redéfinition des objectifs et une meilleure transparence seront nécessaires pour convaincre les investisseurs de son impact réel sur la transition écologique.
La Rédaction
(Photo : Imagebroker)