Troisième et dernier volet de notre entretien avec le président du MR. Georges-Louis Bouchez, inquiet de la tournure que prennent les négociations dans certaines communes bruxelloises.
21 News : Parlons de la situation à Bruxelles, notamment dans certaines communes comme Molenbeek. Le Parti Socialiste semble se rapprocher d’un accord avec l’extrême gauche. Vous avez évoqué des « lignes rouges » qui auraient été franchies. Comment percevez-vous l’avenir des communes bruxelloises dans ce contexte ?
Georges-Louis Bouchez : Je suis, et je pèse mes mots, profondément inquiet, voire paniqué par la situation actuelle à Bruxelles. Je pense qu’on ne se rend pas suffisamment compte de ce qui est en train de se passer. Bruxelles est en train de sortir complètement du cadre du vivre-ensemble, ce ciment qui assure la cohésion nationale. C’est extrêmement grave. Aujourd’hui, dans certaines communes de Bruxelles, il y a des personnes qui font campagne sur la base d’une appartenance religieuse, essayant de convaincre en affirmant que leur nationalité n’est pas belge mais musulmane. Ils exploitent des sujets qui ne font qu’attiser la haine entre les citoyens. Si on ne corrige pas rapidement cette situation, on court à la catastrophe.
21 News : Comment corriger cela ?
G.-L. B. : D’abord, en arrêtant de subventionner certaines associations qui alimentent ces discours, en revoyant l’aménagement du territoire, et en adoptant des politiques sécuritaires là où cela est nécessaire. Il faut arrêter de se voiler la face. Il y a une véritable manipulation d’une partie de la jeunesse par des individus aux visées extrémistes, qu’elles soient religieuses ou criminelles. Il faut être clair à ce sujet. Prenons Molenbeek, par exemple, qui est tristement célèbre à l’échelle mondiale pour avoir été un foyer de terroristes. Si demain on se retrouve avec une gouvernance PS-PTB, je crains le pire. Est-ce que nous sommes encore conscients de ce qui est en train de se produire ? Je n’en suis pas sûr.
21 News : Politiquement, votre marge de manoeuvre risque d’être faible, surtout si vous formez une majorité avec le PS à la région bruxelloise…
G.-L. B. : Il va falloir, sans doute, réactiver des mesures comme le plan Canal et reprendre le contrôle via des niveaux de pouvoir plus élevés. On ne peut pas travailler avec des gens qui, objectivement, manquent de sérieux. Je ne comprends pas comment un grand parti comme le PS peut envisager des accords avec le PTB. Le PTB, qui régresse partout ailleurs, mais réalise des percées spectaculaires dans certaines poches de population musulmane, notamment parce qu’ils ont fait campagne sur des thèmes comme le voile, l’abattage rituel et surtout Gaza. Ce sont des sujets qui, s’ils résonnent dans certains quartiers, leur font perdre du terrain partout ailleurs, car leurs électeurs de base voulaient qu’on parle d’emplois et de salaires, pas de cela. À Molenbeek et dans certains quartiers d’Anvers ou de Forest, ils font des scores impressionnants. Ce n’est pas compliqué : ils ont fait campagne aux mêmes endroits et auprès des mêmes profils que la liste Fouad Ahidar. Ce que je veux dire ici, c’est que tous les musulmans de ce pays sont des citoyens à part entière, avec les mêmes droits que les autres. Mais une partie d’entre eux doit cesser d’adopter cette posture victimaire qui les pousse à voter pour des partis comme Ahidar ou le PTB, sous prétexte que cela leur permettrait de se sentir enfin respectés. C’est exactement l’inverse.
21 News : Expliquez-vous ?
G.-L. B. : En soutenant le PTB ou les communautaristes du PS et d’Ecolo, ils deviennent les idiots utiles de l’extrême droite. Ils alimentent la division de la société et provoquent, en réaction, un vote plus radical à l’extrême droite. Ce qui se passe, c’est que nous assistons à une radicalisation des discours et à une ségrégation sociale de plus en plus marquée. Je ne comprends pas comment Paul Magnette, un intellectuel issu de l’ULB, peut accepter cette situation. Il y a une époque où tout le monde le considérait comme un modèle de logique intellectuelle, et aujourd’hui il déclare que travailler avec le PTB n’est pas un problème. C’est délirant ! Je vous le dis, je suis extrêmement inquiet pour l’avenir de Bruxelles. Nous allons droit dans le mur. Il est inacceptable qu’un parti comme le PS, historiquement laïque, soit prêt à discuter avec un PTB plus communautariste que jamais. Il s’agit là d’une ligne rouge que nous ne devons pas franchir.
Entretien : L.D. et V.S.