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La Cour des comptes met la sécu sous pression

par A.G.
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Le rapport de la Cour des comptes sorti ce mardi est un appel à la rigueur. En 2023, la sécurité sociale continue de voir ses dépenses croître, atteignant près de 131 milliards d’euros. Malgré un excédent budgétaire de 940 millions d’euros, le rythme de cette hausse remet en cause la durabilité à long terme du système. Si les soins de santé captent une part majeure de l’attention (plus de 26 % du budget), la réalité est que toutes les branches de la sécurité sociale affichent des dépassements ou des hausses inquiétantes.

Les dépenses de soins de santé représentent aujourd’hui 34,5 milliards d’euros, une augmentation de 11,34 % due, entre autres, à l’inflation et à la reprise des soins post-COVID. Les hôpitaux, les honoraires médicaux et les médicaments engloutissent la majorité de ces sommes avec une hausse de 10,15 % pour les hôpitaux et de 12,12 % pour les médicaments. La Cour ne mâche pas ses mots et pointe des prévisions budgétaires irréalistes, en particulier pour les dépenses hospitalières et pharmaceutiques, où le mécanisme de « clawback » ne freine que faiblement l’appétit budgétaire.

La Cour des comptes insiste sur l’insuffisance de transparence autour des conventions « article 81/111 » signées avec les laboratoires pour compenser les dépassements. À cela s’ajoutent les mutualités, qui dépassent leur objectif budgétaire de 33 millions d’euros, leur incapacité à contenir les coûts de santé venant alourdir le bilan global de la sécurité sociale.

Le chômage en régression mais à quel prix ?

Les dépenses de chômage, qui représentaient 7 milliards d’euros en 2023, sont en nette diminution (-2,67 % par rapport à 2022 et -19 % par rapport à 2021). Cette baisse peut sembler positive à première vue, mais elle résulte surtout de la fin des allocations temporaires pour le chômage économique liées au Covid. Les chiffres montrent une diminution de plus de 230 000 allocataires entre 2021 et 2023, un nombre que la Cour analyse avec prudence, car cette baisse est liée à des ajustements budgétaires provisoires, et non à une amélioration durable du marché de l’emploi.

Pensions : une bombe à retardement

Avec 62,9 milliards d’euros, les pensions restent la plus grosse dépense de la sécurité sociale, marquant une hausse de 9,5 % par rapport à 2022. Cette augmentation est en grande partie due à l’indexation et au nombre croissant de bénéficiaires. La Cour des comptes met en garde contre la progression continue de ces dépenses qui, dans un contexte de vieillissement de la population, constituent une bombe à retardement pour les finances publiques.

Incapacités de Travail : une hausse alarmante

Les indemnités d’incapacité de travail ont également explosé, atteignant 13 milliards d’euros, soit une augmentation de 21,45 % entre 2021 et 2023 (+2,3 milliards d’euros). Les troubles psychiques et les maladies du système ostéo-articulaire représentent une large part des cas d’invalidité, en hausse constante. La Cour souligne l’urgence de mesures pour limiter cette progression, alors que les travailleurs en incapacité de longue durée grèvent lourdement les comptes de la sécurité sociale. Un mécanisme de vases communicants entre, d’une part, la retraite retardée et la baisse du chômage et, d’autre part, la hausse de l’incapacité n’est pas à exclure.

Manque de cohérence dans les objectifs budgétaires

Le rapport est tranchant : les objectifs budgétaires de la sécurité sociale manquent de cohérence. Les dépenses explosent d’un côté (soins de santé, incapacité de travail, pensions), tandis que des économies temporaires (chômage) créent une illusion d’équilibre. Les dépenses des hôpitaux et des médicaments sont particulièrement pointées du doigt, de même que les coûts des indemnités de chômage économique qui pèsent sur le Fonds d’indemnisation des travailleurs licenciés (FFE), dont les dépenses sont en hausse de 77 % par rapport à l’année précédente.

De l’urgence de mener des réformes

Face à ce tableau, la Cour des comptes réclame des réformes urgentes et propose plusieurs pistes :

  • Révision des objectifs budgétaires : Un ajustement des prévisions, surtout pour les soins de santé et les pensions, qui alignerait mieux les chiffres sur les dépenses réelles.
  • Contrôle des dépenses de santé et de médicaments : La Cour demande plus de rigueur dans la gestion des dépenses pharmaceutiques, une meilleure transparence des conventions « article 81/111 », et un renforcement du mécanisme de clawback pour freiner les dépassements des coûts de médicaments.
  • Responsabilisation des mutualités : La Cour recommande d’alourdir les sanctions financières pour les mutualités qui dépassent les objectifs budgétaires, afin de les inciter à une gestion plus stricte des dépenses.

Une tendance haussière intenable

En 2023, la sécurité sociale a survécu grâce à des ajustements provisoires et des réserves financières. Mais la Cour des comptes met en garde : la tendance n’est pas tenable à long terme. Les dépenses de santé, les pensions et l’incapacité de travail forment une vague montante qui pourrait submerger le système. Sans réforme audacieuse, la sécurité sociale risque de tanguer sous le poids de ses propres dépenses.

EXTRAITS

Les principaux constats de la Cour des comptes lors de ses contrôles sur les IPSS (institutions publiques de sécurité sociale : INAMI, ONEM, etc.) portent sur les problèmes suivants :

  • application incorrecte du principe du droit constaté ; • non-respect de la césure comptable et budgétaire ; • imputation budgétaire erronée des réductions de valeur sur créances douteuses ; • absence d’uniformité et de cadre réglementaire précis concernant le traitement comptable et budgétaire ainsi que le rapportage de certaines opérations réalisées pour compte de tiers ; • manque d’évaluation des risques financiers liés aux litiges en cours et aux autres risques et charges (provisions); • règles d’évaluation incomplètes ; • séparation de fonctions insuffisante ; • inventaire physique absent ou incomplet ; • manque de réconciliation des positions comptables et budgétaires entre IPSS ; • manque de pièces justificatives appuyant l’enregistrement de certaines opérations (…).

A. G.

(Photo : Belgaimage)

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