Depuis leur défaite électorale, les représentants des partis de gauche sortent les crocs : discours agressifs, propos populistes, attaques personnelles,… En démocratie, l’alternance est bénéfique et l’opposition gagnerait à être constructive. Une carte blanche de Nicolas Dieudonné, consultant, professeur en communication digitale et conseiller communal MR à Fleurus.
Voltaire était un fervent défenseur de la liberté d’expression et de la liberté de penser. On lui attribue d’ailleurs cette célèbre phrase : “Je désapprouve ce que vous dites, mais je défendrai jusqu’à la mort votre droit de le dire.”
Une maxime qui résonne particulièrement aujourd’hui, tant les débats politiques et sociétaux semblent s’enliser dans l’invective et l’intolérance mutuelle.
Cela n’empêchait pas ce grand écrivain et philosophe d’être critique envers son époque, notamment contre l’absolutisme et les abus de l’Église catholique, alors que cette dernière exerçait une influence sur la politique, la justice et la vie quotidienne. Il osait dénoncer les dogmes et les travers de son temps, non pas par haine, mais par attachement à un idéal de raison.
La gauche a perdu, mais elle ne l’accepte pas
Quand j’observe le paysage politique belge actuel, j’aurais aimé connaître l’avis de Voltaire sur les événements récents. Les élections ont marqué un tournant, avec un recul significatif de la gauche dans presque toutes les couches politiques et une montée en puissance des formations du centre et de la droite, mais aussi des extrêmes. Une tendance qui, bien que marquante en Belgique, s’inscrit aussi dans une dynamique plus large en Europe.
Mais depuis, quelle cacophonie ! Soyons de bon compte : quelle que soit l’idéologie que l’on défend, la campagne électorale fut rude, animée et parfois brutale. Les réseaux sociaux ont servi de terrain de jeu stratégique pour chaque camp, avec un ciblage précis des électorats à convaincre ou à mobiliser. Rien d’étonnant à cela. Ce qui est plus préoccupant, c’est l’après.
Ce qui frappe aujourd’hui, ce n’est pas tant la surprise des résultats que la réaction des grands perdants. La défaite est amère, bien sûr, mais l’agressivité du discours post-électoral a de quoi interpeller. Plutôt que de mener une autocritique constructive, certains choisissent la dénonciation quasi systématique de l’électorat, le caricaturant comme manipulé, influençable ou, pire, rétrograde.
La voix du peuple est souveraine
Faut-il rappeler que la démocratie n’est pas une science exacte et qu’elle repose sur un principe fondamental : la souveraineté populaire ? Voltaire aurait sans doute ironisé sur cette tendance à considérer qu’une élection est légitime uniquement lorsqu’elle va dans le sens voulu par certains. Il aurait raillé cette volonté de diaboliser l’adversaire, de le qualifier de menteur, de manipulateur, plutôt que d’analyser les raisons profondes de son succès.
Car derrière ces résultats se cache une réalité : des citoyens en quête de réponses concrètes à leurs préoccupations, et ces dernières sont visiblement différentes de l’agenda politique des perdants. Qu’on les approuve ou non, leurs attentes méritent d’être entendues et débattues avec sérieux, et non balayées d’un revers de main méprisant.
L’un des enseignements de cette élection, c’est peut-être la nécessité de réapprendre à débattre sans censure. À une époque où l’information circule plus vite que jamais, où les prises de position se polarisent à l’extrême, il devient urgent de retrouver le goût du dialogue, de la contradiction intelligente et du respect de l’opinion d’autrui.
Une radicalisation du débat public
La citation de Voltaire nous rappelle que la liberté d’expression est fondamentale, mais qu’elle ne va pas sans une capacité à écouter et à comprendre. À défaut de le faire, nous assistons à une radicalisation du débat public où chacun campe sur ses positions, incapable de voir au-delà de son narratif idéologique et de ses propres certitudes.
Certaines personnalités politiques de notre petit pays fuient aujourd’hui leurs responsabilités, préférant accuser le camp d’en face d’avoir menti à l’électeur, d’avoir les faveurs de la presse, d’imposer un agenda politique ou encore de diaboliser un parti ou une personnalité. Bref, on ne cherche plus à débattre constructivement, mais à marginaliser l’adversaire pour le réduire au silence, espérant lui faire perdre toute crédibilité.
Quelle est donc la crainte de cette opposition ? Pourquoi adopte-t-elle aujourd’hui les mêmes méthodes populistes qu’elle dénonçait hier chez les extrêmes ? Est-ce une volonté sincère d’élever le débat ou une tentative désespérée de reprendre la main sur un paysage politique qui ne lui est plus aussi favorable ?
L’alternance est un principe sain en démocratie. Elle permet d’éviter la concentration excessive du pouvoir et favorise le renouvellement des idées. Les partis relégués dans l’opposition ont-ils fait ce choix (imposé pour certains) pour une réelle remise en question face aux citoyens ou pour tenter de mener une guerre idéologique à force de communication et de diabolisation des idées adverses ?
Quoi qu’il en soit, à une époque où le pluralisme devrait être la norme, on ne peut que regretter le comportement de certains, tentant désespérément de “cancel” l’adversaire venant de récupérer les clés du pays, plutôt que de venir avec des solutions viables pour notre avenir et celui de nos enfants. Peut-être est-il temps pour certains de relire Voltaire.
Nicolas Dieudonné, Consultant, professeur en communication digitale et conseiller communal MR à Fleurus (le chapô et les intertitres sont de la Rédaction)
(Photo : Belpress)