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Laissez faire : comment le « Pacte bourgeois » a enrichi les sociétés

par L.M.

Et si la richesse du monde moderne ne tenait pas à l’exploitation des pauvres, au colonialisme ou au capitalisme de connivence, mais… à un changement d’opinion ? C’est le pari provocateur du livre Laissez-moi faire et je vous rendrai riche, co-écrit par les Pr Deirdre McCloskey et Art Carden. Il est désormais traduit en français.

Il a fallu attendre presque cinq ans pour voir traduit en français (éd. Markus Haller) ce livre qui a bouleversé la vision purement économiciste de la société. Deirdre McCloskey est professeure émérite d’économie, d’histoire, d’anglais et de communication à l’université de l’Illinois (Chicago). Art Carden est professeur d’économie à l’université de Samford (Birmingham, Alabama).

Leur thèse centrale ? La prospérité sans précédent que connaît l’humanité depuis deux siècles — ce qu’ils appellent le « Grand Enrichissement » — trouve son origine dans une transformation culturelle, et non purement économique. De l’anti-Piketty en puissance !

Comment le Pacte bourgeois nous a rendus riches

Ce tournant s’opère autour d’un accord implicite, baptisé par les auteurs le Pacte bourgeois. Ce pacte repose sur une idée simple : en laissant les individus libres d’entreprendre, d’innover et d’échanger, les sociétés s’enrichissent collectivement. Le bourgeois — commerçant, entrepreneur, inventeur — longtemps méprisé ou ignoré, obtient enfin un peu de reconnaissance sociale. En retour, il livre des résultats impressionnants : une explosion des revenus, une baisse drastique de la pauvreté, et une amélioration générale du bien-être.

Les auteurs citent l’exemple (p. 23) de la prospérité acquise, à partir du XIXe siècle, dans certains pays : « en 1800, un individu moyen produisait et consommait l’équivalent de 3 pauvres dollars par jour. (…) Aujourd’hui, ce chiffre s’établit à environ 130 dollars aux États-Unis, et 33 dollars en moyenne dans le monde, ce qui représente un doublement à chaque génération. Les très pauvres ont été les principaux bénéficiaires de cette évolution. »

Là où beaucoup voient dans le capitalisme une mécanique froide, les auteurs y voient un moteur fondé sur la dignité humaine. Selon eux, ce ne sont pas les politiques industrielles, ni même les accumulations de capital, qui ont enrichi l’Occident puis une bonne partie du globe. C’est la permission donnée à des millions d’individus « ordinaires » d’essayer, de créer, d’échouer parfois, mais surtout d’innover librement. En somme, une forme de libéralisme philosophique.

Un héritage du « laissez faire »

Ce revirement, qui prend racine dans l’Europe du Nord aux XVIIe et XVIIIe siècles, se distingue nettement des anciens régimes aristocratiques ou bureaucratiques. Ceux-ci promettaient l’ordre ou la sécurité, mais pas la prospérité. Le bourgeois, lui, n’impose rien : il propose un échange. « Laissez-moi tranquille », dit-il, « et vous verrez ce que je peux accomplir. » Deux siècles plus tard, le pari semble largement tenu.

Avec ce livre vif et engagé, McCloskey et Carden relancent un débat aussi vieux que le capitalisme lui-même : faut-il mépriser ou célébrer les marchands ? Leur réponse est claire. Non seulement les bourgeois méritent notre estime, mais c’est peut-être grâce à eux que nous mangeons mieux, vivons plus longtemps, et avons accès à un confort qui aurait semblé magique à nos ancêtres. Encore fallait-il les laisser faire.

Laisser-faire vs droits de douane : la leçon trumpienne

S’il ne faut nourrir aucun espoir pour une Union européenne engluée dans la bureaucratie et le dirigisme, la lecture de Laissez-moi faire et je vous rendrai riche trouve une résonance toute particulière dans le contexte actuel des politiques protectionnistes menées par l’administration Trump. Notamment celle des droits de douane imposés sur les importations asiatiques et européennes. McCloskey et Carden rappellent que la restriction des échanges mène à l’appauvrissement des consommateurs. À commencer par celui de ces Américains désireux d’investir dans des produits importés.

Les tarifs douaniers, loin de « protéger » l’économie, risquent de nourrir une illusion d’autosuffisance et de grandeur nationale aux dépens du progrès collectif. Donald Trump ferait donc bien de ruminer la phrase qui ouvre l’avant-propos de Nicolas Jutzet (Institut Libéral de Lausanne) : « face à n’importe quelle thématique, envisagez l’idée que vous soyez dans l’erreur. »

Laissez-moi faire et je vous rendrai riche – Comment le Pacte bourgeois a enrichi le monde, Deirdre N. McCloskey & Art Carden, éditions Markus Haller, 2025, traduit de l’anglais par Patrick Hersant, 306 p., 25€

L.M.

(Photo : Stephen Shaver/AFP)

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