Pour Laurent Alexandre, médecin, entrepreneur et auteur à succès, le déclin technologique de l’Europe va être foudroyant. « Le « IA Act » est pathétique. La Commission européenne est suicidaire… Sur le plan technologique, sa stratégie est illisible. Jusqu’à présent, elle n’a fait qu’une chose : euthanasier l’industrie européenne du numérique et de l’intelligence artificielle. En face, Donald Trump et les Big Techs Musk, Bezos, Zuckerberg mettent 500 milliards de dollars sur la table pour accélérer l’avènement de la « super intelligence artificielle ».
21News : En matière d’IA, vous pensez qu’on est face à une déferlante qui va au minimum défier l’humanité, voire même la rendre obsolète… J’ai posé cette question récemment à un haut fonctionnaire belge. Il m’a répondu que depuis les Canuts de Lyon et la machine à tisser, cette peur était vieille comme le monde… Ici, il s’agit manifestement d’un tsunami d’une ampleur jamais vue…
Laurent Alexandre : Hier (le 21 janvier 2025, ndlr), Donald Trump et les principaux patrons américains liés à l’intelligence artificielle ont annoncé un plan de 500 milliards de dollars pour créer la « super-intelligence artificielle » (Super-IA). Nous sommes à l’aube d’une accélération technologique dont on ne mesure absolument pas les conséquences sociales et économiques. L’entrée des États-Unis dans la bataille pour la super-IA grâce à Trump et aux milliardaires de la Silicon Valley est un événement majeur de notre histoire. Pour l’économie, pour la médecine… Et cette accélération de l’histoire technologique n’a pas été anticipée. Joe Biden avait mis des garde-fous au développement de la Super-IA dans un « Executive Order » (ordre exécutif) de l’été dernier. L’administration Trump a fait sauter cette législation de manière accélérée en vue de développer ladite super-IA. C’est un événement historique.
« L’ensemble de la Silicon Valley a abandonné Biden »
21News : Ce qui explique le ralliement de Marc Zuckerberg et Jeff Bezos à Donald Trump ?
L. A. : Bien sûr ! Donald Trump a été convaincu par les milliardaires de l’IA qu’il fallait foncer en direction de la super-IA. C’est la raison pour laquelle l’ensemble de la Silicon Valley a abandonné Biden et s’est ralliée derrière Elon Musk et Donald Trump.
21News : En Europe, en Belgique, en France, on a eu récemment de nombreuses élections européennes, nationales, régionales… On n’a pratiquement pas entendu les hommes politiques pendant ces campagnes parler d’intelligence artificielle. Sont-ils en dehors du coup ?
L. A. : Oui. Les hommes politiques sont complètement en dehors du coup. Pour deux raisons : la première, c’est que les premiers couteaux ne font plus de politique ; la seconde, c’est qu’à l’heure actuelle, le business rapporte beaucoup plus que la politique. Lorsque vous êtes brillant, vous ne faites pas de politique. Vous faites du business. Un chercheur informatique chez Google ou OpenAI (maison mère de ChatGPT) gagne 10 millions de dollars par an. Vous imaginez bien que vous n’allez pas aller vous emmerder à séduire les électeurs sur les marchés à l’heure où le business rapporte tant.
Mistral AI, une initiative française intéressante
21News : En Europe, on trouve notamment Mistral AI, la sympathique initiative française… À côté de l’Amérique, toutefois, c’est un petit peu lilliputien, non ?
L. A. : Mistral est une bonne initiative de gens qui travaillaient chez Facebook et chez Google, notamment Arthur Mensch chez Google… Mais l’investissement d’un milliard mis sur la table est très inférieur aux 500 milliards de Trump.
21News : Pensez-vous que la Commission européenne va répondre au plan Trump avec un plan ambitieux ?
L. A. : La Commission européenne est suicidaire… Sur le plan technologique, sa stratégie est illisible. Jusqu’à présent, elle n’a fait qu’une chose : euthanasier l’industrie européenne du numérique et de l’intelligence artificielle. L’« AI Act » est ridicule et pathétique. Il aggrave le retard de l’Europe en interdisant les meilleurs modèles d’IA sur le sol européen. Il faudrait un changement radical à la Commission européenne pour que ce suicide technologique s’arrête. Je n’y crois pas. Je pense que la Commission européenne est névrosée en matière technologique. Et les névroses sont assez compliquées à guérir.
« Le déclin européen, cela me rend fou pour l’avenir de nos gamins »
21News : Pensez-vous que cette situation risque d’accélérer le déclin européen ?
L. A. : Le déclin européen va être foudroyant. S’il n’y a pas un changement radical de vision, si l’Europe continue d’être bisounours, niaise, naïve, inconséquente, son déclin technologique et économique va être dramatique. Cela me rend fou pour l’avenir de mes gamins. Cela me rend fou pour l’avenir de notre continent. On a rarement vu un suicide collectif aussi grave, aussi important. C’est désolant. Je ne vois pas les forces qui pourraient arrêter ce déclin de l’Europe au sein de la Commission.
21News : En revanche, la Chine a des chances de rivaliser avec l’Amérique, pensez-vous ?
L. A. : Elle travaille avec énergie dans le domaine de l’IA. Cette semaine, les Chinois ont sorti un modèle, Deep Seek R1, du niveau de ChatGPT 4. Ce qui montre que la bataille entre la Chine et les États-Unis n’est pas pliée. La Chine peut rattraper le retard qu’elle avait vis-à-vis de l’Amérique. Le plan de 500 milliards de Trump va être un challenge pour la Chine, car l’Amérique risque d’augmenter son avance par rapport à la Chine. Nous allons avoir une bataille à deux entre la Chine et les États-Unis. L’Europe en sera totalement absente. L’Union européenne ne réalise pas l’effondrement du pouvoir d’achat en Europe qui sera la conséquence de la vassalisation technologique de l’Europe.
« L’Europe a besoin d’une Margaret Thatcher »
21News : Y a-t-il en France et en Europe une figure politique qui fait exception à votre noire prophétie ?
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