L’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) dresse le tableau d’une langue et d’une influence en déclin à travers le monde, et ce alors que le Niger, le Burkina Faso et le Mali ont pris leurs distances avec l’institution.
Un rapide coup d’oeil à un planisphère permet de se rendre compte qu’au sein des empires coloniaux qui se sont développés du XVIIIe au XXe siècle, nombre de pays devenus indépendants ont gardé la langue de leurs colonisateurs. Il en est ainsi de l’Amérique centrale et du Sud qui, en majorité placées sous le joug de Madrid, parlaient espagnol. Le Brésil parle le portugais, Lisbonne l’ayant obtenu avec la bénédiction du Pape Alexandre VI lors du traité de Tordesillas qui, en 1494, partageait le monde entre l’Espagne et le Portugal. Dans les Caraïbes, au cours des siècles et au gré des conquêtes et des traités, les îles sont passés d’un pays européen à un autre. On parle en conséquence le français en Martinique, l’anglais aux Grenades, le néerlandais à Curaçao ou encore l’espagnol à Cuba.
D’autres, en revanche, ont rejeté la langue de l’occupant, à l’instar du Vietnam, de la Birmanie, de la Malaisie, entre autres contrées, ou l’ont gardé comme l’une des langues officielles du pays, à l’exemple de l’Inde ou de la République démocratique du Congo, pour des raisons d’unité et de cohésion nationale.
L’anglais et le français, deux langues longtemps véhiculaires en matière de commerce et de diplomatie
L’importance prise par l’Empire britannique et la suprématie politique et économique des États-Unis au siècle dernier ont conféré à l’anglais un rôle prépondérant dans les échanges internationaux. En ce qui concerne le français, longtemps la langue de l’aristocratie et de la diplomatie, c’est surtout le rayonnement de son passé de puissance coloniale qui lui permet encore aujourd’hui de constituer la cinquième langue la plus parlée au monde. Avec un peu plus de 320 millions de locuteurs, il se place après l’anglais, le mandarin, l’hindi et l’espagnol. La majorité de ces francophones se situent en Afrique surtout sub-saharienne. Ailleurs on remarque un déclin de l’étude et de l’utilisation du français, notamment en Europe.
Ces chiffres ressortent du dernier rapport annuel de l’OIF, l’Organisation internationale de la Francophonie. Cette institution créée en 1970 au lendemain de la décolonisation a notamment pour but de promouvoir la langue et le rayonnement du français. Parmi les missions de l’OIF s’érigent en priorité le soutien à la diversité culturelle et linguistique, la promotion de la paix, de la démocratie et des droits de l’homme, le droit à l’éducation et à la recherche ainsi que la coopération entre les membres de l’organisation. L’OIF compte 93 États, dont 33 sont des pays africains issus en majorité de l’ancien Empire colonial français. Certains pays où le français n’est que très peu parlé, comme le Chili et l’Angola, en sont membres ; leur but étant ici de renforcer leurs liens diplomatiques et économiques avec l’organisation.
Le Niger met les voiles
À côté d’être un instrument de propagande pour le développement et la défense du français, l’institution se veut aussi un levier politique pour Paris, qui l’utilise comme moyen de « soft power » surtout en Afrique. Mais depuis des décennies, l’influence française dans ses anciennes colonies d’Afrique de l’ouest s’érode et le phénomène ne cesse de s’amplifier.
Le Niger, le Mali et le Burkina Faso n’ont ainsi récemment pas hésité à tourner le dos à l’ex-métropole. Arrivées au pouvoir par un coup d’État, ces juntes militaires adeptes des thèses panafricanistes ont rompu leurs liens diplomatiques et leurs coopérations militaires avec Paris. Ce rejet passe aussi par la cessation de l’utilisation du français, jusqu’ici langue nationale dans ces trois pays.
Mais à la suite du Mali et du Burkina Faso depuis le 8 avril, c’est au tour du Niger de reléguer le français au statut de « langue de travail ». Il y a quelques mois, Niamey avait suspendu le permis d’exploitation de la mine d’uranium d’Imouraren à la société Orano, dont l’État français est actionnaire à 90%. Alors que l’entreprise vient d’entamer une procédure d’arbitrage internationale, ce retrait de permis attise l’appétit de certains acteurs comme la Russie, la Chine ou l’Iran. Alors que le monde est parcouru d’ondes sismiques mettant à mal certaines réalités géopolitiques et économiques, ces rejets constituent un coup non seulement à la France mais aussi à l’ensemble de l’Union européenne.
Philippe Lamair
(Photo Belgaimage)