Le Ministère de la Santé de Gaza, contrôlé par le Hamas, fournit des chiffres de mortalité largement relayés par les médias internationaux. Mais ces données présentent de nombreuses distorsions, affirme la Henry Jackson Society (HJS). Son rapport publié vendredi révèle l’inclusion de décès naturels, d’erreurs d’âge, des civils touchés par des tirs amis et l’absence de distinction entre civils et combattants. Seuls 5 % des médias citent les chiffres israéliens sur le nombre de terroristes tués (entre 15.000 et 20.000), tandis que 98 % reprennent ceux du Hamas sans critique. Cette surévaluation des bilans suscite des interrogations sur la fiabilité des rapports et le traitement médiatique du conflit. Après ces corrections, on s’éloigne encore davantage d’un « génocide » à Gaza.
Le 7 octobre 2023, des militants du Hamas déclenchent une guerre contre Israël. La riposte israélienne s’engage, et les médias internationaux commencent à relayer le nombre de morts à Gaza, en se basant sur les chiffres du « Ministère de la Santé de Gaza », « comme si cette source était indépendante et impartiale », note la HJS.
Pourtant, comme le rappelle la HJS, ce Ministère de la Santé (MoH) est sous le contrôle total du Hamas. Il a été créé par le Hamas en 2007 après que le groupe a pris le pouvoir dans la bande de Gaza, au terme d’affrontements sanglants avec le Fatah. Depuis, le Hamas gère les affaires gouvernementales, y compris les services de santé à travers le MoH. Étant partie prenante du conflit, le biais est évident : le MoH est juge et partie.
Ajoutons que la bande de Gaza est sous régime autocratique, laissant peu de place à la contestation, contrairement à Israël qui possède une presse libre, notamment le quotidien d’extrême gauche Haaretz, une opposition politique, des ONG, une Cour suprême, etc. Sans oublier des députés arabes israéliens qui peuvent monter au créneau.
Les chiffres du MoH sont pourtant repris en boucle par les grands médias sans recul. « En août 2024, le passage du cap des 40 000 morts monopolise les antennes de la BBC, comme le documente le rapport Cohen de septembre 2024. »
Pas de distinction entre civils et combattants
Un groupe de chercheurs internationaux a examiné en détail la couverture médiatique des morts à Gaza entre février et mai 2024. Résultat : sur 1 378 articles publiés par des médias majeurs comme The New York Times, The Washington Post, The Guardian, CNN, BBC, Reuters, l’Associated Press et ABC, 84 % ne font aucune distinction entre morts civils et morts de combattants.
Seuls 5 % des médias citent les chiffres israéliens (qui estiment entre 15 000 et 20 000 terroristes tués sur 40 000 combattants du Hamas), tandis que 98 % relaient sans sourciller les chiffres du Ministère de la Santé dirigé par le Hamas. Pire, dans 19 % des articles, ces chiffres sont utilisés sans aucune source, comme s’ils étaient indiscutables.
Plus grave encore : moins d’un article sur 50 souligne que ces chiffres sont invérifiables ou sujets à controverse. En revanche, les statistiques israéliennes sont systématiquement mises en doute dans la moitié des rares articles qui les mentionnent, calcule la HJS.
Le MoH du Hamas gonfle-t-il les chiffres ? La HJS affirme le démontrer : les listes incluraient des décès naturels, des morts antérieures au conflit, et des victimes des attaques du Hamas lui-même. « Les morts de combattants du Hamas sont ignorées, tandis que le nombre de femmes et d’enfants est artificiellement gonflé. Des « erreurs graves » émaillent ces listes : un homme de 22 ans enregistré comme un enfant de 4 ans, un homme de 31 ans recensé comme un bébé d’un an, et plusieurs hommes comptés comme des femmes. Résultat : le nombre de femmes et d’enfants prétendument tués grimpe en flèche. » Certaines personnes seraient mortes avant même le début de la guerre, d’autres ont été tuées par des tirs ratés du Hamas.
5.000 morts naturelles
La HJS affirme que ces listes incluent environ 5 000 morts naturelles par an, y compris des patients atteints de cancer inscrits comme nécessitant un traitement hospitalier alors qu’ils figuraient déjà sur les listes des décès. « Le Hamas déclare aussi comme victimes de l’armée israélienne des morts causées par ses propres roquettes défectueuses. Or, les décès naturels surviennent aussi bien en temps de paix qu’en temps de guerre. Les données pré-guerre du Bureau central palestinien des statistiques de Ramallah le confirment. »
Les médias omettent presque systématiquement de mentionner les 17 000 combattants du Hamas tués par l’armée israélienne. Ce chiffre devrait pourtant être déduit des 40 000 morts rapportés pour arriver à environ 1 combattant tué pour 1,2 civil, ce qui est considéré comme très bas dans une guerre urbaine.
Le rapport affirme que la méthodologie de collecte du MoH est scientifiquement sujette à caution. « Déjà lors des conflits précédents, le MoH dissimulait les morts parmi les combattants. » Ce fut le cas lors de l’opération « Plomb durci » (2008-2009). Le Hamas avait affirmé que 95% des morts étaient des civils. Un décompte plus honnête a conclu que la moitié était des combattants.
La souffrance des Palestiniens de Gaza
La souffrance des Palestiniens de Gaza est bien réelle, reconnaît le rapport. Outre le fait d’être transbahutées du nord au sud et d’est en ouest avec d’énormes difficultés d’approvisionnement, « des vies innocentes ont été brisées par une guerre déclenchée par le Hamas le 7 octobre ». Mais un décompte honnête s’impose. Le droit international ne demande pas l’impossible : il exige que le risque pour les civils soit minimisé. Pas qu’il soit nul. Israël, en prévenant les civils par SMS et tracts au risque de perdre l’effet de surprise, est l’un des rares pays à respecter cette exigence.
De nombreux médias mentionnent que le MoH est sous contrôle du Hamas. Mais peu remettent en question ses chiffres. L’AFP parle même de « chiffres considérés comme valables par l’ONU ». Selon la HJS, « aucune vérification de la méthodologie, du contenu ou des listes de noms n’est réalisée ».
Dans ces conditions, pour la HJS, établir un chiffre précis est impossible, faute de transparence du MoH, d’accès au Registre de la population palestinienne et de recensement fiable des combattants morts. En outre, les erreurs relevées dépassent largement le simple manque d’accès au réseau informatique du MoH, hors service depuis novembre 2023. Le rapport souligne aussi des écarts majeurs entre les chiffres du MoH et ceux du Bureau des Médias du gouvernement du Hamas. En outre, comment le Hamas, qui a largement perdu le contrôle de la bande de Gaza depuis maintenant plusieurs mois, peut-il fournir des chiffres de morts aussi précis ?
Au final, si le nombre net de morts s’avère plus proche de 15 000 à 20 000 civils, on se situe à moins de 1 % des 2,4 millions d’habitants de Gaza. Même si c’est évidemment une tragédie, on est très loin d’un « génocide ».
Nicolas de Pape
Questionable Counting : Analysing the Death Toll From the Hamas-Run Ministry of Health in Gaza
(Photo Belgaimage)