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Le Prix Goncourt à l’universaliste algérien Kamel Daoud

par Nicolas de Pape
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L’écrivain algérien Kamel Daoud s’est vu décerner le prix Goncourt 2024, ce lundi. Son roman Houris (Gallimard) décrit, d’une plume alerte et précise, le récit intérieur d’une jeune femme privée de parole et racontant sa version de la guerre civile à l’enfant qu’elle porte. Un livre courageux, interdit en Algérie.

Les lecteurs du Point connaissent bien Kamel Daoud et ses chroniques hebdomadaires incisives. L’écrivain d’origine algérienne y dépeint sans complaisance l’hypocrisie de la société musulmane et algérienne, tout en n’épargnant pas l’Occident et ses propres contradictions. Son approche, courageuse et sans concessions, met en lumière des sujets que peu d’Européens oseraient aborder de peur d’être accusés d’islamophobie. Cette accusation, relancée par l’ayatollah Khomeiny pour dé-légitimer toute critique de l’islam politique, lui est certes épargnée, mais il n’échappe ni aux menaces de mort ni au boycott dans son propre pays. Il publie donc ses portraits sociologiques au vitriol dans un hebdomadaire libéral, Le Point, illustrant son courage.

Un certain courage

Le jury Goncourt a également fait preuve d’audace en attribuant ce 4 novembre 2024, dans le cadre cosy du restaurant Drouant à Paris, le prestigieux prix à Daoud pour Houris (Gallimard). Ce roman plonge au cœur de la décennie noire de la guerre civile en Algérie (1991-2002), période de massacres qu’il raconte à travers le personnage d’Aube, une femme enceinte et mutilée qui transmet cette mémoire horrible à son enfant. Une œuvre qui va à contre-courant, dans un pays où les autorités ont même interdit Gallimard au Salon du livre d’Alger.

Daoud a réagi sur X, rendant hommage à son père décédé et à sa mère, dont la mémoire se dégrade. Ce Goncourt est un signal fort en faveur de la liberté d’expression. Le Figaro écrit que « le parcours de Daoud, journaliste né en 1970 à Mostaganem, est un engagement contre l’oubli ». Depuis les années 1990, « il observe, écrit, témoigne, convaincu que si le journalisme documente les plaies d’un pays, seule la littérature peut vraiment les raconter ». En 2014, son roman Meursault, contre-enquête lui avait valu une fatwa mais un accueil enthousiaste du public, avec 130 000 exemplaires vendus. Houris dénonce « l’amnésie collective et la banalisation des violences », mais le prénom de son héroïne Aube renvoie à une renaissance.

Mal aimé de l’extrême-gauche

Kamel Daoud incarne le courage et le refus de l’assignation identitaire. Ses critiques de sa propre culture lui valent, en Algérie, d’être traité de « harki » ou de « collabo » par une certaine presse, notamment à l’extrême-gauche. Ces accusations découlent de ses prises de position sur l’islamisme et l’immigration. Pour lui, la langue française est celle de la libération, et il rêve d’une Algérie démocratique et d’un islam éclairé, dépouillé de ses éléments les plus conservateurs.

En somme, Kamel Daoud poursuit son chemin transgressif, fidèle à lui-même. Comme tout véritable artiste : « Le chien aboie, la caravane passe. »

Nicolas de Pape

(Kamel Daoud à Paris, 4 novembre 2024. Photo : ©PHOTOPQR/LE PARISIEN/Olivier CORSAN via Belgaimage)

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