Les récents dérapages de Paul Magnette et du Parti socialiste illustrent une réalité : leur logiciel idéologique est dépassé. Le PS mène une opposition radicale, rappelant ses excès de 2014, lorsqu’il dénonçait un supposé « bruit de bottes » face à la N-VA. Mais les temps ont changé, et cette stratégie ne fonctionne plus.
Déjà affaibli en interne après sa défaite électorale de juin dernier, Paul Magnette s’accroche à une posture d’opposition caricaturale au lieu de réinventer son parti, comme l’ont fait Les Engagés. Quelques exemples frappants suffisent à illustrer cette dérive.
D’abord, les socialistes critiquent le manque de femmes au sein du gouvernement fédéral. Or leur propre organe stratégique, le G8 – initiative certes pertinente comme boîte à idées – ne compte qu’une seule femme : Christie Morreale. Toutes les anciennes ministres socialistes semblent avoir été écartées.
Ensuite, l’opposition du PS sombre rapidement dans l’outrance. Paul Magnette a diffamé David Clarinval, accusé Pierre-Yves Jeholet de « flirter avec le racisme » et s’en est même pris ce week-end aux journaux du groupe Sudinfo, jugeant leur traitement trop critique à l’égard du PS. Ce même PS qui, habitué à une presse francophone plutôt acquise à sa cause, supporte mal sa position actuelle et ne s’y sent pas à l’aise du tout.
Un discours déconnecté des réalités
Au-delà des maladresses stratégiques, c’est le logiciel idéologique du PS qui est à bout de souffle. Le monde évolue à une vitesse fulgurante : l’intelligence artificielle transforme l’économie, les jeunes refusent une fiscalité écrasante servant à financer un État providence inefficace, et les vieilles recettes du PS ne convainquent plus.
Les socialistes se positionnent systématiquement aux côtés des grévistes, multiplient les selfies en manifestation… mais ce type de communication n’a plus d’impact.
Conscient de ces difficultés et d’une gauche qui s’étiole partout en Europe, Paul Magnette a commandé une étude en 2023 (révélée par Le Vif) analysant la perception des électeurs du PS. Le verdict est sans appel : le parti est perçu comme défendant avant tout les bénéficiaires d’aides sociales, délaissant la classe moyenne et les travailleurs. Une image désastreuse pour une formation qui prétend encore vouloir être le premier parti francophone.
Dans La Libre du 24 juillet 2024, Paul Magnette affiche son incompréhension face à l’évolution du monde. Il déplore que, si une partie de la jeunesse est encore ancrée à gauche sur les questions identitaires, elle adopte aussi un mode de vie consumériste. « Quand vous passez votre journée à scroller sur TikTok en voyant des gens qui vivent dans le luxe à Dubaï, ça finit par avoir un effet sur les consciences », regrette-t-il. Traduction : la jeunesse ne sait pas réfléchir par elle-même et lorsqu’elle voit une forme de réussite, elle n’est plus séduite par le discours socialiste.
Un parti en décalage total avec les priorités des citoyens
Dernier signe du déclin idéologique du PS : son aveuglement face à l’insécurité grandissante à Bruxelles. Pendant des années, il a nié le problème, critiqué le Plan Canal, rejeté toute politique migratoire ferme. Résultat : un fossé s’est creusé entre le parti et la population, lassée de cette inaction.
Pire encore, le PS bloque actuellement la formation d’un gouvernement bruxellois, seule région où il pouvait exercer le pouvoir. Ahmed Laaouej, pourtant l’un des rares socialistes à avoir réalisé un score honorable et dont on vantait le pragmatisme, devient l’homme du blocage, refusant de négocier avec la N-VA. Pourtant, ce même PS a déjà négocié en 2020 avec le premier parti flamand et n’hésiterait pas à le refaire au fédéral si Magnette pouvait faire remonter les siens dans un gouvernement.
Le PS bruxellois s’enferme même dans l’immobilisme et précipite la faillite budgétaire d’une région au bord du gouffre. Il provoque même une crise institutionnelle, en étant le seul parti de l’histoire de la Région à refuser une coalition néerlandophone pourtant validée. À force de bloquer, certains se posent même la question de la viabilité d’une région où plus grand-chose ne fonctionne. Le PS bruxellois a-t-il peur d’assumer l’assainissement budgétaire de Bruxelles et entamer sa clientèle ? Certains, parmi les socialistes historiques, le susurrent
Le problème du PS est que son logiciel est toujours marxiste. À l’opposé, Vooruit, le parti socialiste flamand, a pu évoluer et se distancier de ces archaïsmes.
Si le PS veut éviter une lente érosion, il devra cesser son opposition stérile et amorcer une véritable refonte. Faute de quoi, comme le PS français, son déclin ne fera que s’accélérer.
Nicolas de Pape
(Photo : Éric Lalmand)