Les Illusionnistes (Robert Laffont), de Géraldine Woessner et Erwan Seznec pose un constat provocateur : l’écologie politique, souvent perçue comme inoffensive ou sympathique, représenterait aujourd’hui un risque majeur pour la démocratie. Car, contrairement aux partis comme le Rassemblement national, qui suscitent une vigilance constante, les écologistes agissent sans opposition substantielle, bien qu’ils influencent profondément les politiques publiques.
L’écologie politique est décrite comme un mouvement guidé par une idéologie décroissante, rejetant le progrès technique et économique. Ses partisans, sincères mais déconnectés des réalités scientifiques et économiques, proposent des solutions simplistes qui aggravent les problèmes qu’elles prétendent résoudre. Cette vision, sous couvert de « sobriété », menace à terme la prospérité et les libertés démocratiques. Telle est la thèse principale de l’essai des deux journalistes du “Point”.
Une origine idéologique et religieuse
La première partie de l’ouvrage explore les racines historiques et idéologiques de l’écologie politique, en soulignant son éloignement des bases scientifiques. Les auteurs affirment que ce courant s’appuie davantage sur des mythes et des croyances, parfois hérités de la religion et du romantisme, que sur une analyse rationnelle de la réalité écologique. Ils citent les auteurs tels que Malthus, Ehrlich, Ellul, Illich, marchands d’apocalypse ou carrément mystiques.
Le concept d’une « nature harmonieuse », largement inspiré de la pensée grecque et reprise par la civilisation chrétienne, est au cœur de cette idéologie. Ce mythe persiste malgré les découvertes scientifiques modernes qui démontrent que la nature est en constante perturbation et évolution. Les figures historiques, comme Hérodote ou Jean-Jacques Rousseau, idéalisent la nature comme un modèle d’équilibre que l’homme dérange par ses activités.
Cette vision élitiste s’est renforcée avec l’essor du romantisme, où des écrivains comme Goethe ou Chateaubriand glorifiaient une nature supposément pure et intacte. Ce courant, imprégné de religiosité, a influencé la naissance de mouvements écologistes contemporains, qui continuent de cultiver une méfiance envers le progrès technique et scientifique.
Un divorce entre science et écologie politique
Les auteurs analysent le fossé croissant entre l’écologie politique et les avancées scientifiques. Alors que des figures comme Lamarck et Darwin ont révolutionné la compréhension de la nature, en montrant son dynamisme et son adaptabilité, l’écologie politique s’est accrochée à une vision figée et mystique.
Des scientifiques modernes, tels que François-Marie Bréon, dénoncent cette fixation idéologique qui freine l’adoption de solutions pragmatiques au changement climatique. Les idées simplistes et irréalistes, comme la décroissance ou l’arrêt total des énergies fossiles, sont souvent mises en avant par les écologistes, au détriment de stratégies équilibrées et coordonnées préconisées jusques-et-y compris par le GIEC.
L’exemple du nucléaire illustre cette contradiction : alors qu’il constitue une solution efficace pour réduire les émissions de CO₂, il est rejeté par les écologistes en raison de leur opposition idéologique, et non scientifique.
Des choix contre-productifs
Les auteurs critiquent le rôle des partis comme Europe Écologie-Les Verts (EELV), qui privilégient une rhétorique alarmiste et des solutions radicales. Par exemple, l’opposition systématique au nucléaire a entraîné des décisions désastreuses, comme la fermeture prématurée de centrales, obligeant l’Allemagne à rouvrir des centrales à charbon, plus polluantes.
Les restrictions sur les phytosanitaires et les OGM sont également critiquées. Bien que justifiées par des préoccupations environnementales, elles ont fragilisé l’agriculture française sans apporter de bénéfices écologiques significatifs. Selon un rapport de la Fondapol, l’agriculture biologique, souvent promue par les écologistes, consomme davantage d’espace et entraîne une déforestation accrue, ce qui va à l’encontre de ses objectifs initiaux.
Un idéal inapplicable à grande échelle
L’écologie politique est décrite comme une tentative d’imposer un modèle de sobriété et de décroissance inspiré par une vision moraliste de la nature. Si certains militants réussissent à vivre en accord avec ces principes à l’échelle individuelle ou communautaire, leur application à l’ensemble de la société est jugée irréaliste et dangereuse.
Le concept de « sobriété énergétique » promu par des organisations comme Négawatt est un exemple de cet idéal. Les auteurs soulignent que ce modèle conduit à une pénurie chronique d’énergie et à une dépendance accrue vis-à-vis de technologies intermittentes, comme l’éolien et le solaire.
L’écologie politique représente donc, selon les auteurs, un danger sous-estimé pour les démocraties modernes. En s’appuyant sur des dogmes plutôt que sur des faits, elle influence des décisions qui fragilisent l’indépendance énergétique, l’économie, et même la capacité à répondre efficacement aux défis climatiques. Les auteurs appellent à une réévaluation critique de ces idées pour éviter des conséquences encore plus graves.
Les renouvelables : entre promesses et réalités
Les auteurs explorent ensuite les limites des énergies renouvelables comme le solaire et l’éolien. Si ces technologies sont indispensables pour diversifier les sources énergétiques, les auteurs dénoncent leur intermittence et leur dépendance aux conditions météorologiques. Ils rappellent que les renouvelables nécessitent un soutien massif en infrastructures de stockage et en centrales de secours, souvent au gaz ou au charbon, ce qui annule partiellement leurs bénéfices écologiques.
Les subventions massives pour les renouvelables sont également critiquées. En France, la facture énergétique des ménages a doublé en une décennie, en grande partie pour financer le développement de ces technologies. Les auteurs soulignent que cette transition mal gérée a surtout bénéficié à des industriels, au détriment des citoyens.
Une idéologie de la décroissance
Les auteurs analysent le rôle des écologistes dans la promotion d’une vision idéologique de la sobriété énergétique. Sous couvert de lutte contre le réchauffement climatique, cette idéologie cherche à imposer une pénurie d’énergie, perçue comme un moyen de freiner la consommation et le capitalisme. Ils critiquent cette approche comme utopique et destructrice, en particulier pour l’industrie et l’emploi.
Les auteurs concluent sur la nécessité de repenser les politiques énergétiques européennes. Pour eux, l’abandon des idéologies décroissantes est essentiel pour garantir une transition énergétique durable et préserver la compétitivité européenne. Ils insistent sur l’urgence de restaurer la souveraineté énergétique pour éviter de nouvelles crises.
Un avertissement face à « la dictature verte »
La conclusion de Les Illusionnistes alerte sur les dérives autoritaires potentielles de l’écologie politique. Les auteurs dénoncent une tentation croissante de certains écologistes à envisager une « dictature verte » comme moyen de contrer les crises environnementales. Cette perspective illustre le rejet des principes démocratiques, au nom d’une urgence climatique souvent amplifiée ou mal interprétée.
La France, avec moins de 1 % des émissions mondiales de CO₂, est exemplaire grâce à son parc nucléaire. Pourtant, elle s’est engagée longtemps à tort dans des politiques qui affaiblissent ses atouts stratégiques, comme l’abandon progressif de l’énergie nucléaire, sous pression de l’idéologie verte.
Les auteurs appellent à une réconciliation entre écologie, innovation technologique et pragmatisme démocratique.
Nicolas de Pape