Parce qu’il a considéré les Américains comme des citoyens et non des catégories ; parce qu’il a mis en avant les valeurs d’effort et de travail, et parce qu’il a pu promettre aux électeurs de retrouver leur fierté, Donald Trump a fourni des armes à la droite européenne. Une chronique de Louis Sarkozy.
« C’est l’économie, idiot ! »
Donald Trump a axé ses campagnes présidentielles de 2023 sur deux messages principaux : Je vais vous rendre plus riches et Je vais vous rendre plus sûrs. L’économie était, de loin, son argument de vente le plus puissant. Toutes les études et tous les sondages disponibles montrent que les Américains considèrent l’économie et l’inflation comme leurs préoccupations principales. Malgré des résultats économiques globalement satisfaisants, notamment en termes de chômage et de pouvoir d’achat, l’inflation est restée élevée. Ce phénomène s’accompagne d’un sentiment de catastrophisme : de nombreux Américains pensent que l’économie est en bien plus mauvais état qu’elle ne l’est réellement, en grande partie à cause de la hausse des prix des carburants et des produits alimentaires. L’Américain moyen dépense aujourd’hui environ 1 500 $ de plus par an pour les produits de première nécessité qu’il y a quatre ans. Dans ce contexte, les citoyens, qu’ils soient de gauche ou de droite, se rappellent les années Trump comme une période économiquement plus favorable et le perçoivent systématiquement comme plus compétent pour gérer les défis financiers du pays.
Les démocrates, de leur côté, se sont retrouvés dans une position délicate, devant jongler entre les signes d’une économie robuste et la nécessité de ne pas paraître condescendants envers les Américains en difficulté. Ils ont donc choisi de se concentrer sur d’autres enjeux. Le thème principal de la campagne de Kamala Harris était le droit à l’avortement. Elle a misé sur le vote des femmes, qui représentent 53 % de l’électorat américain, espérant que la rhétorique de Trump sur Roe v. Wade mobiliserait cet électorat. Cependant, avec 52 % des femmes blanches ayant voté pour Donald Trump, il est clair que cet argument n’a pas eu l’effet escompté.
Les femmes, les Afro-Américains et les Latinos sont également des acteurs économiques. En fin de compte, tout comme une armée marche sur son estomac, un citoyen vote en fonction de son portefeuille. Bien que les Américains entretiennent un rapport à l’argent plus prononcé que le nôtre, la leçon reste évidente. Comme l’a si bien dit Bill Clinton : « C’est l’économie, idiot. »
Les citoyens votent, pas les ethnies ni les genres
La grande surprise et la révélation de cette campagne ont été les performances de Donald Trump auprès des électeurs latinos et noirs. Ce succès mérite d’être particulièrement souligné. Pendant huit ans, l’establishment a martelé que Trump était un xénophobe et un raciste. Il a mené campagne en promettant de fermer la frontière et de procéder à des renvois massifs, et il faisait face à une femme noire. Pourtant, il a obtenu des résultats impressionnants parmi les électeurs noirs (notamment les hommes) et a atteint un niveau record de 48 % des votes latinos. Trump a remporté des comtés historiquement latinos qui n’avaient pas voté républicain depuis un siècle. Malgré les efforts frénétiques de la gauche pour lui attribuer tous les ismes imaginables, ces attaques ont complètement échoué.
Comme nous l’avons vu, il s’agit d’une double leçon : d’une part, sur l’importance de l’économie, et d’autre part, sur l’art de la stratégie politique et de la rhétorique. Si la droite reste fidèle à ses principes, sans se laisser influencer ni intimider par les attaques incessantes de l’establishment ou la diabolisation des médias, elle peut encore triompher. Gagner une élection ne nécessite pas l’approbation des élites métropolitaines bien-pensantes, mais la confiance du peuple dans son ensemble. « Sans elle », a écrit George Washington (à propos de l’aide de Dieu), « je ne peux pas gagner. Avec elle, je ne peux pas échouer. »
Le pouvoir des jeunes hommes
L’un des paris les plus audacieux de la campagne de Trump a été de miser sur le vote des jeunes hommes, un électorat historiquement difficile à mobiliser. Pour les atteindre, il s’est investi sur tous les réseaux sociaux, podcasts et émissions en ligne populaires, qui, aux États-Unis comme ailleurs, sont suivis de manière disproportionnée par les jeunes hommes. Il a abordé des thèmes comme l’économie et la sécurité, mais également la masculinité et les valeurs traditionnelles. Trump a su reconnaître et verbaliser le sentiment d’aliénation que beaucoup d’entre eux ressentent face à un monde post-MeToo qu’ils perçoivent comme de plus en plus hostile à leur identité et à leurs attributs innés. Il leur a montré qu’il pouvait être gratifiant d’être patriote, tout en rappelant une vérité immuable chez les jeunes hommes : ils rêvent de grandeur et d’empire.
Ainsi, nos droites européennes doivent comprendre qu’il est crucial de mener la bataille sur le front culturel. Le conservatisme ne se limite pas à une idéologie économique ; il est aussi une puissante idéologie qualitative. La droite doit se saisir des nouveaux moyens de communication, notamment le podcast, qui combine la portée des médias traditionnels avec une capacité unique à approfondir la réflexion et le dialogue, et qui constitue le présent et le futur de la communication.
Seules les sociétés qui s’assument peuvent prospérer.
Plus fondamentalement, il est essentiel de réaliser que la honte de notre histoire ne nous apportera rien d’autre que le mépris de nos adversaires et l’insécurité psychologique de nos citoyens. L’Europe et la France doivent cesser de s’excuser : d’avoir des intérêts, d’avoir des ennemis, ou encore d’avoir des alliés. Seules les sociétés qui s’assument peuvent prospérer. Celles qui se complaisent dans la honte s’effondrent sous le poids de leur propre impuissance.
Notre avenir repose sur les jeunes hommes. Sur leurs épaules se bâtissent nos routes, notre sécurité, nos libertés, nos civilisations. Ignorer cette vérité, c’est scier la branche de notre propre grandeur.
En bref, les électeurs ne sont pas des Noirs, des Arabes, des femmes ou des hommes, mais avant tout des citoyens. Malgré les tentatives répétées de déconstruction de la nation et de son morcellement en sous-groupes et minorités, elle s’est révélée être l’une des forces les plus puissantes et durables de l’histoire mondiale. Si Donald Trump parvient à séduire des électeurs latinos, noirs et féminins, nous devrions aussi courtiser nos concitoyens issus de l’immigration, et ne pas laisser cet électorat entièrement à nos adversaires. Le vote musulman, en particulier, offre une opportunité, car cette population est souvent plus conservatrice et en désaccord avec le wokisme sexuel de la gauche.
Eux aussi admirent la force et la grandeur. Nous devons leur rappeler la puissance de l’histoire de France et la splendeur de notre culture. Surtout, il faut faire comprendre, une fois pour toutes, à nos compatriotes musulmans que s’ils aiment leur pays, paient leurs impôts, respectent ses lois et contribuent à sa prospérité, alors ils sont pleinement et incontestablement français. Rien d’autre n’est nécessaire. Aucune condition ne manque. Napoléon, Louis XIV, Richelieu, Dumas et Victor Hugo leur appartiennent désormais. Leurs ancêtres sont gaulois. Les triomphes et les tragédies de notre passé sont les leurs. Mohamed devient ainsi un prénom français.
L’audace et l’imagination ont été les clés du succès de la droite américaine. Elles pourraient devenir les nôtres. Le triomphe de Trump prouve une vérité essentielle : rendez vos citoyens — tous vos citoyens — plus sûrs, plus riches et plus fiers, et ils vous pardonneront presque tout.
Louis Sarkozy, chroniqueur 21 News
(Photo : Belgaimage)