Mardi, les États membres de l’UE ont approuvé un règlement européen permettant de gagner de l’argent en retirant du CO2 de l’atmosphère. Cette législation vise à créer de nouvelles opportunités d’investissement et des modèles économiques autour de la « dé-carbonisation », dans le but d’atteindre la neutralité climatique d’ici 2050. Dans les faits, cela semble surtout devenir une machine à générer des revenus supplémentaires pour les projets verts.
Le Parlement européen avait déjà approuvé ce règlement en avril dernier. L’approbation par le Conseil de l’Union européenne (le conseil des ministres des États membres) n’était qu’une formalité, aucun État membre n’ayant la possibilité d’opposer un veto. De toute façon, cela n’était pas envisagé.
Une fois en vigueur, la Commission européenne examinera en 2026 comment intégrer ces certificats dans le système d’échange de quotas d’émission (ETS). Dans le cadre de l’ETS, les entreprises qui émettent du CO2 paient des droits d’émission à l’UE, ces droits pouvant être échangés. L’objectif est que les entreprises retirant du CO2 puissent vendre leurs certificats à celles devant acheter des droits d’émission. Cela permettrait à ces dernières de réduire, sur le papier, leurs besoins en droits d’émission, leur empreinte carbone semblant ainsi plus faible.
Le commerce des indulgences
Le nouveau règlement sera bientôt publié dans le Journal officiel de l’UE et entrera en vigueur 20 jours après. À ce moment-là, il deviendra une législation directement applicable dans tous les États membres, sans intervention de leurs parlements nationaux.
Les ministres des États membres ont donc donné leur feu vert à un règlement permettant l’attribution de certificats. Il s’agit d’un cadre volontaire visant à encourager la réduction des émissions de CO2, en complément des réductions obligatoires des gaz à effet de serre. Cette réglementation constitue une première étape vers l’introduction de programmes de certification de l’UE dans la législation européenne, avec pour ambition la neutralité climatique d’ici 2050.
Le règlement approuvé mardi est un programme-cadre concernant le « carbone ». Il encadre la création de certificats échangeables prouvant qu’une entreprise a retiré du carbone de la circulation. Cette dé-carbonisation comprend les « retraits permanents de carbone », l' »agriculture carbone » et le « stockage de carbone dans les produits ».
Concrètement, de quoi s’agit-il ?
Cela revient à une opportunité de gagner de l’argent. L’UE valide des certificats qui ont une valeur monétaire. Ceux qui obtiennent ces certificats peuvent en tirer profit, tout comme ceux qui les attribuent. L’UE laisse cependant le soin au marché ou aux gouvernements nationaux de s’occuper de leur gestion. En pratique, ces certificats concernent souvent des activités déjà subventionnées et représentent une source de revenus supplémentaires.
Quelles activités sont éligibles ?
- Capture et stockage permanent du CO2 : capter le CO2 des cheminées industrielles pour le stocker dans des réservoirs souterrains, comme d’anciens champs pétroliers ou gaziers, ou encore capturer le CO2 directement dans l’air.
- Stockage du carbone dans des produits : utiliser des matériaux à longue durée de vie (35 ans ou plus), comme le bois dans la construction, au lieu de la brique.
- Agriculture carbone (ou éco-agriculture) : stocker du CO2 dans les sols, les forêts ou les zones humides, via des projets de reforestation, de restauration de marais ou de gestion des fertilisants. Ces projets doivent durer au moins cinq ans, ce qui exclut pratiquement l’agriculture traditionnelle.
Comment ça fonctionne ?
Si un projet remplit les critères requis, il reçoit un certificat attestant de la quantité de CO2 retirée, comme un document officiel. Ces certificats doivent aller au-delà des obligations légales actuelles de l’UE en matière de dé-carbonisation. L’objectif est d’améliorer la viabilité financière de tels projets verts.
Qui attribuera ces certificats ?
Pas l’UE elle-même, mais des tiers, comme des entreprises privées ou des autorités nationales. L’UE promet un suivi strict pour garantir l’intégrité du système et mettra en place un mécanisme de responsabilité : les projets incapables de prouver leur impact en matière de dé-carbonisation seront sanctionnés. Un registre européen des certificats sera mis en place d’ici quatre ans pour assurer la transparence.
Un modèle lucratif conditionné au marché du carbone
En plus des nombreuses subventions européennes et nationales pour la décarbonisation, l’UE propose désormais un modèle de revenus supplémentaires. Mais ce modèle n’est rentable que si le prix des droits d’émission de CO2 reste élevé et continue de grimper. Les certificats permettent à leurs acheteurs de « racheter » des droits d’émission. On se rapproche alors dangereusement d’une forme moderne de commerce des indulgences.
Lode Goukens
(Photo Belgaimage)