L’État s’occupe de tout, veille à tout, mais le fait très mal et cela coûte très cher. C’est le cas aussi pour l’État providence qui est en train de tuer à petit feu l’Union européenne. Une carte blanche de Typhanie Afschrift.
Il y a dix ans déjà, Angela Merkel, alors au faîte de sa puissance, concédait : « L’Europe représente 7 % de la population mondiale, 20 % du PIB mondial mais 50 % des dépenses sociales mondiales ».
Sur ce point, la dirigeante allemande était clairvoyante, contrairement à d’autres domaines, comme l’énergie, où sa politique s’est révélée ruineuse pour toute l’Europe.
Mais, alors même qu’elle a vu le problème, elle n’en a tiré aucune conclusion. Elle s’est cramponnée, comme tous les pays de l’Union Européenne, à l’exception très relative du Royaume-Uni qui a voté le Brexit, à la notion d’« économie sociale de marché » choisie dans l’article 3 du Traité sur l’Union Européenne.
Un État providence gourmand…
Rien n’est fait pour réduire l’énorme facture de ce système, qui, en tout cas dans l’esprit des dirigeants, implique un « État providence » : l’État s’occupe de tout, veille à tout, mais le fait très mal et cela coûte très cher. Il ne s’agit pas seulement, dans ce système, de venir en aide à ceux qui souffrent, mais bien de réguler les revenus de tout un chacun, de tendre vers une politique où le plus grand nombre possible de personnes – en pratique une bonne moitié –, vit davantage de sommes réparties par l’État que de ce qu’elles ont produit elles-mêmes.
Les États-Unis appliquent aussi, mais dans une moindre mesure, la doctrine de l’État providence, surtout au niveau fédéral, mais ils s’organisent pour que celle-ci soit moins coûteuse, même si elle est réputée moins généreuse.
Le résultat est que l’Union Européenne a une moyenne de prélèvements obligatoires de 40 % (46 % en Belgique), alors que celui-ci n’est que de 24,5 % aux États-Unis.
Et, parallèlement, les États-Unis ont, au cours des 12 dernières années, connu une croissance cumulée, avant inflation, de 34 %, pour seulement 21 % à l’Union Européenne.
… dans une Europe hyper-régulée
Sans doute le niveau d’imposition moyenne n’est-il pas le seul motif du déclin profond de l’Europe. Il y a aussi l’hyper-réglementation, qui l’amène systématiquement à soumettre la moindre innovation à une quantité de règles complexes et souvent injustifiées. On l’a vu récemment en ce qui concerne l’intelligence artificielle, pour laquelle l’Europe est très nettement en retard, tandis qu’elle a été la première à réglementer cette activité.
Dans les domaines innovants, les grandes entreprises ne se créent plus en Europe. Celle-ci s’en prend aux GAFAM, et aux sociétés de distribution chinoises, parce qu’elle est sans doute irrémédiablement retardée et qu’elle ne dispose pas d’entreprises capables de les concurrencer. C’est typiquement l’attitude d’un pays en voie de développement : on n’est pas capable de créer, mais on empêche les habitants de bénéficier de ce qui a été créé ailleurs soit par des taxes, soit par des règlements multiples. Cela donne aux dirigeants le sentiment de contrôler la situation, alors que l’Union se vide petit à petit de ce qui faisait sa prospérité.
L’Union Européenne progresse moins que les États-Unis, mais aussi moins que la Chine, et moins que les pays émergents d’Asie parce qu’on y règlemente plus, parce qu’on y travaille moins, et surtout parce qu’on y applique systématiquement les règles de l’État providence.
Certains États européens sont plus prospères
Même à l’intérieur du continent européen, certains États connaissent une meilleure croissance et un taux de chômage beaucoup plus bas : la Suisse et la Norvège, qui n’ont pas voulu entrer dans l’Union Européenne, d’une part, et aussi le Luxembourg et l’Irlande, qui sont membres de l’Union Européenne, mais pratiquent une politique fiscale avantageuse pour les entreprises : un taux d’impôt plus bas qu’ailleurs en Irlande pour toutes les entreprises, et la création de « niches » attrayantes dans le domaine financier pour le Luxembourg.
Il est temps que l’Europe essaye de se reprendre et des pays comme la France et la Belgique, qui sont sans doute les plus affectés par l’hyper-étatisation, devraient être les premiers à réagir.
Aujourd’hui, il ne suffit pas de dire que toute augmentation d’impôt doit être refusée, alors même que certains exigent qu’on accroisse encore les prélèvements obligatoires. Il est temps de faire en sorte que les impôts soient diminués. Cela implique un État beaucoup moins gourmand. Il faut cesser de dire que l’État doit être simplement plus performant, alors qu’on sait bien qu’il en est incapable. Il ne faut pas seulement que l’État fasse mieux qu’aujourd’hui ; il faut qu’il fasse beaucoup moins, et qu’il renonce à une proportion importante de ses activités. Cela implique clairement des réductions de charges dans le domaine de la sécurité sociale, et dans la fonction publique. Nos gouvernants devraient avoir le courage de le dire.
Peut-être qu’alors, un jour, de jeunes Européens auront davantage envie de créer leur entreprise et, s’ils le font, de le faire en Europe, où ils savent que, même si en cas d’échec ils perdent tout (ce qui est la règle du jeu), ils devront partager la moitié de ce qu’ils gagnent en cas de succès.
Typhanie Afschrift, Chroniqueuse 21News
(Photo Belgaimage : le Berlaymont)