La 14e cérémonie des Magritte a, une nouvelle fois hier soir, permis aux artistes de la Fédération Wallonie-Bruxelles de s’exprimer à la tribune. Pour dénoncer essentiellement les attaques portées à la culture subventionnée. Or, le débat sur le rôle de l’État dans le financement de la culture n’est ni provocateur ni dépourvu de sens. Une carte blanche d’Alexandre Larmoyer, chef de groupe MR au conseil communal d’Evere.
Dans une interview accordée au Soir le 4 janvier 2025, Georges-Louis Bouchez, président du Mouvement Réformateur, a déclaré, dans le contexte des négociations fédérales : « Je ne vois pas pourquoi on a un ministre de la Culture. (…) Mon modèle, c’est un seul gouvernement, quinze ministres, et c’est tout, avec un chef du gouvernement élu au suffrage universel sur tout le pays. (…) »
Cette déclaration, bien qu’idéologique et peut-être provocatrice, ne manque pas de susciter des réactions. Pour certains, elle représente une chimère politique, pour d’autres, une déclaration de guerre contre le secteur culturel. Pourtant, au lieu d’engager un débat de fond sur le rôle de l’État dans la culture, certains préfèrent s’emparer de cette phrase pour alimenter une polémique émotionnelle, souvent déconnectée du véritable contexte.
Du débat à la caricature
Les critiques les plus virulentes s’appuient sur des mécanismes de simplification : évoquer un « grand complot libéral », utiliser la fenêtre d’Overton pour suggérer un démantèlement progressif du secteur culturel et, pire encore, mettre en balance cette proposition avec une atteinte à la démocratie et à la liberté. Ces raccourcis desservent le débat.
Je m’inquiète d’une tendance récurrente à crier au fascisme à la moindre idée qui bouscule les normes établies. Il y a là un danger : lorsque le véritable fascisme surgira, ces accusations galvaudées ne susciteront plus la crainte qu’elles devraient. Face à l’émotion et à l’exagération, j’appelle à davantage de mesure et de réflexion.
Le dialogue plutôt que le buzz
Au lieu de hurler au scandale, les critiques ont-ils essayé d’engager un dialogue avec Georges-Louis Bouchez ? Ont-ils pris le temps de lui exposer leurs arguments et de proposer un échange constructif ? Ou bien, comme ils le reprochent souvent à d’autres, cherchent-ils avant tout à faire le « buzz » et à rallier des soutiens par des raccourcis émotionnels ?
Si l’on souhaite défendre la culture, il est impératif de privilégier le débat d’idées et avoir l’honnêteté intellectuelle de remettre en question le fonctionnement de nos politiques culturelles plutôt que de singer des postures indignées.
Le libéralisme et la culture : une relation historique
Contrairement à ce que certains insinuent, le libéralisme n’a jamais été hostile à la culture. Les grands auteurs libéraux, dits « classiques », comme Adam Smith ou John Stuart Mill, ont toujours soutenu un interventionnisme étatique limité mais nécessaire, notamment pour préserver le patrimoine et promouvoir l’éducation.
Dans La Richesse des Nations (1776), Adam Smith affirme :
« Il est ainsi nécessaire qu’en tout gouvernement civilisé, les institutions publiques soient mises en place pour instruire la jeunesse et pour tous les gens de tout âge qui désirent apprendre. »
Et encore :
« Un individu sans éducation est plus susceptible d’être victime de la superstition et des préjugés, ce qui peut le rendre un danger pour la société. »
Ces mots résonnent encore aujourd’hui : l’éducation et la culture sont des piliers essentiels pour éviter les dérives et renforcer la cohésion sociale.
De manière plus contemporaine, Tyler Cowen, dans In Praise of Commercial Culture, défend l’idée que le marché, bien que perfectible, permet de réduire les barrières à l’entrée pour les créateurs, favorisant ainsi une diffusion plus large des œuvres culturelles.
Un passé libéral au service de la culture
L’histoire récente du Mouvement Réformateur montre aussi que le libéralisme peut être un allié du secteur culturel. Richard Miller (Ancien Ministre de la Culture), par exemple, a joué un rôle clé dans la réforme du statut des artistes, en travaillant en concertation avec les acteurs du secteur. Cette approche prouve que le dialogue est non seulement possible mais également fructueux.
Les défis auxquels notre société est confrontée, qu’ils soient culturels, économiques ou sociaux, nécessitent une collaboration constructive et une vision commune. La culture est une richesse, mais elle ne devrait pas être l’apanage d’un seul courant politique ou idéologique.
En remplaçant l’émotion par la raison, et les accusations par le dialogue, nous pourrons relever ces défis ensemble, dans le respect de la diversité des opinions.
Alexandre LARMOYER, Chef de groupe MR au Conseil Communal d’Evere (le chapô est de la Rédaction)
(Photo Belga : Hatim Kaghat)