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Louis Michel : « Netanyahu est tombé dans le piège du Hamas et du Hezbollah »

par Philippe Lamair
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Seconde partie de notre entretien avec le ministre d’État MR et ancien ministre belge des Affaires Étrangères. Il est question de la situation sur les fronts de guerre : Proche-Orient, Ukraine. L’inquiétude de Louis Michel ? L’importation du conflit israélo-palestinien et les menaces politiques qui en découlent.

21 News : Au Proche-Orient, Louis Michel, quand pourra-t-on espérer voir la fin du tunnel ? Un cessez-le-feu ?

Louis Michel : Aujourd’hui, la réplique de Netanyahu – je dis bien Netanyahu, je ne parle pas d’Israël –, est tout à fait inacceptable. Démesurée ? Totalement démesurée. L’attentat (du 7 octobre 2023, ndlr) provoqué par le Hamas, c’est odieux, c’est abominable, c’est scandaleux, bien entendu. Mais je pense que la manière dont Netanyahu est occupé à se comporter, finalement, renforce ces mouvements-là au niveau de l’opinion, de l’opinion palestinienne notamment, mais pas seulement chez les musulmans en général, c’est un fait et si vous voulez, ça rajoute des couches et des couches de victimisation. À tort ou à raison.

21 News : Le Premier ministre israélien est tombé dans le piège du Hezbollah ?

L. M. : Ah, moi je pense qu’il est tombé dans le piège du Hamas et du Hezbollah. Bien entendu ! Mais écoutez, le Hamas et le Hezbollah, en termes… (hésitation) d’imaginaire politique ne pouvaient pas rêver mieux que ce genre de comportement. Et donc je pense que, bien entendu, il faut tout le temps rappeler que le Hamas a commis là quelque chose d’impardonnable, de scandaleux. Et qu’il le commet toujours puisque il n’a pas voulu et ne veut toujours pas libérer les otages. Mais je pense que cet acharnement de Netanyahu est occupé à remplir, à allumer, à renforcer cet imaginaire désastreux mortifère.

« Qu’on négocie un cessez-le-feu ! »

Il faut juste espérer une chose, c’est que maintenant le plus vite possible, on négocie. Je ne dis pas que Netanyahu doit négocier avec le Hamas, mais il doit quand même, maintenant, négocier avec les Palestiniens à qui il est possible de parler. Au plus il s’acharne dans cette réplique, dans cette riposte qu’il est occupé à mener avec les morts que l’on sait, avec les victimes que l’on sait avec, avec cette atmosphère absolument abominable, je pense qu’il faut maintenant négocier. Maintenant il faut atterrir. Il faut essayer d’arrêter le plus vite possible parce que tout ça va alimenter – à tort, évidemment –, un terrorisme débridé. Je le crains.

21 News : Mais au-delà de ce terrorisme qui existe déjà et qu’on a déjà connu et qui risque de persister, est-ce que cette cause palestinienne n’est pas le cheval de Troie de certains mouvements comme les Frères musulmans qui, depuis des années, gangrènent ou contrôlent certaines institutions ?

L. M. : Évidemment, c’est la raison pour laquelle la chose que je trouve la plus abominable par rapport à ça, c’est cette espèce de… je ne veux pas utiliser de mots parce que le poids des mots est important. Je ne dirais pas cette connivence mais cette exploitation électoraliste par le communautarisme qui, d’une certaine manière donne évidemment des atouts, des arguments et surtout des soutiens. Je n’ai pas dit que c’était voulu, mais quand même. Allez par exemple, quand Madame Khattabi (ministre fédérale Ecolo en charge notamment du Climat, ndlr) hésite à dire que le Hamas serait peut-être résistant, pas résistant, mais que c’est peut-être de la résistance quand même. Ce sont des approximations scandaleuses qu’on ne peut pas admettre, qu’on ne peut pas tolérer. Pourquoi ? Mais ce genre d’attitude nourrit d’une certaine manière une forme – pas dans mon esprit, mais aux yeux de certains –, de légitimité. Tous ces mouvements, les Frères musulmans ont des ramifications, je pense, des proximités politiques, même en Belgique. Le communautarisme ici en Belgique a fait beaucoup de dégâts. 

« La stratégie est décidée à Washington »

21 News : Passons maintenant à la guerre en Ukraine. Quelle est votre vision sur les rapports entre les États-Unis et l’Union européenne au sein de l’OTAN ?

L. M. : La question ukrainienne est une question évidemment fondamentale. La pire des erreurs, ce serait de laisser l’Ukraine seule. Je pense que le conflit entre la Russie et l’Ukraine met aussi en évidence, de mon point de vue, les rapports curieux entre les États-Unis et l’Europe. Je pense qu’il y a là un vrai problème ! Pour le meilleur de l’Europe d’abord, mais aussi pour le meilleur du monde, c’est important que l’Europe puisse avoir une stratégie géopolitique qui soit la sienne, qui vise ses intérêts. Bien sûr, on sera toujours des partenaires privilégiés des États-Unis. Mais j’ai déjà eu tellement souvent l’occasion de dire qu’on ne peut pas être juste les valets des États-Unis. On doit être nous-mêmes. Bien sûr que notre préférence va à une alliance avec les États-Unis, mais on servirait d’ailleurs aussi la sécurité américaine. On servirait beaucoup mieux les États-Unis si on était nous-mêmes. Et pas tout le temps être obligés de faire comme ils voudraient bien qu’on fasse. Parfois d’ailleurs, on est tellement naïf qu’on anticipe ce qu’ils ne nous demandent même pas. Je vais donner un exemple : quand le président Biden décide de retirer les troupes d’Afghanistan. On a quand même payé beaucoup d’argent pour soutenir tout ça. Il ne prend même pas la peine – parce que c’est ça, la vérité –, de demander l’avis de l’Union européenne. On est là et le lendemain, que dit-il par rapport à la guerre en Ukraine ? Il dit : « nous n’interviendrons pas militairement ». C’est un signal extraordinaire envoyé à Poutine ! Le lendemain, le secrétaire général de l’OTAN dit : « nous n’interviendrons pas militairement ». Ça veut dire quoi ? Ça veut dire qu’en fait la stratégie géopolitique dans dans ce cas-ci, elle est en réalité décidée à Washington.

Entretien : Philippe Lamair

(Photo : 21 News)

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