Mélissa Amirkhizy est présidente de l’Assemblée consultative du MR. Son tweet dénonçant les alliances PS-Ecolo-PTB (et dans lequel figuraient des hommes vêtus en djellabas et tenues islamiques) n’a pas plu au président du PS bruxellois Ahmed Laaouej. Au-delà de la polémique sur le réseau X, l’ex-candidate à Ganshoren dénonce les pratiques communautaristes de la gauche dans la capitale.
21 News : Des leaders du parti socialiste bruxellois vous traitent de raciste, que leur répondez-vous ?
Mélissa Amirkhizy : Je trouve regrettable que l’on soit trop souvent accusé de racisme dès que l’on exprime des désaccords avec certains aspects de la gauche. Cette tendance à disqualifier par de telles accusations freine tout débat constructif et nuit à la démocratie.
Je tiens aussi à souligner que j’ai de nombreux amis de diverses origines, qui, eux aussi, sont lassés d’être utilisés à des fins politiques. En tant que femme d’origine iranienne, je comprends bien les enjeux liés à la diversité et à l’inclusion. Mon expérience personnelle me place d’ailleurs en opposition à toute forme de racisme, tout en m’amenant à dénoncer ce que je considère comme une tolérance excessive envers certaines idéologies rétrogrades, notamment l’islamisme radical.
Je continuerai de défendre les valeurs de liberté et de démocratie, car l’Iran montre bien les dérives possibles d’un mélange entre religion et radicalisme. Enfin, je trouve dommage que le président régional alimente des discours qui divisent davantage la société au lieu de favoriser l’unité.
Je suis épuisée d’être enfermée dans les cases de “diversité” et de “minorités”. Arrêtons de diviser la société avec ces étiquettes : nombreux sont ceux qui, comme moi, veulent avancer sans être constamment réduits à leurs origines ni traités de racistes pour ne pas adhérer aux idées de la gauche.
21 News : Votre tweet n’était-il pas un peu maladroit ou excessif ?
M. A. : Je ne considère pas mon tweet comme excessif ou maladroit. Il s’agissait d’une réponse directe à un message provocateur provenant d’une personne aux idées extrêmes, et il exprime surtout mon indignation face à l’évolution de notre société. J’avoue être profondément préoccupée par la dégradation de la cohésion sociale que je perçois.
En Belgique, pays de démocratie, il est crucial que nous puissions vivre ensemble malgré nos différences. Pourtant, la montée du communautarisme dans certains quartiers est alarmante, et il est nécessaire d’aborder ce sujet de manière franche. La situation dans certaines communes bruxelloises, ou à Mons, met en lumière des alliances entre le PS, le PTB et Ecolo, qui suscitent des questions légitimes sur leurs motivations.
« La montée du communautarisme dans certains quartiers est alarmante. »
À l’approche des élections, il n’est un secret pour personne que des photos de responsables politiques de gauche apparaissent dans certaines mosquées, accompagnées de messages ciblant des groupes spécifiques. Des sujets communautaires comme l’abattage rituel ou le port du hijab sont alors mis en avant pour séduire un électorat particulier. Je ne pense pas qu’il soit juste de détourner le regard face à ce type de stratégie électorale qui instrumentalise la religion.
Pour ma part, je choisis de nommer les faits et d’informer les citoyens, en m’appuyant sur l’expérience de mon pays d’origine autrefois libre, devenu aujourd’hui un endroit où la liberté est un rêve lointain. Les électeurs ont le droit d’être pleinement informés des dynamiques qui influencent notre politique locale, surtout lorsque ces pratiques menacent la cohésion de notre société.
21 News : Vous êtes d’origine iranienne. Comment voyez-vous le positionnement de la gauche belge et que pensent de cela les Iraniens de Bruxelles, selon vous ?
M. A. : En tant que Belgo-Iranienne, j’observe la position de la gauche belge avec des sentiments partagés. Beaucoup d’Iraniens vivant ici ressentent une inquiétude face à certaines alliances ou attitudes de la gauche envers des groupes religieux extrémistes, qui semblent parfois en décalage avec les valeurs de démocratie et de laïcité que nous avons choisies en venant vivre en Belgique.
Pour nous, l’histoire de l’Iran en 1979 est un souvenir marquant. La révolution iranienne a initialement rassemblé des forces diverses, y compris la gauche communiste et les islamistes, dans l’espoir d’une société plus libre. Mais ce sont finalement les islamistes radicaux de Khomeini qui ont pris le pouvoir, entraînant des décennies de répression. Cette expérience douloureuse nous rend particulièrement sensibles aux signes de complaisance envers des idéologies extrêmes, car nous savons que la tolérance excessive peut menacer les valeurs démocratiques.
La radicalisation et la religion politique n’ont pas leur place dans notre société démocratique
Aujourd’hui, certains Iraniens de Bruxelles sont troublés de voir des responsables de la gauche belge entretenir des liens avec des représentants de régimes autoritaires ou montrer de la tolérance envers des mouvements extrémistes. Pour eux, cela crée une réelle inquiétude de voir la démocratie et les droits humains compromis, même indirectement, par des choix politiques.
Je suis profondément préoccupée à l’idée que ce que nous voyons se produire ailleurs puisse un jour arriver ici. Imaginez si, dans quelques années, la Belgique venait à ressembler à l’Iran d’aujourd’hui : où nos enfants pourraient-ils vivre alors ? Je suis attachée à nos valeurs démocratiques, à la séparation de l’État et de la religion. La radicalisation et la religion politique n’ont pas leur place dans notre société démocratique.
21 News : Il y a beaucoup de clivage à Bruxelles, de quartiers à Bruxelles ou les fusillades se multiplient ou le vivre-ensemble ne fonctionne plus. Quelles mesures prendriez-vous pour changer les choses ?
M. A. : Les fusillades et l’insécurité croissante à Bruxelles ne sont malheureusement pas un accident. Elles résultent directement d’un manque de gouvernance et d’une gestion défaillante de la part du PS, particulièrement avec l’inaction face à la montée de ces problèmes. Le refus de l’aide fédérale, notamment lors de la mise en place du Plan canal, n’a fait qu’aggraver la situation. Ce manque de coordination et de volonté politique a permis l’expansion de l’impunité dans certains quartiers, où les actes violents deviennent presque la norme.
Pour endiguer ce phénomène, il est urgent de mettre en place des mesures concrètes et structurelles. D’abord, il faut rétablir l’autorité de l’État et offrir des peines réellement dissuasives aux auteurs de violences. Cela inclut non seulement des peines de prison adaptées, mais aussi des sanctions plus sévères, comme la déchéance de nationalité pour les individus à double nationalité impliqués dans des actes criminels graves. De plus, des amendes conséquentes devraient être imposées aux délinquants, et pour les mineurs, il est crucial d’étendre ces sanctions financières aux parents, avec la suspension des allocations familiales en cas de récidive.
Mais au-delà de la répression, il faut également se pencher sur les causes profondes de ces dérives. L’intégration des personnes issues de l’immigration est un problème structurel qui n’a pas été suffisamment abordé. Nous devons offrir des outils réels à ceux qui arrivent ici, afin qu’ils puissent s’intégrer de manière réussie et constructive dans la société. Cela signifie un meilleur accès à l’éducation, à la formation professionnelle et à des opportunités d’emploi. Seule une politique d’intégration ambitieuse, qui offre des perspectives à long terme, permettra de réduire la marginalisation et de renforcer le vivre-ensemble.
En somme, la solution à la violence à Bruxelles passe par une combinaison de répression ferme contre les criminels et une révision en profondeur des politiques d’intégration. Le refus de traiter ces problèmes de manière sérieuse et cohérente aura des conséquences encore plus graves pour l’avenir de notre ville.
« La gauche a mis en place des politiques qui, plutôt que d’aider à une intégration réelle et au renforcement du lien social, semblent perpétuer une forme de dépendance politique. »
21 News : Que pensez-vous du travail de la gauche, à Bruxelles, pour favoriser l’intégration des communautés étrangères ?
M. A. : Je pense que la gauche a largement failli, depuis 30 ans, dans l’intégration des communautés étrangères à Bruxelles, même s’il existe des réussites individuelles. Certains s’en sortent très bien, en particulier ceux qui investissent dans leur éducation, surtout dans des secteurs en pénurie, où leurs compétences sont recherchées. Ces personnes n’ont souvent pas le temps ni l’intérêt de se lancer dans des débats de victimisation, car leur intégration passe par leur contribution active à la société.
Cependant, ces dernières années, je constate un certain repli communautaire et une perception croissante de persécution chez certaines communautés. Cela peut s’expliquer par une politique de la gauche qui a tendance à voir les citoyens d’origine étrangère comme un vivier de voix électorales, plutôt que comme des individus à accompagner pleinement vers une intégration réussie. Le résultat est une concentration de communautés dans certains quartiers, où les politiques d’intégration semblent davantage viser le maintien du statu quo que le développement de véritables opportunités.
En somme, la gauche a mis en place des politiques qui, plutôt que d’aider à une intégration réelle et au renforcement du lien social, semblent perpétuer une forme de dépendance politique. Cela freine une pleine intégration et laisse de nombreux habitants d’origine étrangère dans une situation où ils ne se sentent pas complètement partie prenante de la société belge.
La rédaction